Bonjour Oliver,
Toujours un plaisir d'échanger sur ces concepts essentiels
Tomcat a écrit:Aurais tu plus d'infos détaillées sur le Auftragstaktik ?
Notamment sur le niveau de délégation en fonction des grades...
Détaillée non.
Tu trouveras
ici les origines et l'évolution historique du concept (l'ouvrage est d'ailleurs digne d'intérêt sur de nombreux aspects et mérite de figurer dans toute bibliothèque).
Mais l'
Auftragstaktik transpire dans toute étude sérieuse des opérations allemandes à travers la guerre.
Le concept du "Kampfgruppe" et l'excellence typiquement allemande dans la maîtrise des opérations interarmes me semblent étroitement liés au concept.
Tomcat a écrit:Rommel par exemple commandait à l'avant garde de sa division, peux t-on considérer qu'à son niveau il est un "subalterne" qui a l'autonomie sur la façon d'accomplir l'objectif qui lui a été attribué ou est-il un officier qui ne semble pas trop vouloir déléguer à plus bas niveau ses propres objectifs ?
A te lire, je me rends compte que le terme "subordonné" est mieux adapté que "subalterne" que j'avais employé en premier jet vendredi.
Un lieutenant ou un capitaine sont des subalternes, pas un général divisionnaire comme ROMMEL.
Il n'empêche, la chevauchée de ROMMEL à la tête de "la division fantôme" me semble une belle démonstration du concept de l'
Auftragstaktik.
ROMMEL a un objectif (franchir la Meuse) et des moyens alloués par son commandant d'
Armeekorps (itinéraire, unités d'appui, etc.).
A l'intérieur de ce cadre large, il a totale autonomie de commandement.
Cette autonomie se répercute tout au long de la ligne hiérarchique au sein de la 7.Pz-Div. (
les mémoires de VON LUCK republiés récemment en témoignent au moins partiellement).
Mais lorsqu'une pointe de la division vient buter sur les Chasseurs ardennais à Chabrehez ça patine. ROMMEL "descend sur place" selon le sacro-saint principe que le commandant sur le terrain est le seul à connaître la situation.
Son intervention réorganise l'attaque et la relance victorieusement.
A comparer avec les Alliés à l'époque : le commandant français, britannique ou belge aurait rapporté la situation au régiment qui l'aurait remontée à l'état-major divisionnaire qui aurait demandé instruction au général, instruction qui aurait redescendu la ligne hiérarchique coûtant à minima un temps précieux.
Autre exemple à un échelon supérieur : GUDERIAN (commandant de corps) obligé de s'arrêter sur ordre (vers le 16 ou 17 mai 40). Il tape du pied ! Cet arrêt pourrait gripper la ruée des
Panzer avec des conséquences inimaginables. Il va demander à son supérieur direct (KLEIST) l'autorisation de mener "une reconnaissance en force". Il suggère un nouvel objectif/nouvelle mission, à l'intérieur de laquelle l'
Auftragstaktik lui donner les coudées franches pour continuer à foncer. Il obtient l'autorisation et on connait la suite (la légende veut même qu'il fasse tirer une ligne téléphonique à sa suite pour rester joignable "depuis son état-major" si KLEIST l'appelle).
Dans ces deux cas exemplaires, on se rend bien compte que ce ne sont pas tant les moyens de communication comme la radio (ROMMEL n'est jamais joignable au grand dam de sont propre état-major) ou l'éloignement relatif des états-majors qui font la force des Allemands en 1940 mais leur grande souplesse opérative dont les moyens de communication ne sont qu'un outil au service de la doctrine.
Sinon ROMMEL sait déléguer mais sait aussi faire acte de présence s'il estime que la situation l'exige.
Tomcat a écrit:
A partir de quel grade/taille d'effectifs, le commandement se fait à l'arrière plutôt qu'à l'avant dans l'armée allemande et par comparaison dans l'armée française ?
Compliqué de répondre.
A mon sens, jusqu'à la compagnie (capitaine) le commandement se fait forcément au contact de l'ennemi.
A partir du bataillon (lieutenant-colonel) le commandement s'éloigne des premières lignes.
C'est beaucoup moins vrai dans les troupes blindées.
Tu as cité ROMMEL. Général de division il commande parfois jusqu'en première ligne avec les risques pour sa personne (chez les Américains, un Maurice ROSE [divisionnaire de la
3rd Armored) le paie de sa vie en mars 1945).
décembre En décembre 1944, un PEIPER (colonel) commande son régiment renforcé depuis un SPW parfois dans les premiers véhicules de sa pointe comme à Ligneuville le 17 décembre 1944 où il assiste à la destruction du Panther de pointe à quelques mètres à peine devant lui.
A partir du corps d'armées, le commandant ne peut plus se faire de l'avant.
La coordination de plusieurs divisions, notamment en mouvement, nécessite le traitement de nombreux rapport et une cohésion d'ensemble avec les autres corps qui nécessite un travail d'état-major constant pour tenir informé le commandant de corps et pour qu'il puisse prendre les bonnes décisions. Ce qui n'empêche pas ce dernier de courir les routes pour "se rendre compte" quand c'est nécessaire.
Je peux en témoigner à la fois pour les Allemands et les Américains à l'Ouest en 1944 mais certainement pas pour les Français en 1940.
Sinon que la lecture de
"La bataille de Sedan..." m'a fait me rendre compte de l'extrême lourdeur du commandement français quand le Général LAFONTAINE n'a quasiment aucune liberté d'action hors les décisions du général de corps d'armée dont il dépend et qui est totalement submergé, voire injoignable (avec, si j'ai bonne mémoire, la nécessité pour LAFONTAINE de prendre une voiture et de partir lui-même à la recherche de son supérieur... ...pendant ce temps les Allemands franchissent la Meuse).