Je vous propose une série de chroniques qui alimenteront les différentes thématiques des Forums intitulée "Lothringen Chroniques de la Moselle Annexée 1940 1945".
L’évacuation des mosellans en septembre 1939 ou l’exil intérieur
L’ordre de mobilisation décrété le 1 septembre 1939 va déclencher la mise en œuvre de l’instruction générale de Sauvegarde 38/93 relative à l’évacuation de la population civile en Moselle . La partie du département à évacuer est divisée en 3 zones : la zone 1 dite zone rouge situé entre la frontière allemande et la ligne Maginot est à évacuer immédiatement. La zone 2 à évacuer en cas de bombardements, la zone 3 est une zone de passage avec gites d’étapes pour les évacués de la zone 1. Le plan d’évacuation précise qu’elle est mise en œuvre pour dégager le terrain « même contre le gré des habitants ». La Vienne et la Charente sont les départements de repli pour la population mosellane.
De façon préventive les hôpitaux, asiles et hospices sont évacués à partir du 24 aout 1939.
Les hommes étant mobilisés, les évacuations concernent surtout les femmes, les vieillards, les enfants et les adolescents trop jeunes pour être mobilisés. Les directives sont claires : «on ne pouvait pas dépasser trente kilos de bagages auquel il fallait rajouter 4 jours de vivres, un couvert individuel et des couvertures ». La majorité des gens partent avec le convoi communal. La décision de partir individuellement est souvent le fait de paysans qui emmènent leur bétail vers la région messine ou la Meurthe et Moselle.
Certaines personnes réquisitionnées dans le cadre de leur profession (mineurs, ouvriers d’usine travaillant pour la défense nationale) sont dirigés vers une autre destination : les mineurs sont dirigés vers les mines du Pas-de-Calais et du Nord. Les ouvriers d’usines et certains mineurs sont dirigés sur les centres industriels et miniers de la Saône et Loire et du Tarn.
Les départs ont lieu par transport ferroviaire ce qui permet de canaliser les flux vers les départements d’accueil. Au plus fort les convois d’échelonnent toutes les 2 heures. Malgré une préparation de plusieurs années, les autorités ont été débordées et les itinéraires et étapes n’ont pas été respectés. Lairds Boswell dans son étude sur les réfugiés alsaciens et lorrains en 1939-1940 souligne « l’évacuation procéda de façon désordonnée et chaotique ».
Les flux traduisent le choc provoqué par cet afflux soudain de population :
- En Charentes (310 000 habitants) 85 000 mosellans
- Dans la Vienne (306 000 habitants) entre 62 000 mosellans
- En Charentes Inférieure (410 000 habitants) 11 500 mosellans
- Dans le Nord Pas-de-Calais : 30 000 mosellans
- Dans le secteur industriel du Centre la charge démographique se limite aux sites industriels.
Si l’on considère les départs individuels, ce sont 200 000 personnes qui ont été évacués de Moselle.
En mai-juin 1940, une seconde vague d’évacuation de la zone bleue située à la lisière de la zone rouge va se dérouler, complétée par des départs volontaires ou suscités dans le reste du département notamment du chef-lieu Metz qui voit sa population passer de 86 000 (recensement de 1936) à 20 000 en juin 1940.
Au quotidien la situation est mal vécue par les mosellans : choc culturel, habitudes alimentaires, déclassement professionnel, dépaysement linguistique lié à la pratique d’un dialecte allemand dans la zone frontalière, pratiques religieuses et organisation scolaire. Les difficultés d’adaptation familiale créent un fort sentiment de déracinement aggravé par le caractère contraint des départs.
Cette situation va durer jusqu’à l’armistice signée le 22 juin 1940.
(à suivre)