Loïc Charpentier a écrit:Bonjour,
Quand le "front" avait explosé, le 14 mai, à Sedan, il n'y avait rien de sérieux, derrière, pour tenter d'enrayer la progression allemande.
Comme l'a indiqué Alfred, le réseau de communications et l'organisation de la chaine décisionnaire française n'étaient plus dans l'air du temps. Sans chercher la caricature, il avait été conçu sur la base de la guerre de position de 14-18. Il suffit de se rappeler que le moindre char allemand, disposait d'un équipement radio "émetteur-récepteur", même si sa portée était limitée à, à la louche, 3 bornes. Le premier chef de compagnie venu, pouvait contacter son état-major régimentaire avec des matériels plus puissants.
Vous allez me dire, que c'est du cinéma et, en plus, une comédie sans prétention, mais, quand Robert Lamoureux passe son temps, dans la 7ème Cie, à s'arrêter dans le premier troquet, pour téléphoner à sa hiérarchie, c'est, malheureusement, très crédible. La discussion ""André SEGOL, Maréchal des Logis au 185RALT" est, aussi, exemplaire, sur la confusion qui avait, alors, régné, dans le secteur de Sedan, parmi les troupes françaises.
Les Ardennes n'étaient pas sensées être franchissables par des unités blindées, la Belgique et le Luxembourg étaient, officiellement, neutres - même, si, en 1914, les Allemands ne s'étaient pas gênés de passer par la Belgique... d'où notre montée en Belgique, dès le 10 mai! -. A l'ouest, le gros de nos forces (françaises), à l'est, la Ligne Maginot, entre les deux, une "petite" portion de frontière jouxtant des "Neutres". Il n'y avait pas de raison d'y accumuler des troupes de catégorie A, qui auraient pu faire défaut dans l'éventualité d'une offensive ennemie majeure, via la Belgique - d'autant qu'elle a eu lieu (Heeresgruppe B) -.
En plus, d'après des interrogatoires d'officiers allemands de haut-rang, effectués par les Américains, à la fin du conflit, les allemands avaient simulé, par leurs transmissions, quelques jours avant le 10 mai, la mise en place d'une armée au grand complet, dans le secteur de Sarrebrück (en face de Ligne Maginot).
Tout cela est vrai , mais je me dois de rappeler :
- certains chars Français étaient eux aussi dotés de TSF , parfois uniquement des récepteurs, parfois des émetteurs uniquement en graphie , pour d'autres en phonie . La portée reste très similaire au matériel Allemand , entre 1 et 4 km selon les modèles
- les transmissions militaires Françaises devaient fonctionner :
1) par liaison filaire autonome ( comprendre qu'une unité de transmission posait elle même les câbles ) , non reliée au réseau national
2) par liaison TSF phonique ou graphie utilisant des mots clefs ou une certaine cryptographie convenue a l'avance , des plans carrelés spécifiquement etc
3) par pigeons voyageur ( si disponibles ) au cas ou les deux méthodes précédentes étaient impossibles
4) par estafettes physiques , transmettant des documents papiers ( il y avait de toute façon obligation de confirmation d'un ordre par estafette moto ou VL )
- l'organisation des transmissions Française n'avait rien a envier aux transmissions allemandes . Cela remontait la chaîne de commandement en partant de poste a portée réduite , pour aller jusqu'aux unités de transmission qui disposaient de postes TSF a longue portée pour pouvoir communiquer avec le commandement de corps , d'armée etc .
- le réel écart existant entre les Allemands et les Français a l'époque consistait dans le fait que les transmissions de petites unités Allemandes avec des avions volant dans le secteur était possible , ce qui ne l’était pas chez les Français . Il y avait donc quasi impossibilité pour les Français d'obtenir un appui feu de l'armée de l'air en quelques minutes . Tout cela était en général relayé par les avions "mouchards" qui étaient rattachés aux unités de pointe . Il y en avait aussi chez les Français , en nombre plus faible , mais dont le rôle était plus la liaison et la reconnaissance par exemple pour l'artillerie , que de coordonner de l'appui feu de forces aériennes ... s'il y en avait eu de disponibles dans le secteur , n'ayant pas déjà une mission a remplir ...
Dans le cas precis qui nous intéresse , lorsqu'une armée recule , et qu'elle ne dispose pas de tous ses moyens de transmission , l'utilisation du réseau national téléphonique a été effectué , et on aurait eu tort de s'en priver . Ceci dit , ce réseau pouvait être facilement espionné par l'ennemi , tout comme les transmissions TSF en phonie .
Si l'on observe en détail les archives allemandes au niveau des transmissions , on constate que chaque unité d'une même division devait utiliser une fréquence donnée, que chaque unité avait un nom de code , il en va de même pour les lieux etc . Car oui , certaines unités françaises disposaient de récepteurs longue portée avec des opérateurs bilingues, capables d'espionner les échanges radio des allemands , d'autant plus utile que ceux ci avaient tout misé sur la TSF .
Pour en revenir a la série de film "la 7e compagnie " on a quelques scènes ou les personnages partent dérouler un câble de liaison téléphonique , c'était , en campagne , l'une des premières taches a effectuer lorsqu'une unité prenait un nouvel emplacement afin d’être en liaison avec toutes les unités subordonnées , point d'appui etc ; mais également , dans le cas d'une unité de transmission comme c’était le cas dans ces films , d'assurer la liaison avec le PC divisionnaire afin de transmettre les informations reçues par les unités organiques .
Il faut y voir inconvénients et avantages :
-Le réseau filaire assure une sécurité quasi complète concernant les échanges vocaux , mais est susceptible d’être détruit par bombardement , qu'il soit d'artillerie ou d'aviation . Il demande par ailleurs un temps d'installation selon le terrain et les distances de liaison (*) . Dans le cas ou ces liaisons sont prévues a l'avance ( type fortifications ) , elles sont protégées par du béton ou enterrées profondément , ce qui assure une continué de communication entre les différents éléments d'un secteur défensif , sans que l'ennemi ne soit au courant de rien et ne puisse rien intercepter .
-Le réseau phonique ( TSF ) n'assure quasi aucune sécurité ( peut être écouté par l'ennemi ) , mais ne demande aucune infrastructure a consolider lors de mouvements .
Comme il n'existait pas encore de processeurs pour crypter les transmissions , les messages devaient donc contenir des mot clefs connus uniquement par l'utilisateur .
( On se souvient , pour l'anecdote , de l'utilisation dans le pacifique d'indiens américains pour que les japonais ne puissent pas comprendre les échanges radio )
-Enfin , les transmissions en graphie ( morse ) , si elles ont l'avantage d'une portée très allongée par rapport a la phonie , nécessitent plus de temps pour transmettre des ordres / informations , mais peuvent tout de même conserver un petit niveau de sécurité en utilisant des mots clef .
(*) Le Gal Bourguignon , qui avait proposé toute une série de variantes d'utilisation du char FT , avait proposé un FT dérouleur de câble téléphonique ( en fait il s'agissait d'une remorque attelée au char ) . Sur le principe , un premier char FT avec une lame disposée a l'avant du char devait creuser une mini tranchée d'environ 30/40 cm , le char dérouleur passait ensuite et déposait le câble dans la tranchée , et un troisième char arrivant derrière , disposant d'une lame type bulldozer rebouchait la tranchée . Tout cela devait pouvoir s'opérer a vue de nez entre 3 et 5 km/h
Amicalement ,
Alain