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Dunkerque, extrait d'un texte de Kessel

Tout ce qui concerne la période entre le 3 septembre 1939 et le 25 juin 1940 environ, comme par exemple:
L'offensive de la Sarre, la mobilisation, le Pied de Paix Renforcé, la B.E.F., la campagne de France, l'effondrement de la République et de l'Armée Française, l'exode ...
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Dunkerque, extrait d'un texte de Kessel

Nouveau message Post Numéro: 1  Nouveau message de Tri martolod  Nouveau message 29 Nov 2014, 16:37

Un peu de lecture trouvée ici: http://www.unjournaldumonde.org/2008/03 ... esistance/

.....La côte s’effaçait. C’était notre tour.
Alors, de tous côtés, surgirent des fumées et parurent des bâtiments qui prenaient le même chemin que nous. Ils semblaient naître de l’horizon et se multiplier à l’infini. Je renonçai à les compter. Mais, à mesure qu’ils grossissaient en rattrapant le convoi ou le dépassant, une émotion me gagnait qui me faisait oublier tout au monde.
Car, depuis le bâtiment de guerre puissant et rapide jusqu’à la barque de pêche qui marche aussi bien à la voile qu’au moteur, tout ce qui navigue et cabote et bourlingue se trouvait réuni sur cette mer étincelante.
Les contre-torpilleurs anglais, les torpilleurs français fonçaient dans une gerbe énorme d’écume. Les patrouilleurs allaient plus lentement. Les remorqueurs éventraient l’eau de leur masse trapue. Les chalutiers roulaient ainsi qu’ils en ont l’habitude. Les cargos de tout tonnage, de tout âge, de toute forme, s’éparpillaient comme un essaim. Et il y avait des paquebots. Et il y avait d’antiques bailles aux silhouettes incroyables. Et il y avait des bateaux à roue.
Certains de ces bâtiments pouvaient transporter des centaines et des centaines d’hommes. Sur d’autres, on n’en aurait pu mettre plus de dix. On voyait des ponts hérissés de défenses antiaériennes redoutables, et certains étaient nus. Les bâtiments les plus rapides atteignaient aisément une vitesse de trente-cinq nœuds. Les plus lents se traînaient péniblement à huit.
Mais tous allaient dans le même sens et je n’ai jamais senti, comme dans cette flotte éparse et disparate, l’unité et l’intégrité d’un même élan. Je n’ai jamais vu, réalisées sous une forme aussi singulière et aussi belle, la force et l’acceptation collective du sacrifice.
Une seule passion animait tous les hommes de cette invraisemblable armada qui naviguait dans une mer semée de mines, traversée de vedettes lance-torpilles, couverte de débris de navires rompus ou incendiés par les bombes d’avions : arriver jusqu’aux plages et aux quais où les attendaient, comme une suprême espérance, les derniers régiments de l’armée des Flandres.
Tous ces officiers et tous ces matelots savaient les noms et le nombre des torpilleurs coulés, des hôpitaux flottants envoyés par le fond, des transports foudroyés. Ils avaient tous des camarades morts à la tâche. Et aussi bien sur les vaisseaux aux bordages blindés que sur l’humble barque de pêche, chacun savait qu’il risquait sa vie.
Mais là-bas, sur la rive infernale, des hommes arrivés au seuil de la mer après trois semaines de combats, meurtris, harassés, sanglants, scrutaient cette mer avec une angoisse avide. Il semblait que l’on vît leurs bras tendus. Et il semblait qu’on entendît les armées lancées à leur poursuite, déjà sur leurs talons.
Alors, tous ces bateaux avec leurs cent formes et leurs cent visages prenaient un tel sens que l’on ne pouvait pas ne pas éprouver, au spectacle de leur course, le sentiment de l’épopée.
Moi, ce qui m’a fait vraiment quelque chose, dit le radio brun, c’est quand, la dernière fois, un des officiers de marine qui sont postés à Dunkerque m’a confié son chien pour le ramener, un joli petit cocker. Le cocker partait. Et lui, il restait.
Son camarade, qui était à l’écoute, demanda le silence, d’un geste. Le visage crispé dans une grimace d’attention désespérée, il écrivait à petits coups.
- Je l’ai eu… dit-il enfin. Mais faible… faible. Ils ont dû bousiller le grand poste. On passe sur le petit.
Dunkerque tenait encore.
Or, à cet instant, un poste de radio privé qui appartenait à un des matelots du bord transmit les nouvelles de la BBC en langue française. Et la voix chaude, bien timbrée du speaker exaltait Dunkerque, le stoïcisme de ses défenseurs, la ruée des bâtiments lancés à leur secours et que rien ne pouvait arrêter.
Dans le petit carré, les visages étaient simples, débonnaires, un peu étonnés.
Nous voilà des héros, dit avec un sourire indécis le garçon rose, joufflu et blond qui servait à table.
- Ouvre donc une boîte de singe, Mimile, dit le radio brun qui avait toujours faim.
Ce dîner restera célèbre dans les annales du Gâtinais parce qu’il y eut du poisson péché par le Dieppois et un gâteau de riz piqué de raisins de Corinthe, que l’équipage avait rapportés de son précédent voyage à Dunkerque.
À la fin du repas, le radio blond capta un message en clair, en anglais.
S.O.S. Blessés désespérés sur le navire-hôpital. N’avons plus de médicaments.
Sur le pont, le crépuscule épandait sa lumière orangée. Le soleil baissait rapidement. Des chasseurs anglais traversèrent le ciel, venant du continent. En sens inverse, passa un groupe de bombardiers.
- On entendra bientôt ceux des Fritz, murmura le timonier. Le soleil d’un rouge incandescent toucha la mer, sembla se suspendre à sa surface. Souvent, un des innombrables bateaux se profilait sur son disque.
La nuit vint. Alors, on aperçut à l’horizon comme un feu de forge. Il allait grandissant. Des colonnes de fumée construisaient autour de lui un triangle sombre.
Le bûcher sacré de Dunkerque venait à nous.
Enfin, dans un éclairage d’enfer, parmi le grondement des obus, nous aperçûmes le long des quais les files d’hommes, de milliers d’hommes casqués, muraille sombre sans un mouvement, sans un bruit.
Le dernier embarquement allait commencer.
Qu’on imagine un port en feu, la nuit, couvert par-dessus le mur des flammes d’un moutonnement énorme de fumée noire et visqueuse. Qu’on imagine l’ébranlement des explosions, les forts de la ville tirant sur les colonnes allemandes et les batteries allemandes tirant dans les rues, sur la rive, et les fleurs pourpres des fusées dans le ciel. Et, déjà, le bruit saccadé des mitrailleuses.
Qu’on imagine encore un chenal étroit entre des champs infranchissables de mines, des jetées ébréchées par le bombardement, des carcasses de bateaux coulés trouant partout la surface de l’eau. Et, au milieu de cette sorte d’hallucination, dans l’ombre trompeuse d’un faux jour traversé de reflets sanglants, à travers le port tout pourri d’épaves et de pièges, des dizaines de bâtiments de tout rang et de tout âge, cherchant à accoster au plus vite pour emmener la masse humaine casquée et silencieuse qui se dresse dans la lumière de l’incendie, le long des quais.
Qu’on imagine tout cela et l’on aura une faible vision de ce que fut le suprême départ de Dunkerque, le dernier épisode d’une entreprise qui, racontée quelques jours auparavant, eût semblé surhumaine ou insensée.
Et pourtant, j’en voyais l’achèvement.
Dans les premiers instants qui suivirent l’arrivée de l’armada de salut, j’avoue que je désespérai. Il me parut impossible que le songe dramatique prît jamais fin, qu’une action cohérente et féconde se dégageât de ce tourbillon.
Cargos, chalutiers, barques de pêche, patrouilleurs, malles ventrues, torpilleurs, destroyers viraient, reculaient, avançaient, se faufilaient, s’élançaient dans un espace si exigu et si encombré que leurs coques se frôlaient sans cesse. Chacun des bateaux manœuvrait à sa guise, selon l’inspiration de son commandant. Chacun avait le même but : accoster, embarquer, appareiller. Il n’y avait ni temps ni possibilité matérielle d’organiser une chaîne convenable. Et les machines battaient, s’arrêtaient, repartaient. Et les navires de guerre venaient comme de sombres citadelles couper la route aux tout petits bateaux. Et les cris, les jurons, les encouragements montaient de chaque bord. Et les sirènes mugissaient. Et l’on savait que les minutes étaient comptées. Que l’aube allait pointer. Et avec elle, les Junkers, les Dorniers. Et que les batteries allemandes étaient tout près… et qu’un bâtiment pouvait être coulé dans le chenal et tout embouteiller.
Les ordres, les contre-ordres sonnaient plus nerveusement et la flotte invraisemblable continuait à mener sa nocturne sarabande, aux lueurs de l’incendie, dans le port mutilé, autour d’un phare aveugle.
Derrière cette ronde fantastique, derrière le premier rideau de fer que nourrissaient le mazout, le pétrole et l’essence en flammes, la ville n’était que ruines et décombres calcinés, embrasés, tordus, pulvérisés. Un carrousel incessant de jour et de nuit avait déversé sur Dunkerque les bombes explosives et les bombes incendiaires. Sauf quelques pans de murs, il ne restait rien debout.
Or, des milliers d’hommes et de femmes et d’enfants désarmés vivaient encore dans ce massacre d’une cité. Blottis dans les caves, sans vivres ni eau, ces malheureux écoutaient gronder l’enfer au-dessus d’eux. Quand ils sortaient quelques instants pour essayer de se procurer la plus maigre des subsistances, ils ne reconnaissaient plus la forme des rues, des places, des carrefours. Et, partout, il y avait des morts. Et partout gémissaient des blessés. Et partout les soldats des Flandres, sous les bombes et les obus, se dirigeaient vers les plages et, couchés dans les dunes, attendaient l’improbable sauvetage.
Je ne sais par quel prodige cette apparente démence portait ses fruits, mais quand tout semblait confondu, heurté, embouti, fracassé, un bateau soudain quittait une jetée avec des grappes humaines suspendues à son pont. Puis un autre… Et d’autres encore. Leur place était prise aussitôt et, cependant que continuait le chaos, un nouveau bâtiment enlevait sa frémissante cargaison.
Que n’ai-je la place pour citer tous les hauts faits que j’ai vus ou qui m’ont été racontés, pour dire tous les traits que je connais de l’épopée dans les eaux de Dunkerque, pour donner une idée juste de ce sacrifice à la pièce, de cet héroïsme à la chaîne.
Voici quelques histoires au hasard.
La Diligente n’a plus d’essence. Son commandant avise un camion abandonné sur le quai, fait transvaser le combustible. Une bombe éclate à quelques mètres. Le camion s’effondre sur la passerelle du bâtiment. La Diligente part tout de même.
Le Cyclone a son avant défoncé par une bombe. Il rentre en Angleterre ramenant des évacués, les marins à leurs postes et les servants de mitrailleuses nus jusqu’à la ceinture, tirant, tirant sans cesse sur les avions qui piquent vers eux.
Le Jaguar est coulé. Ce qui reste de son équipage débarque à Dunkerque et demande à servir dans le port.
Un enseigne de vaisseau commandait un patrouilleur au début de la guerre. Il coule un sous-marin. On hésite à l’homologuer. Il descend en scaphandre et rapporte les preuves de sa victoire. Puis son bateau heurte une mine. Il le conduit, désemparé, à Boulogne et, pendant qu’on le répare, sert d’officier de liaison sur un torpilleur anglais. Bataille de Dunkerque. Le torpilleur coule. Sur une embarcation de fortune, l’enseigne rejoint Boulogne. Les Allemands sont dans les faubourgs. Son patrouilleur n’est pas encore en état de reprendre la mer. L’enseigne réquisitionne un chalutier, y embarque son équipage, s’échappe du port Depuis, sans cesse il va de Douvres à Dunkerque. Bombardé, mitraillé, passant partout, de nuit comme de jour, et ramenant chaque fois une telle cargaison que son chalutier manque de couler.
Le torpilleur Bourrasque est coupé en deux par une bombe et ses sauveteurs voient le commandant debout sur la passerelle, agitant sa casquette pour saluer ses morts. Il refuse de se laisser prendre à bord d’une embarcation, coule avec son bateau, et c’est uniquement parce qu’il remonte évanoui à la surface qu’on peut le crocher avec une gaffe et le ramener.
À bord du Branlebas, un projectile a éclaté en l’air, fauché vingt-cinq hommes.
- On se fout de la souffrance, dit l’un des matelots qui a la jambe tranchée. Comment va le bateau ? Comment vont les copains ?
Et un autre, qui a dix-sept ans, l’épine dorsale traversée, le ventre atteint, trouve en lui la force de monter à son poste de combat.
Je pensais à tout cela au milieu de l’enfer et à cause de cela l’enfer paraissait supportable. Et je pensais aussi aux défenseurs des forts, aux hommes qui tenaient encore aux lisières de la ville, aux sacri­fiés de toute nécessité. Et aux combattants de Gravelines qui, avec un char et quelques pièces de marine, firent une hécatombe de tanks allemands et à cette division nord-africaine dont il ne revint qu’une poignée d’hommes. Et aux gars de la Division Légère Mécanique qui se battirent à un contre cinq. Et à cet officier d’artillerie chargé de mettre le feu aux réserves de pétrole que l’incendie n’avait pas encore atteintes et qui, pour aller jusqu’au bout de sa mission, s’était laissé atrocement brûler le visage et les mains.
Les explosions accumulaient leurs fracas, les fusées flottaient dans le ciel souillé de suie comme de géantes tulipes rouges.
Soudain, le cargo sur lequel je me trouvais, fut à quai. Je reculai instinctivement pour ne pas être étouffé par la ruée frénétique à laquelle je m’attendais, par la marée humaine dont j’étais certain qu’elle déferlerait.
Rien n’eût été plus naturel de la part d’hommes qui avaient combattu pendant des semaines, avaient été harcelés sans trêve, avaient fait des marches de soixante-dix kilomètres par jour et qui, depuis trois jours, attendaient sous les bombes qu’on vînt les chercher, sentant l’étau se resserrer sur eux, d’heure en heure.
Or, quand le Gâtinais accosta – et il était l’un des derniers et le jour, avec toutes ses menaces, n’était pas loin – tout se passa dans l’ordre le plus strict, avec une méthode et une rigueur à quoi les circonstances donnaient une grandeur saisissante. Les soldats, casques en tête, masques sur le visage, fusils en bandoulière, montèrent deux par deux, lentement et sous la conduite de leurs officiers. Section par section, ils gagnèrent l’arrière du bâtiment, laissant la place aux autres.
Seulement, quand ils franchissaient le bordage, chacun d’eux poussait un soupir d’une qualité indicible et murmurait quelques mots peu distincts où l’on devinait:
- Ça y est…
- On ne nous a pas laissé tomber.
- Merci, les gars.
On ne peut décrire ni l’accent de ces voix ni, à la clarté de l’incendie, l’expression émerveillée, abandonnée, absente de ces visages épuisés et barbus.
Comme je disais à quelques-uns l’admiration qu’avait suscitée leur combat opiniâtre, ils me regardèrent avec incrédulité.
- C’est vrai, ça ? me demanda un gars normand aux épaules carrées.
Il hocha la tête et poursuivit :
- Nous, eh ben, nous, on croyait plutôt qu’on serait engueulés en rentrant…
Ils le croyaient peut-être aussi les hommes qui, dans les forts, tiraient leurs derniers obus ou qui, dans les arrière-gardes, brûlaient leurs dernières cartouches cependant que l’incendie de Dunkerque s’éloignait pour nous et que chalutiers, cargos, remorqueurs, torpilleurs et bateaux de pêche cinglaient vers la côte anglaise avec des milliers d’hommes sauvés.

Joseph Kessel Dunkerque


 

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Re: Dunkerque, extrait d'un texte de Kessel

Nouveau message Post Numéro: 2  Nouveau message de Prosper Vandenbroucke  Nouveau message 29 Nov 2014, 16:58

Merci pour l'évocation de ce texte Pierre.
Amicalement
Prosper ;)
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Re: Dunkerque, extrait d'un texte de Kessel

Nouveau message Post Numéro: 3  Nouveau message de dynamo  Nouveau message 29 Nov 2014, 18:15

Ce beau texte reflète bien ce qu'était Dunkerque.
Merci pour sa mise en ligne.
La dictature c'est "ferme ta gueule", et la démocratie c'est "cause toujours".
Woody Allen.

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