Heimkehr ou le retour des évacués 1940.
Bilan d’un an d’exil.
Le caractère obligatoire de l’évacuation pour les uns et de l’accueil pour les autres n’aboutit pas forcément à des échanges amicaux. L’accueil des évacués est variable selon les communes et ceux qui les hébergent. Parfois des liens se tissent parfois il y a des incompréhensions. Comme le rapporte un habitant de Sierck-les-Bains « certaines réflexions nous viennent aux oreilles – ils viennent de l’Est. Il y en a qui ne parlent pas le français, est-ce que ce sont des boches ? ».
Le déclassement social, la nostalgie du pays nourrit leur désir de rentrer chez eux en Moselle.
Le contexte du retour.
La défaite a créé une situation nouvelle. En effet, le retour des évacués constitue pour les allemands une priorité à la fois idéologique et économique. L’article 16 de la Convention d’Armistice définit les exigences du vainqueur sur ce point : le rapatriement des réfugiés est à la charge du gouvernement français en zone occupée en concertation avec les autorités militaires d’occupation.
Toutefois, la situation est complexe. La France a été morcelée en plusieurs zones avec des statuts différents qui compliquent les déplacements de population : La Charente Inférieure est en zone occupée, le Pas-de-Calais est en zone occupée interdite rattaché au Militarbefehlshaber Belgien und Nord Frankreich, la Vienne et la Saône-et-Loire sont traversées par la Ligne de Démarcation enfin la Loire et la Haute-Loire sont en zone non occupée.
La mise en œuvre.
Les autorités allemandes organisent à partir de Saint-Etienne, des convois ferroviaires pour rapatrier prioritairement les ouvriers sidérurgiques. Ainsi les 4,5 et 6 juillet des trains de rapatriés quotidiens prennent en charge 8 100 lorrains. Dans les anciennes usines de Wendel d’Hayange, la première coulée d’acier allemand a lieu le 23 juillet 1940.
Les mineurs envoyés dans le Nord Pas-de-Calais sont rapatriés. Toutefois seuls les mineurs « lorrains de souche » sont autorisés à retourner en Moselle.
Dans les départements d’accueil, une consigne est transmise par circulaire : pas de retour pour les personnes d’origine israélites.
Les nazis mettent en place à Saint-Dizier, un centre de tri et de rapatriement (Heimkehrlager) qui a pour rôle de filtrer les rapatriés. La police des frontières (Grenzpolizei), une branche de la Gestapo, effectue des contrôles d’identité et d’antécédents de tous les candidats au retour. 7 000 à 10 000 personnes sont refoulées. Ceux qui sont acceptés reçoivent un laissez-passer (Ausweis). Ils doivent en outre adhérer à la Deutsche Volksgemeinschaft.
Les dates de départ et le rythme varie selon le département d’accueil. Ils s’échelonnent de fin août à octobre 1940. Les listes de volontaires pour le rapatriement sont transmises aux Kommandantur qui organisent les transferts. La majeure partie de la population évacuée opte pour le retour.
Retour à la maison (Heimkehr)
Les rapatriés sont accueillis par des banderoles et pris en charge par les membres du N.S.V., l‘organisation de secours et d’assistance du parti nazi. Ils distribuent des repas. Ils aident à la récupération des biens mobiliers qui ont été vendus. Ceux dont le logement a été détruit sont installés dans des maisons vidées de leurs occupants suite aux expulsions.
Les lendemains qui déchantent.
Le retour au pays a été plus fort que tout. Les mosellans vont s’accommoder de l’ordre allemand que les anciens ont connu jusqu’en 1918. Aucun n’imagine que l’Etat national socialiste de Hitler n’a rien à voir avec l’Allemagne impériale de Guillaume II. La surveillance au quotidien des habitants par le parti nazi, la mobilisation autoritaire de la population pour des tâches collectives, l’embrigadement des enfants et des adultes dans les organisations nazies, la répression brutale de toute forme d’opposition vont vite tempérer l’enthousiasme du retour aux sources.
(source : un exil intérieur. l’évacuation des mosellans septembre 1939 – octobre 1940)
(à suivre)