Eric Denis a écrit:1/ Que pensent les Allemands du déploiement français quelques jours avant l'attaque. Il existe une source fort intéressante sur le sujet avec une carte datée du 02 mai que je vous propose d'étudier :
Première constatation, les Allemands sont bien mieux renseignés à cette date sur la position des unités françaises (certifiée ou supposée). Notons d'ailleurs que la majorité des unités mobiles est positionnée.
Il s’agit de la même carte , a peu de choses près , que celle que j’avais proposée , qui elle est certifiée début mai 1940 , a contrario de ces cartes en couleur qui ont peut être été réalisées après la campagne ( je n’en sais rien ) .
Eric Denis a écrit:2/ La 7. Armée
A cette date, les Allemands la situe à tort sur les arrières des 1re et 9e armées mais le texte indique que les Allemands l'évalue à une 15aine de divisions, ce qui d'ailleurs a du sens, puisque nous savons que les Français disposeront au 10 mai de 25 grandes unités en réserve. La 7e armée, d'ailleurs, sera remplacée par la 6e (ex détachement d'armée Touchon) et ça ne changera rien.
Or, l'observation de la carte permet de déduire que l'ensemble de ces forces doit se situer majoritairement au Sud de l'Aisne et de la Somme, ce qui explique pourquoi Fall Gelb comprend le déploiement au plus vite d'un réseau défensif le long de ces coupures d'eau, tout d'abord composé des ID (mot) avant d'être relevé par des ID classiques.
En fait les Allemands positionnent la 7e Armée sur l’emplacement des divisions de réserve générale qui forment un mole plus ou moins mobile capable d’intervenir dans toutes les directions grâce au fer et leurs propres moyens logistiques . Il avaient bien perdu la 7e Armée , qui se situaient bien plus au nord a cette date , et s’était glissée entre le BEF et la Manche , sans être formellement identifiée en tant qu’armée , et donc probablement pour les Allemands , sous commandement britannique ( une hérésie pour un Français, certes, mais c’est ce que les cartes Allemandes indiquent ) .
Si l’on excepte quelques rotations d’unités ( plan Gamelin pour entrainer les troupes ) , et quelques téléportations fortuites des Allemands ( par exemple la 51th DIW au nord , alors qu’elle était intégrée dans le corps colonial , bien plus au sud ) , dans la majeure partie des cas les Allemands se trompaient sur l’organisation des armées ( qualitativement et quantitativement ) , sauf quand leur front touchait le front Français .
C’est factuel , leurs plans ont été conçus sur base d’erreurs de localisation , je ne vois pas ce qu’il y a a redire la dessus , mais c’est aussi « le jeu » que de prendre une option stratégique plutôt qu’une autre , sans avoir une totale connaissance des forces ennemies . Et sans front direct avec les forces adverses , il est bien dur , par exemple , de faire des prisonniers et les faire parler pour identifier la grande unité du secteur , ce qui explique que plus on s’éloignait du Luxembourg vers le nord, moins les informations étaient correctes .
Bien évidemment , cela ne change rien a l’histoire, et détermine une belle réactivité de l’état major Allemand au fur et a mesure ou ils ont pris conscience de leurs erreurs .
Mais je reste persuadé que certains Allemands ( voir peut être Hitler lui-même ) croyaient encore qu’une armée « Fantôme » continuait a les menacer lorsque les liens logistiques ont commencé a être tendus avec les unités de pointe , tout comme les français voyaient des parachutistes partout ( ou la 5e colonne ) .
Je n’enlève rien au mérite des armées Allemandes, ni Alliées , mais souligne qu’il est rare de gagner un combat de cette nature en ayant une connaissance aussi défaillante des forces ennemies au début des combats . Tous les grands concepts de stratégie commencent par bien connaitre les forces ennemies en place afin d’identifier et profiter de faiblesses .
Le fait de présenter ses unités de pointe dans un trou généré par une jointure d’armées ( statique/mouvante ) est tout a fait logique , mais il est tout a fait logique pour l’opposant aussi de renforcer cet axe de rotation , pour proposer un renforcement tout aussi bien d’un coté que de l’autre , tout en évitant une rupture de front , en cas d’attaque frontale qui pourrait exposer l’un ou l’autre des flancs .
Cette armée était la originellement , mais a été déplacée car la persistance était de croire que ce mouvement a travers les Ardennes était impossible : il s’agit d’une erreur stratégique de la part des Français .
Mais du coté Allemand, de fait , c’est un coup de bol pour favoriser la percée et l’exploitation lors de Fall Gelb , et ce ne sont pas les renforcements de la 6e armée , trop tardifs, qui auraient pu l’enrayer .
Pour autant rien n’était emporté , et la victoire encore difficile , mais le rembarquement de Dunkerque scellera définitivement les potentialités alliées pour renverser la vapeur .
La victoire est effectuée en quelques jours , en raison de stratégies des deux bords qui n’ont fait qu’accélérer le plan Manstein/Hitler , couper en deux les armées Alliées sans possibilité de reformer un front depuis la manche jusqu’à la Suisse , et précipiter les Français ( et leurs alliés ) dans une défaite mémorable , qui semble toujours aussi « étrange » de nos jours .
Alain