Loïc Charpentier a écrit:Contrairement à ce qu'a écrit Pierma, il n'y a aucun devoir militaire, même de nos jours, qui implique ou sous-entendrait de garder la vie sauve.
Je n'ai pas dit que c'était un devoir. Tous les soldats qui s'engagent aujourd'hui savent qu'ils peuvent perdre la vie dans le cadre de leur métier, c'est même ce qui différencie ce métier de tous les autres : donner et recevoir la mort. Dans une armée professionnelle il ne peut y avoir de doute à ce sujet.
(Là dessus on peut lire l'ouvrage du colonel Goya "Sous le feu - la mort comme hypothèse de travail", qui explore les conditions psychologiques particulières de l'engagement au feu.)
Simplement il me semble que l'ordre de se faire tuer sur place - dans la légion on dit "faire Camerone" - est devenu plus rare aujourd'hui.
Je pense aussi que dans des conditions où la mort est certaine et surtout sans bénéfice pour personne, l'ordre supérieur, ou le choix individuel, sera plutôt de rester en vie. Ce qui suppose de se trouver face à un ennemi qui fait des prisonniers, ce qui devient de plus en plus rare, nos fantassins affrontant le plus souvent des "organisations non étatiques" (djihadistes ou miliciens) dont on sait comment ils se comportent.
Je ne crois pas, contrairement à JD, qu'on autorise toutes les lâchetés. A priori nos soldats sont aussi courageux qu'ils peuvent l'être, même si il faut la mort d'un caporal des commandos de marine pour qu'on s'aperçoive qu'il y a des héros dans notre armée. (Goya dit volontiers que la France n'honore ses soldats que morts, et que le grand public ne connait pas ses héros vivants, un peu comme si les guerres qu'on mène ne le concernaient pas.)
A ma connaissance, la dernière fois où on a autorisé plusieurs postes français à se rendre, c'était en 95 quand nos postes délimitant la zone protégée par la Forpronu ont été encerclés par surprise par les Serbes de Bosnie en supériorité nette de moyens et d'effectifs. Mais c'était dans des conditions impossibles, où on faisait du "maintien de la paix", avec des véhicules et casques blancs, dans un pays en guerre, sans avoir des moyens suffisants en ligne et sans appui aérien : les Casques Bleus n'étaient pas supposés se battre. (Depuis plus aucun pays n'a accepté de combattre
sous les ordres de l'ONU. Avec un mandat de l'ONU, tant qu'on veut, sous ses ordres plus jamais.)
En d'autres temps on leur aurait sans doute ordonné de se faire tuer sur place, là le commandement a estimé que ce serait un sacrifice inutile. (Avec tout de même 30% de stress post-traumatique - donc de blessés, parce que c'est ça - chez les Casques Bleus pris en otage : ils n'étaient pas venus là pour être humiliés, et ils voyaient leur rôle autrement, à juste titre.)
cela dit un b...l pareil n'arrive pas tous les jours et à ma connaissance ça ne s'est jamais reproduit, sauf cas particulier dont on n'aurait pas entendu parler.
Désolé pour ce HS un peu long, mais je tenais à ce qu'il n'y ait pas d'équivoque sur la façon dont je perçois l'évolution des conditions d'engagement, liée au fait qu'on engage aujourd'hui une armée professionnelle dont les effectifs et les modes de combat ne sont plus ceux des biffins de jadis. - sans que ce soit automatiquement moins dangereux pour autant : nos ennemis aussi ont évolué.