Je tiens à partager avec vous le témoignage de mon arrière-grand-père, combattant des deux guerres mondiales. Son récit concerne la période août 1939 à mai 1940.
Vous ne trouverez rien de sensationnel dans ce récit, seulement un commandant qui nous livre son histoire personnelle.
Je tiens à préciser que certains mots ou passages restent incompris pour moi, à cause d'une écriture que j'ai du mal à déchiffrer (en rouge). Par ailleurs, les "-" sont utilisés de façon répétés et je ne suis donc pas certains d'avoir bien retranscrit la syntaxe. Je suis donc preneur de conseils ou critiques qui me permettraient d'avoir une meilleure retranscription. Afin de m'aider, vous trouverez en bas de post un lien vers les images des documents manuscrits.
Merci à ceux qui prendront le temps de m'aider à améliorer la retranscription sur ordinateur. J'espère que vous trouverez ce témoignage intéressant.
I. Période septembre 39 au 10-5-40 au 3ème régiment de Ligne.
Page 1
Le samedi 26 août 1939, revenant du bureau, je mis les premières affiches de la mise de l’armée sur pieds (paix) renforcé et convoquant sous les drapeaux les éléments des phases A.B.E et C. Rentré chez moi, je consultai mon ordre de marche afin de m’assurer de la phase à laquelle j’étais convoqué. Ma convocation portait la phase D. –
Cependant le dimanche 27 aout vers midi, nous étions encore à table lorsque je reçois un télégramme [mot illisible] venant d’Ostende m’enjoignant de me rendre dans les 24 heures à la caserne « Général Mathieu » à Ostende. Etat-major du 3ème de Ligne.
Vers 14 heures je prenais le (blue) pour Ostende et à 16 heures je me présentais à l’Etat-major du 3ème ou j’appris que ma convocation était prématurée, l’unité à laquelle j’étais affecté n’étant constituée qu’à la phase E.- Cette unité était le centre de réserve d’infanterie de la 1ere d’division d’infanterie soit le C.R.I de la I.D.I dont les (commandements/cantonnements) étaient (prévus) à (Heyst) et (Duinberge). Supposant que les phases suivantes allaient être décrétées je fus mis en attendant à disposition du Commandant Flamand, commandant la Cie Dépôt. Un ancien de la guerre 14-18 et que j’avais eu également comme commandant lors d’un rappel au camp de Beverlos en 1936. – Cette unité avait pour mission de contrôler et gérer en temps de paix tout le matériel des compagnies, armement et munitions.
Son activité actuellement était de recueillir le matériel que les cies ne pouvaient emporter en campagne, de leur distribuer le matériel de guerre et d’armer et d’équiper en matériel les compagnies de réserve qui allaient former les C.R.I.
Ma besogne consistait à contrôler les états fournis par les compagnies et pointer le matériel remis par celles-ci. Je retrouvais un de mes anciens sergents l’adjudant (Kleere) de la 11 ème Cie.
Je fus autorisé à rentrer le soir à Bruxelles. C’était très facile avec les nombreux trains qui circulaient sur la ligne Bruxelles-Ostende durant la saison. Il en fut ainsi jusqu’au jeudi 31. Ce jour les ordres nous apprîmes que la phase D suivante ne serait pas décrétée de suite. Je fus rendu ce soir-là à la vie civile – Durant ce séjour, je n’eus pas l’occasion de me rendre compte de l’attitude et du comportement des habitants d’Ostende et de ses nombreux estivants. Je me rendis une seule fois à la digue pour faire visite à (Mecor) notre président de la fraternelle
Le mardi 29 après-midi je pus me rendre à (Klemskerke) ou Philippe, mon plus jeune fils faisait un séjour au (illisible), dirigé par le directeur (Vandermisse), ancien médecin de régiment de mon 3ème de ligne. Mon Philippe fut tout fier de voir arriver son papa en Commandant, quel succès auprès de ses petits camarades.
Le mardi 30 – avec mes collègues du C.R.I dont plusieurs officiers de l’active, anciens de 14-18 – nous fîmes à (Heyst et Duinberge) la reconnaissance des cantonnements que nos unités respectives auraient à occuper au moment de la phase E. Nous fumes heureux de constater que nos camarades de l’active qui avaient préparé ce travail de mobilisation, avaient travaillé consciencieusement que nos cantonnements étaient bien choisi et correspondaient aux effectifs que nous avions éventuellement à recevoir. Nous aurions trouvé également sur place le matériel que nos cahiers de mobilisation nous prescrivaient de réquisitionner. A part quelques légères modifications [fin de la page 1], le plan de mobilisation correspondait à la réalité, ce qui me porte à croire que la mobilisation de 1938 fut une leçon dont on sut profiter.
Le jeudi 31 au soir je fus donc rendu à la vie civile après cette brève (mot illisible, incursion ?) dans ce monde militaire ou j’ai retrouvé l’ambiance de 1918-1919. Au cours de ces 4 journées j’avais eu le plaisir de retrouver quelques anciens chefs de 14-18. (Phrase illisible). Il va sans dire que les nouvelles de l’Europe en effervescence faisait le sujet de nos discutions et conversations. Se trouvaient à la caserne l’état-major du 3ème – le bureau de mobilisation – le bataillon (d’Engues) (IV, 13ème)- la compagnie d’état-major- la compagnie de dépôt – les 3 autres bataillons : les I, II et III étaient aux environs d’Ostende occupés aux travaux de mise en défense d’Ostende tant sur le front de mer que sur le front terrestre. Donc application de la politique de neutralité dont les mesures de défense étaient aussi bien prises vers l’Angleterre que vers la France ou l’Allemagne.
Rentré au foyer. Je suis complètement démoralisé. Quel contraste entre cette fièvre d’activité qui avait provoqué un arrêt complet de mon activité ; de plus les perspectives d’avenirs n’étaient guère encourageantes, aussi regrettai-je vivement de n’être plus parmi ceux qui restaient mobilisés.
Cette situation me pèse et me donne le cafard. Aussi ne tardais-je pas à faire une démarche pressente au Ministre de la Défense Nationale, auprès du colonel Loupe, chef des services du P.M (personnel militaire) 1ère section pour me mettre à la disposition du ministre de la D.N. et reprendre du service. Je lui faisais cependant remarquer que mes connaissances de la langue flamande ne me permettaient plus de rester affecter au 3ème Régiment de Ligne, régiment flamand. [Phrase barré]
Le lundi 11 septembre vers la soirée je reçois un télégramme (d’Hal/Uch) libellé en flamand et m’enjoignant à rejoindre l’Etat-Major du 3ème Régiment de Ligne de suite, à *Sladen, Fladen* (Flandre Occidentale). Ce télégramme répond à mes désirs, cependant il me *plonge* dans un dilemme angoissant en m’appelant à rejoindre le 3ème de Ligne, régiment recruté uniquement dans les régions flamandes. J’avais cependant lors de ma note au Ministère de la D.N fait remarquer que mes connaissances insuffisantes de la langue flamande ne me permettaient pas de rester affecter au 3ème de Ligne. Comment commander ces flamands ? Ce n’est plus le régiment de 1918 ou les deux races belges étaient mélangées, ou les idées flamandes n’étaient pas encore implantées comme elles le sont actuellement concernant le régime linguistique des différents régiments. Aussi suis-je bien embarrassé et mes hésitations sont si grandes que j’en fusse une mauvaise nuit. – Finalement je me décide à partir, quitte à demander un changement si je ne sais m’en tirer. En somme l’important n’était-il pas d’être remis en activité !
Je pars pour Ostende ou je *dine*, puis vers 14h heures je débarque à *Staden* avec armes et bagages, c’est-à-dire avec deux coffres, ou je suis présenté à l’E.M du 3ème. – Le régiment était commandé à ce moment par le Colonel *Dedrouyt ou Dedrovyt* ; j’y rencontre également le général commandant la Ier D.I. Je leur fait part tous deux de mes appréhensions linguistiques. (Note : *3eme ou 13ème* dont le chef était le major de réserve *Colle-Nallu* qui comprenaient pas plus le flamand que moi ce qui m’encouragea) Ceux-ci me rassurent et m’encouragent à essayer. Je suis désigné pour prendre le commandement de la 11ème Cie – amusante coïncidence. Car en juillet 1916, *lorsque venant du/au Gaillon*, j’arrivais pour la 1ère fois au 3ème de Ligne, ce fut à la 11eme Cie que je fus affecté. [fin de la page 2] Elle était à ce moment commandé par le Ct Willems, dont j’ai toujours gardé un excellent souvenir et que j’ai encore souvent le plaisir de rencontrer à nos réunions de la fraternelle. Me voilà donc commandant cette même Cie à 23 ans de distance.
Autre coïncidence, le 3ème de ligne occupait le canal de l’Yser à Ypres, mais cette fois-ci face à l’ouest, c’est-à-dire à la France, et il occupait sur la rive Est du canal les emplacements occupés en 1914-1918 par les Allemands. D’ailleurs à plusieurs reprises les Hommes en y creusant leurs tranchées découvrirent des armes, parties d’équipements Allemands et même des ossements.
Le front de la 11ème compagnie était de 6 kilomètres, partant du *Zwaaerje*, au sud de Boesinghe – le front de Boesinghe – *Het Sas* - et le front de Sleenstraat – à ce dernier figure un monument un monument commémorant la belle résistance du 3ème de ligne aux Allemands lorsque ceux-ci employaient pour la première fois en 1915 les gaz de combat.
J’avais un peloton à Boesinghe - rive Est – avec PC de la Cie et cuisine. Le second à peloton était à Het Sas et le 3ème à Sleenstraat.
Les cantonnements n’étaient pas extraordinaires. Le village de Boesinghe nous étant interdit, il n’était accessible à la troupe qu’aux heures de sorties le soir et les dimanches et fêtes – défendu d’y cantonner. J’avais le PC, le bureau et mon mess chez *Sangues,Sangus,Langues…*- des parents de Mme Legrand qui tenait le magasin d’épicerie et légume au rez-de-chaussée de l’immeuble ou nous occupions à Bruxelles un appartement. Je fus bien soigné mais c’était des gens très intéressés au point de vue financier. D’ailleurs il en était ainsi pour toutes les fermes occupées par nos Hommes – c’est la mentalité du paysan. J’eus de très nombreuses plaintes de ceux-ci concernant de petits larcins, fruits et œufs, et parfois volailles et lapin, et les dégradations causées par les hommes, qui cependant étaient copieusement nourris. Mais vu la distance qui séparait les deux autres pelotons de la cuisine, les repas n’arrivaient à ceux-ci souvent en retard et insuffisamment chaud. Les hommes étaient occupés à des gardes et surtout à des travaux de campagnes pour aménager des lignes de nids de résistance, ce qui nécessita des réquisitions de matériaux qui n’allèrent pas sans heurts avec les habitants ( et même logiquement plus ?).
Mes relations avec les autorités communales de Boesinghe furent très cordiales, le bourgmestre (acronyme incompréhensible) fut très généreux pour mes hommes, il leur fit plusieurs distributions de fruits – cigarettes ; et livres et illustrations – je fus reçu avec mes chefs de (mot illisible) diner et y passâmes une agréable soirée, il occupait à Boesinghe une très jolie ville – avec le curé mes rapports furent également très cordiaux, cependant il m’attira des ennuis pour un soldat que j’avais maintenu au cachot un dimanche lui ayant refusé la permission de se rendre à la messe. Voici l’incident. Ce garçon avait fait une absence injustifiée de plus de 24 heures et avait été fermé au cachot. Ce cachot était situé à l’Hôtel Communal de Boesinghe dans ses sous-sol, ceux-ci communiquait vers l’extérieur dans la cour par une étroite fenêtre, j’appris que par cette fenêtre certains habitants du village ravitaillaient notre homme en vivre et surtout en boisson – Sa peine purgée il refit une absence illégale et ne rentra tout juste pour n’être pas porté déserteur. – Nouvelle (mot illisible) au cachot dans laquelle (se trouvait un) dimanche.- L’homme [fin de la page 3] me fit demander de pouvoir remplir ses devoirs religieux. (Pour) ce, connaissant le personnage, qui aurait certainement repris la clef des champs, je devais appliquer le règlement, c’est-à-dire faire accompagner le détenu par des soldats armés, baïonnettes aux canons – (mot illisible) le personnage faisait déjà pour le village figure de martyr j’ai pensé que l’apparition de notre homme dans l’église, flanqué de deux soldats en arme, aurait pu provoquer des incidents. Pour les éviter- je refusai la permission demandée par le détenu et c’est ainsi que j’eus la visite de M(acronyme de ?) le Curé pour me reprocher ma décision qui était également contraire aux règlements en vigueur – L’incident n’alla pas plus loin. Evidemment ce dimanche j’assistai, avec nos officiers au service de 10 heures afin que l’on ne me fasse pas croire que j’avais pris cette décision par sectarisme. –
J’eu dans ce pays encore un autre incident avec les autorités d’un village des environs du pont de Steenstraat. J’ai dit (Bikschote ?). Cette autorité était le garde champêtre du dit village, dont la fille rencontrée en vélo aurait été arrêtée par un de mes hommes sous menace de (mes) G.P. ((mot illisible) Grande Puissance), arme des approvisionneurs du fusil mitrailleur. Ce garde, connu dans la contrée pour sa rigidité et son intransigeance, était venu au (fort) accompagné de sa fille pour rechercher l’agresseur de celle-ci, il fut à ses dires insulté par les hommes et menacé d’être jeté au canal, le (peloton) fut rassemblé à la demande du garde champêtre pour pouvoir faire reconnaître par sa fille son agresseur. Il fut désigné et avoua, mais que son arme était restée en poche et qu’il n’avait agit que par plaisanterie, pour s’amuser à faire peur à la fille. J’eus encore 2 mois après bien des difficultés à soustraire le coupable de cette stupide gaminerie aux foudres d’un conseil de guerre. Je n’ai jamais su les suites de cette affaire. Je n’eu d’ailleurs plus à (mot illisible) contre cet homme durant ma présence à la 11e Cie.
Nous vivions assez isolés, quelques (visites ?) de (mot illisible) – Major – Colonel – Généraux. Je ne (mot illisible) plus autres commandants du Bataillon. La vie était un peu monotone. Je devais une fois par jour voir les autres pelotons – je partais en vélo – j’avais un poste de guetteurs dans le clocher de l’église de Boesinghe – ce qui me permis d’aller y admirer le panorama de la région – et revoir ce pays que j’avais parcouru presque toutes les routes durant 4 ans. Boesinghe avait été entièrement reconstruit et est (illisible) village, avec toutes maisons très propres et très confortable.
(Paragraphe 4 lignes illisible )
Dans l’exercice du commandement d’une compagnie, c’est toujours le (mot illisible) des punitions à infliger qui était le plus difficile – heureusement que j’avais un (mot illisible) 1er sergent-major – mais le rapport était un cacuhemar, surtout à cause de mon ignorance de la langue flamande – comment pouvoir réprimander (mots ?) convenablement en étant obligé de passer par un interprète-. Je comprenais assez bien, mais tous ne parlaient pas eux-mêmes un flamand correcte, c’était le plus souvent des patois régionaux.
La Cie avant mon commandement était commandée [fin de la page 4] par un 1er Lieutenant d’active – natif de la région- très familier avec les hommes, cependant très énergique. Il (frayait tout le temps ?) avec les hommes – ce qui n’était pas (mot illisible) – les hommes y virent une grande différence.
J’avais (un) chef de peloton -1er lieutenant (mot illisible) – fin illisible.
Période du 10 Mai 1940 au 28 mai 1940
Le 10 Mai 1940 à 3 heures du matin mon ordonnance vient me réveiller et me dire qu’il y a alerte sérieuse.
Je passe au bureau de la compagnie.- le personnel y emballe. Les instructions prescrites pour l’état d’alerte sont prises. Je passe dans les cantonnements.
Vers 6 heures du matin en passant à l’Hôtel de Ville j’apprends que la phase E est décrétée – c’est donc la mobilisation complète, la mobilisation.
L’on apprend en même temps que les allemands ont violés nos frontières, entre autre en passant par la Hollande pour attaquer le Canal Albert ou nous étions il y a à peine 10 jours. Nous somme tous consternés, car malgré tout personne n’avait pensé sérieusement que nous serions entraînés dans la guerre – C’est donc la guerre -.
Phase E. J’ai un ordre de mission de me rendre, sitôt cette phase décrétée, à la caserne de gendarmerie, avenue de la Couronne à Bruxelles pour me mettre à la disposition du G.Q.G
Je dois donc quitter la cie-.
J’appelle le S. lieutenant (Wellems) auquel je dois passer le commandement de la cie, le lieutenant (Vonderwaeren) qui était désigné pour me remplacer dans ce cas, étant à Nieuport à (l’Ecah) de tir (contre) avions- Les papiers nécessaires sont signés et sans autres formalités mon commandement est remis.-
Voilà donc la guerre et je dois quitter ma cie, c’est un moment des plus pénibles pour moi.- Que vont penser les hommes. Je n’ai le temps de les rassembler pour leur faire mes adieux et leur expliquer mon départ. Je pense que mon émotion était tellement vive que je n’aurai su en sortir.
Vais voir le chef du bataillon, le commandant Nicolas. Nous traversons ensemble la ville nous rendant une dernière fois au Mess pour y prendre notre petit-déjeuner. C’est la dernière fois que je retrouve tous les camarades du bataillon, Je (nous) (his) envie des les quitter et leur souhaite bonne chance.
Mes regrets de les avoir quittés ont été moyens quand lorsqu’après les hostilités, j’appris que la cie n’avait été aucune fois engagée comme d’ailleurs le 1er bataillon qui n’est intervenu dans aucun combat. Seule la 4eme cie (mitrailleurs) a été engagée et a perdu un officier le [Espace blanc]; à la première cie il n’y a eut aucune perte, sinon un sergent qui meurt de mort naturelle.-
Toute les officiers à l’active sont en captivité en Allemagne [phrase barré].Le régiment après la capitulation ayant pu se rendre à Charleroi, sa (garnison) y fut démobilisé par les allemands, les hommes et le personnel de réserve purent rentrer dans leurs foyer, alors que les officiers de l’active ont pris le chemin de l’Allemagne, pour y traîner la triste vie du camp de prisonnier, durant plus de 4 ans.
FIN
Il existe quelques autres notes ou il détaille de façon très succincte le reste de sa guerre de mai- juin 40. Il a notamment été évacué à Dunkerque avant de rejoindre l'armée Belge à Toulouse.
Les photos du texte manuscrit: