Bien que né 15 ans et 3 semaines après la capitulation du Japon (né en septembre 1960), la Guerre a toujours été présente dans mon enfance, dans ma vie.
Je me souviens que quand je dormais chez l'une de mes grands-mères, elle mettait des couvertures de soldat anglais sur le lit. Ces couvertures grises, piquantes, qu'elle avait récupéré lors du départ des anglais de Brest en juin 1940. Les quais étaient couverts de marchandises de toutes sortes.
Nous avions dans la famille une amie qui était la soeur de Jean Marin, directeur des "Français parlent aux français"; puis directeur-général de l'AFP sous De Gaulle. Le frère et la soeur étant fâchés, j'ai sûrement manqué des récits épiques.
Mon beau-père a perdu sa mère et son frère dans un bombardement sur Brest en février 1943. Et la grand-mère de la plus vieille copine de ma femme a été abattu par deux allemands ivres au début du siège de Brest. Elle ne voulait pas leur donner le beurre qu'elle confectionnait.
Dans l'entreprise où j'ai travaillé pendant 21 ans, nous avions un client garagiste allemand. Ancien soldat, il était revenu dans la région pour se marier avec une bretonne après sa détention.
Ma voisine est allemande et lituanienne. Son père, soldat allemand, s'est refugié en Lituanie en 1945 (pourtant à l'URSS). Il n'a dit à sa fille qu'il était allemand qu'au bout de 18 ans. Beaucoup de zones d'ombre dans cette histoire. Je n'ose pas poser de question.
L'un des confrères de mon grand-père (réparations et négoce pièces autos) avait mis sur sa vitrine : "Ici, on ne reçoit pas les représentants juifs". Mais quand les allemands venaient chercher des fournitures chez lui, il lui arrivait de répondre : "Il y en a mais pas pour vous". Il a fini par être embarqué vers l'Allemagne. Nul ne sait où il mourut. Sa fille épousa un allemand. J'ai déjeuné enfant avec eux, et la veuve du copain de mon grand-père. Ma grand-mère m'avait dit auparavant : "Helmut est allemand. Tu ne parles pas d'Hitler et de guerre devant lui". J'avais 11 ans.