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LA MAL COIFFÉE

Retrouvez ici toutes les histoires vécues et les récits de guerre. Déposez ici les témoignages en votre possession sur la vie pendant le conflit. C'est un pan important du devoir de mémoire cher à notre forum.

LA MAL COIFFÉE

Nouveau message Post Numéro: 1  Nouveau message de fbonnus  Nouveau message 07 Juil 2013, 23:33

On appelle ainsi un ancien château devenu prison et situé à Moulins-sur Allier en raison de sa toiture biscornue. C'est là que la Gestapo abritait, si l'on peut dire, ses "pensionnaires", ramassés souvent au hasard dans la région et surtout à Vichy en 1944. L'un de ceux-ci, René Davion, qui fut ainsi invité à y accomplir un séjour forcé après le débarquement allié du 6 juin 1944 nous raconte.

Après un bref interrogatoire, les "interpellés" - c'est l'expression d'aujourd'hui - gravissaient les 118 marches d'un escalier en spirale, semblable à celui d'un phare, dont les mures étaient naturellement percés d'étroites meurtrières. A chaque étage, d'environ 20 marches, des couloirs qui menaient dans d'autres parties du bâtiment. Au sommet, une immense salle sous la fameuse toiture, où étaient entassés 60 prisonniers, allongés sur des paillasses, surveillés par des factionnaires armés... et dévorés par des milliers de puces. On remettait à chacun une couverture, une gamelle, un quart et une cuillère. A 7 heures et demie du matin, première descente des 118 marches pour aller percevoir "le café" - ou du moins ce qui en tenait lieu - la ration de pain de la journée et l'on remontait pour vaquer aux soins de propreté. A 8 heures et demie, deuxième descente pour la promenade d'une heure dans une cour aux murs épais et hauts d'une douzaine de mètres. A midi, troisième descente pour la soupe, puis perception du "plat de la Croix Rouge" du à la générosité de la Suisse : légumes ou pâtes dans lesquelles étaient incorporés des lambeaux de viandes, supplément appréciable. le dimanche, la Croix Rouge faisait distribuer à chacun des 400 ou 450 prisonniers un petit colis contenant 100 grammes de beurre, des fruits secs et des biscuits vitaminés. A 16h30, encore une descente - et une remontée - pour une nouvelle promenade dans la cour. A 18h30, sixième descente pour la soupe. D'ailleurs, la nourriture distribuée était saine et présentée très proprement, la tenue des douze à quinze prisonniers "cuisiniers" était propre, ainsi que le matériel et les locaux. Bien entendu, par ces cuistots arrivaient les bruits de dehors, certains baragouinaient un allemand approximatif et comprenaient un peu ce que les gardiens disaient. A 19h30, des sous-officiers venaient contrôler le nombre de présents.

Le dortoir du dernier étage sous les toits mesurait 30 mètres de long, 12 mètres de large et autant de hauteur. Au milieu du grand côté se trouvait la porte d'entrée et de l'autre une large denêtre avec auvent retourné, ouverte continuellement, entourée d'un grillage distancé avec une ouverture cadenassée. On pouvait cependant voir dans la cour par une fente pratiquée au bas de l'auvent. Au milieu des deux murs de la largeur, une fenêtre vitrée également protégée par un grillage fixe. DE la fenêtre du côté est, on apercevait les deux flêches de la cathédrale. Au centre du dortoir, un ouvrage en maçonnerie de 3 mètres sur 2 mètres, pour le passage des nombreuses cheminées qui traversaient la toiture. Contre ce pilier, était installée une ancienne cabine téléphonique qui servait de cabinet d'aisances. Les puces à part, le sort des prisonniers était supportable, avec l'exercice des sic descentes et remontées quotidiennes et les deux repas pris à l'air libre. Cela faisait tout de même plus de 700 marches à se mettre dans les jambes tous les jours. il y avait un contre-appel à minuit et c'est à ce moment que les gardes venaient chercher un ou plusieurs détenus qu'on ne revoyait plus. Il y avait aussi, bien entendu les interrogatoires des gens de la Gestapo, usant facilement du nerf de boeuf. "Terroristes, gross filous", israélites, prêtres catholiques, officiers de l'ancienne armée, prisonniers faits dans les maquis un père jésuite, le vieux rabbin de Vichy, un général, un membre des services britanniques, des Belges, des Espagnols et des fonctionnaires de l'administration résistants.

Le 14 juillet 1944 après le contrôle du matin et le "café", les prisonniers chantèrent la Marseillaise qui fut reprise dans le bâtiment réservé aux femmes. Tout le monde fut privé de la Croix-Rouge. Quelques jours après, visite d'un aumônier militaire allemand, habillé comme un officier de SS, revolver garni au ceinturon, qui expliqua, dans un français correct, que les prisonniers étaient obligés d'accepter la volonté de Dieu, maître de la vie des hommes, eet qui demanda à ses "ouailles" forcées de s'agenouiller pour recevoir sa bénédiction. Toute l'assistance resta debout.

Le 19 août, à la distribution du repas du soir, les cuisiniers remirent à chaque rationnaire une certaine quantité de biscuits en leur disant que bientôt, ils en auraient besoin. A minuit, un train passant en gare de Moulins siffle à plusieurs reprises : c'était le dernier convoi, chargé des prisonniers de la Gestapo de Clermont-Ferrand, qui se dirigeait vers l'Allemagne. Le lendemain matin, pas de café : tous les cuisiniers s'étaient évadés du premier étage au-dessus des cuisines où ils couchaient. La Gestapo de Moulins s'enfuyait dans les autos au moment d'un coup de main du maquis sur le pont de l'Allier : il restait des soldats allemands, peu nombreux. Ils ouvrirent les portes de la prison, laissèrent partir les prisonniers, sauf les Juifs, hommes et femmes, qu'ils embarquèrent dans leurs camions et dont aucune nouvelle ne parvint par la suite.

Illustrations (sauf mention contraire documents et Photos de Ph. Arthaud et de René Davion lui même)

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Plan de la prison Mal coiffée

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photo de "Mal Coiffée" - (photo de marc Luczak)

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Quelques uns des géôliers de la Mal-Coiffée en juin-juillet 1944. entouré de trois soldats allemands, le nommé Roberts (?) représentant de la Gestapo.
A sa gauche, une femme est prudemment restée dans l'ombre (photo et commentaire de René Davion)

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La tour de la Mal coiffée à Moulins
« Alors mon petit Robert, écoutez bien le conseil d'un père !
Nous devons bâtir notre vie de façon à éviter les obstacles en toutes circonstances.
Et dites-vous bien dans la vie, ne pas reconnaître son talent, c'est favoriser la réussite des médiocres. »
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