Court parcours d’un soldat français mobilisé en 1939
Un ami m’a confié des photographies découvertes dans une boite, après la mort de son père, une boite à chaussures sans doute. Ce dernier lui a laissé fort peu d’informations pour les raconter. Certaines parlent néanmoins d’elles mêmes. On les situe dans le temps sans difficulté.
Guy Le …,comme son nom paraît l’indiquer, est Breton. Avant guerre il demeure à Quimperlé. Au moment de la mobilisation en 1939 il est professeur de physique dans un lycée. Après sélection il est envoyé à Laval pour suivre un peloton d’élèves officiers. Quel grade a t-il lorsqu’il monte au front au moment de l’invasion allemande? Pour l’instant nous l’ignorons.
Guy Le… est second à partir de la gauche
Les pluches : Guy à gauche
Les casernes étaient devenues bien étroites après ce grand afflux de mobilisés. Il faut se serrer dans les chambrées
Ce n’est pas un soldat de la guerre 1914-18, il s’agit bien de 1940
Guy Le… de Quimperlé, second à partir de la gauche assis. IL porte un galon sur son calot, ses autres camarades aussi. La photo porte une date le 23 mai 1940
Embarquement pour le front.
Profonde tranchée ! Est-elle antichars ?
Progression dans un bois en manœuvre ou vers le front ?
On s’apprête à faire sauter un pont aux environs de la Loire.
Positionné sur la Loire devant l’Allemand, un officier supérieur dit à ses hommes « Nous sommes de toutes façons foutus, inutile de se faire tuer pour rien, rentrez tous chez vous, vous êtes démobilisés. »
C’est ainsi que Guy le….de Quinperlé regagne ses pénates. Sans papiers, en civil il rentre à pieds. Aux aguets, il se jette plusieurs fois au fossé par prudence . Arrivé chez lui il reprend ses fonctions de professeur.
Quelques temps plus tard, quand l’occupant allemand eut investi complètement les lieux, la famille de Guy Le…de Quimperlé, dut céder une chambre à un Allemand au titre de la réquisition. Cet Allemand du nom de Hans est pour l’instant un homme sympathique et bien élevé.
Guy et tous ses camarades sont démobilisés officieusement, sur la parole d’un officier. Ils ne le sont toutefois pas officiellement, et ne possèdent pas le certificat qu’on peut produire sur demande de l'autorité.
Qu’à cela ne tienne l’autorité militaire occupante aidée par la préfecture fait passer une information invitant tous ces pseudos démobilisés à se rendre librement à la Préfecture pour régularisation de leur situation. Là, chacun obtiendra le précieux papier les libérant officiellement.
Hans prévient Guy et lui dit qu’il ne sera peut-être pas démobilisé. Guy rejoint malgré tout le premier regroupement local, persuadé de la bonne foi des autorités. Il préfère comme tous ses autres camarades, s’y rendant tète baissée, se mettre en situation régulière.
Après regroupement, la troupe sur trois colonnes, s’ébranle et marche en direction de la gare, encadrée par des soldats allemands, sous les applaudissements des familles qui avaient accompagné leurs fils, maris ou pères. Applaudissements aussi des curieux tous persuadés que l’absence de leurs proches ou amis serait de très courte durée, le temps d’un coup de tampon à la Préfecture. Chacun sait maintenant que ce ne fut pas le cas.
Guy qui entame la marche avec ses camarades a soudain une mauvaise impression, il se rend compte tout à coup qu’il n’aurait pas du être là. Il se met alors accroupi, il fait mine de relacer sa chaussure, se laisse dépasser par la colonne. Hans qui ferme la marche, l’évite, l’ignore, la troupe s’éloigne et Guy se fond dans la foule.
Albert Gilmet