En mourrant à deux ans, mon père a sauvé le sien

Voilà la belle histoire que je voulais partager, une histoire familiale modeste mais extraordinaire.

Ma famille est une famille d'immigrés arméniens, vivant à Décines dans la région lyonnaise. Rescapés du génocide arménien, ses membres sont apatrides et "bénéficiaires" du fameux "passeport Nansen qui leur permet de vivre et travailler en France.

En 1938, naît mon père le troisième enfant de la famille. En septembre 1939, mon grand-père est mobilisé et rejoins une unité en région parisienne sur la localisation exacte de laquelle je me pose encore beaucoup de questions (ce point fait l'objet d'un autre fil de discussion ici et là. Mon grand-père avait d'ailleurs été déplacé - semble-t-il d'une unité combattante à une unité non combattante quand des copains français lui avaient dit qu'il n'avait rien à faire là avec trois enfants.

En 1940, mon père âgé de deux ans prend une mauvaise grippe. Son état empire progressivement et ... il finit par décéder. Le médecin vient établir un certificat de décès. La gendarmerie prévient l'unité de mon grand-père qui obtient une permission exceptionnelle de 48h en temps de guerre pour aller enterrer son fils. Il rentre à Lyon. Entretemps l'une des "pleureuses" au chevet de l'enfant décédé s'aperçoit d'un tressautement du petit corps. On le frictionne, on le réchauffe, on rappelle le médecin. Ma grand-mère déchire (malheureusement! ) le certificat de décès. On envoie un cousin faire toute les pharmacie de Lyon où il trouvera par miracle (sur les pentes de la Croix-Rousse) la dernière fiole disponible d'un précieux remède.

Mon grand-père arrive enfin à Lyon. Il fait tamponner son certificat de permission à la gendarmerie et se rend dans son foyer où ...... il trouve son fils vivant ! Il repart alors en sens inverse pour rejoindre son unité en région parisienne. Arrivé sur place, un bombardement allemand avait détruit la quasi totalité de son unité, C'est peut-être la raison pour laquelle il a été versé du bat. arien 119 au bat. aérien 120 le 16 juin 1940.

Voilà, c'est assez dérisoire mais c'est l'une de ces belles histoire de guerre que je tenais à partager. Mon grand-père non a quitté en 1993. Mon père à bientôt 83 ans !

[Prosper Vandenbroucke]

pour ce témoignage familial très émouvant Jean
Bien amicalement
Prosper