Post Numéro: 6 de Signal 20 Nov 2008, 22:49
L'évacuation de la zone entre la ligne principale de résistance et la frontière était prévue dès le départ de la construction. Après pour la réalisation c'est une autre affaire. Le problème du gouvernement français est que tant que la guerre n'est pas déclarée, ou au moins la mobilisation, ce qui revient presque au même, il ne peut rien faire : imaginez l'effet désastreux sur le moral des populations si on leur avait fait le coup en 36 et en 38, pour remettre le couvert en 39 ! D'où une certaine précipitation quand les choses deviennent sérieuses.
Pour le reste, ce n'est pas évident de vider une telle zone de sa population. Le cas le plus symbolique est Strasbourg, qui est à portée des canons allemands puisque directement sur le Rhin. Résultat : la ville entière (!) est vidée de ses habitants !!! Elle restera jusqu'à leur retour (en juillet 40 je crois) le royaume des chats, des chiens et des gardes mobiles.
Le problème principal n'est pas l'évacuation elle-même, mais l'arrivée dans les régions d'accueil (centre et sud-ouest essentiellement). A cette époque, la plupart des Alsaciens ont pour langue maternelle l'allemand (pour les plus de vingt ans) ou l'alsacien (pour tout le monde). Seules les élites parlent correctement le français. Résultat : choc de langue avec les français de l'intérieur (eh oui chers amis d'outre-Vosges, vous êtres des français de l'intérieur, l'expression date de l'immédiat après 1918 et continue d'être utilisée...), qui les appelleront les "Ja-Ja" (prononcer ya-ya), parce qu'ils répondent "ja" (oui) à tout ce qu'ils ne comprennent pas. De plus, ils sont souvent suspects, ces germains-français... Donc leur situation n'est guère enviable, même si dans de nombreux cas des alliances, mariages et amitiés se forgeront au fil des mois, d'où les nombreux jumelages entre ces régions et l'Alsace qui ont été mis en place entre les communes après la guerre.
Au traumatisme du départ, s'ajoute un autre traumatisme : ayant quitté leur région français, ils retournent à la maison allemands ! Les photos de la gare de Strasbourg lors du retour des évacués sont parlantes : fanfare militaire, speaker qui souhaite la bienvenue dans le Reich millénaire... Bref choc au départ, choc au retour !
Je vous passe sur la suite, sinon je vais encore faire une conférence, cette fois sur le thème des Alsaciens dans la guerre, ce n'est pas le sujet ici et je n'ai pas le temps maintenant. Un de ces jours j'ouvrirai peut-être un sujet là dessus. J'attendrai que le forum dorme un peu, un sujet explosif comme celui-là le réveillera à coup sûr
!
Bonne soirée,
Seb.