Dog Red a écrit:Pour en revenir à la question initiale de Jean (Jumbo), je revois mes fondamentaux ("Panzer in Normandy" de LEFEVRE et les mémoires de MONTGOMERY notamment) et profiterai du week-end pour croiser ça avec les cartes de situation partagées par Loïc.
Week-end normand donc (merci à la météo maussade qui a empêché les nécessaires travaux du jardin
).
Les cartes de situation posent de manière irréfutable ce que l'on savait de manière globale : oui, tout au long de la bataille de Normandie, les armées britanniques font face à la grande majorité des
Panzer-Divisionen en Normandie (Daniel FELDMANN et Cédric MAS citent un rapport supérieur à 3:1 entre les chars faisant face aux Britanniques et ceux faisant face aux Américains au moment de
Cobra).
Revient donc la question initiale :
cette concentration de moyens blindés face au front britannique est-elle voulue par Monty afin d'offrir les mains libres aux Américains ?A la lecture des 2 derniers ouvrages francophones consacrés à MONTGOMERY (par Antoine CAPET qui commente les mémoires du maréchal ou le duo FELDMANN/MAS qui propose plutôt une analyse des campagnes de Monty), les arguments en faveur du oui ne manquent pas.
Dès la conception d'
Overlord (décembre 43/janvier 44) dont MONTGOMERY est la principale (voire l'unique selon lui) cheville ouvrière puisque le commandant en chef de troupes terrestres de l'opération, le plan envisage d'attirer les forces allemandes à l'aile-gauche (Caen et secteur britannique donc), le temps de laisser les Américains nettoyer le Cotentin et s'emparer de Cherbourg. L'aile marchante est donc dévolue aux Américains. Ce plan est validé fin janvier 1944. Il n'évoluera pas de ce point de vue.
Le
Master plan de MONTGOMMERY est donc le suivant :
1. consolidation de la tête de pont sur une profondeur de 15km (permettant le déploiement des aérodromes nécessaires au soutien de la percée et d'amasser unités, matériel et moyens de réaliser la percée) ;
2. prise de Cherbourg et contrôle du Cotentin pour assurer le ravitaillement des armées ;
3. percée vers la Bretagne et ses ports jusqu'à la Loire (aile américaine donc) suivie d'un mouvement tournant jusqu'à la Seine.
Dans ce
Master plan, l'aile britannique est donc le pivot et l'aile américaine mène l'offensive. C'est d'ailleurs ainsi que se déroulera la bataille de Normandie mais sans respecter le calendrier pré-établi : à J+17 (23 juin) Cherbourg doit être pris et la tête de pont consolidée. Les difficultés du bocage ralentissent les opérations par manque de directives claires et précises de Monty, d'entraînement et de préparation, quant à la manière de progresser au-delà des plages selon FELDMANN/MAS. L'empirisme va être de mise alors que MONTGOMERY se targue de l'extrême préparation des opérations qu'il commande.
Une fois Cherbourg pris, l'incapacité à passer à la phase 3 (la percée) énerve de plus en plus EISENHOWER, CHURCHILL et l'opinion publique durant tout le mois de juillet. Monty voit ses moyens humains limités par la pénurie d'infanterie après 4 années de guerre, ses coups de boutoirs autour de Caen sont mesurés à l'aune de cet impondérable. Il n'a ni les moyens ni l'envie de percer par de coûteuses offensives d'infanterie modèle 14-18.
Ses détracteurs (CONINGHAM et TEDDER en tête) en profitent pour le mettre en cause. Pour se défendre aux yeux de CHURCHILL, Monty se protège derrière son plan : à lui de retenir un maximum de moyens allemands, aux Américains de percer.
En cela, il a raison. C'est son
Master plan depuis le début. Mais peut être le percevons nous depuis comme une "excuse". C'est peut être là le cœur du débat.