Chef Chaudart a écrit:Pour élargir un peu le sujet: la motivation du soldat a été, de tous temps, LA préoccupation des militaires.
Des soldats démoralisés n'ont jamais fait de bons guerriers.
Sans méconnaitre les bienfaits de la "cellule de base" (le groupe de copains qui se créé spontanément quand les hommes sont regroupés), signalé plus haut , le sujet est plus vaste et toujours d'actualité. On utilise également la contrainte sociale (la société militarisée japonaise d'avant guerre en est l'exemple parfait), la propagande, la récompense (médailles ou "coup de rouge" et repas chaud dans les tranchées) et de nombreux autres "outils".
Des recherches sont faites, encore actuellement, dans toutes les armées du monde afin de garder des soldats motivés et capables de réagir dans le feu du combat (de nombreuses études montrent en effet que, indépendamment de la motivation, le succès dans la mission d'un groupe de combat est le fait de quelques individus seulement. Les autres font, au mieux, de la figuration. Le "drill" a été, de tous temps, un moyen de limiter le phénomène: le combattant répète une suite de gestes ou attitudes de façon automatique, et on espère qu'il pourra les faire dans la chaleur de l'action)
Tu as bien résumé le "problème". L'instruction militaire, quelque soit le niveau de compétences qu'elle exige, est destinée à générer les automatismes, sensés être répétés dans une "ambiance combat". C'est moins vrai pour le personnel technique - dont j'ai fait partie, plusieurs années de suite, dans la Royale -, qui, en principe, n'est pas sensé "manier le flingot" en première ligne; même sur un PA, en temps de guerre, il ne sert à rien de filer un fusil ou un PM, en pleine mer, à un mécano aéro. Les sous-offs de la Luftwaffe embarqués pour servir les postes de Flak sur le Bismarck, portaient, réglementairement, au côté, une arme de poing, qui servira à certains pour se suicider, au moment du naufrage!
Dans les unités "professionnelles", même en temps de paix, les états d'âme ne sont pas de mise... "
Tu as signé, tu fermes ta gueule!". Au paroxysme des journées de mai 68, les unités, y compris celles de la Royale stationnées à terre, avaient publié des "ordres de marche" , en cas de soulèvement populaire généralisé. A la base aéronavale de Nimes-Garons, j'avais été bombardé "chef de section d'intervention". Ça ne me faisait ni chaud, ni froid, sauf que je n'y connaissait rien en "commandement de section au combat", mais je n'étais pas plus inquiet que çà, car la hiérarchie et notre petit détachement de fusiliers-marins, qui constituait notre "encadrement", étaient sensés y subvenir; pour l'essentiel, il s'agissait de garder son sang-froid, pour, si nécessaire, raisonner calmement. On se pose, néanmoins, fugacement, quelques "questions", genre ...
"vais-je pédoler dans mon froc ?", mais, à 20 balais, on ne s'y attarde guère, d'autant que la désignation faisait plaisir, même si, a posteriori, il s'avérait que le choix s'était porté sur les quartier-maitres-chefs, en attente de promo, et les officiers-mariniers les plus jeunes, tous célibataires!
Toutes les guerres révèleront des individus d'exception, que rien ne prédestinait à la carrière des armes (y compris chez les volontaires et les cadres), mais, bien souvent, une fois, la paix mise en place, ils sont, souvent "paumés". On retrouvera, ainsi, un bon paquet d'anciens de la Heer, dans la Légion Étrangère, en Indo, à partir de 1946 - dont d'anciens miliciens, sortis de tôle pour essayer de se racheter -. J'ai eu, ainsi, l'occasion de faire connaissance, dans un train de nuit, d'un ancien Hauptmann (capitaine) de la Heer, tout fraichement mis à la retraite, en 1965, -avec, en tout et pour tout, un petit pécule et, en prime - un costume "civil" offert - fier, comme un pou, d'être caporal-chef de la Légion - j'avais le même grade que lui, à moins de 20 balais, sauf qu'il savait que dans la Royale, nous étions des engagés -, après s'être cogné 25 ans, au sein de la WW2, côté allemand, l'Indochine et l'Algérie, avec l'armée française! Ce genre de personnage a, de tous temps, constitué la base de combat de l'armée, ceux qui font que, même avec le slip souillé, des ampoules plein les ripatons et la trouille au ventre... on y va!