Avec l'aide de S.G.A. Mémoire des Hommes
C'était notre grand'père...Ci-dessous le journal de marche de sa compagnie relatant les circonstances de son trépas:
Claude GENELOT : tronc sectionné - mort.....Tout est dit!...à sa jeune femme le 4 avril 1915...
Il est bien peu de nos contemporains qui n’imaginent ou ne connaissent l’angoisse et la détresse de ces jeunes mères qui virent partir leur époux et seul soutien de famille lors de toutes les guerres qui ensanglantèrent ce vingtième siècle maudit ; et ce n’est pas sans une émotion profonde que j’évoque le désespoir de Célestine quand le soir du 1er avril 1915, l’officier d’état-civil Bouzereau se présente au domicile pour lui annoncer, avec les dérisoires formules d’usage, que Claude est « Mort pour la France » à Eglingen le 7 janvier 1915. Je ne sais s’il lui décrit les conditions atroces de ce décès, qui figurent sur l’acte : « …carbonisé dans une cave détruite par un obus … » , mais ce que nous savons tous, c’est qu’elle ne s’en remettra jamais, et restera toute sa vie cette grande dame en noir, au sourire triste et aux yeux lointains que nous retrouvons sur cette photo des années vingt…
Sa fille aînée Germaine, aujourd’hui disparue, nous racontait souvent la crise de sanglots inextinguibles qui l’avait saisie lors de l’annonce de la victoire en 1918…
Quand je fis sa connaissance en 1945, jeune soldat de l’Armée d’Afrique, amoureux de sa petite-fille, c’est une vieille femme usée par le travail qui m’accueillit avec tendresse dans son petit appartement sans confort du Faubourg Saint Nicolas .
Peut être revoyait elle en moi celui dont elle a porté le deuil toute sa vie. La naissance après guerre d’une quinzaine d’arrière-petits-enfants qui l’adoraient contribua sans doute à adoucir la fin de son existence…Sa seconde fille Marie Louise étant revenue vivre auprès d’elle avec son mari, elle continua à faire ce qu’elle avait toujours fait : s’occuper du ménage et de subsistance…sans négliger toutefois l’analyse personnelle des nouvelles qu’elle n’avait jamais manquée, l’oreille rivée au poste de radio…
Sa grande taille repliée : j’ai grands maux aux reins , mes enfants... disait-elle, l’obligeait à se mettre à genoux devant un baquet pour laver le sol de la petite cuisine…Toujours levée tôt, c’est dans cette position étrange qu’un matin de septembre 1964, ses enfants la trouvèrent sans vie…
Mémère Lestine, la grande dame en noir s’en est allée sans bruit… rejoindre son Claude....