Le 1er R.A. – Royal Artillerie et la SAS de BouHamama - Aurès -Algérie 1958 - 1962
Avant Propos.
Le récit des événements qui vont suivre, présente un bataillon du 1er RA à l’occasion de certaines de ses actions lors de sa participation aux opérations de maintien de l’ordre durant la période 1958–1961 dans un secteur précis d’Algérie, BouHamama (Aurès – Nemencha). Il évoque aussi, dans le désordre, quelques anecdotes de la vie de tous les jours. L’essentiel de ce qui est écrit dans le présent texte n’est pas le résultat de recherches d’archives mais celui de notes personnelles et de témoignages vivants.
Sur internet il n’existe pas ou n’apparaissent seulement que de très vagues informations concernant le 1er RA durant sa période Algérienne. Cette page de son histoire est occultée dans les présentations officielles qui évoquent pourtant son glorieux passé. A l’instar du roman de Jean Giraudoux « La guerre de Troie n’aura pas lieu », la guerre d’Algérie n’a apparemment pas existé officiellement pour ce régiment mais aussi pour beaucoup d’autres unités engagées dans le processus de pacification.
Le 18ème RCC aurait pâti de cette même absence d’informations si Jean Pierre Legendre n’avait écrit deux livres remarquables sur ce régiment auquel il a appartenu avant de perdre une jambe en Algérie au cours d’une opération.
Rien à apprendre par la voie officielle ou si peu sur les activités du 94èmeRI de même que sur celles du 1er REC, de la 13ème DBLE du 3ème REI et bien d’autres unités qui ont hanté ce secteur par leur présence riches d’évènements. Pourtant, pour beaucoup de ces hommes qui ont servi dans ces unités, la vie c’est arrêtée là, dans les djebels. Nous rendrons hommage à quelques uns d’entre eux en rappelant les circonstances de leur mort et manifesterons de la reconnaissance à tous ceux dont les vingt ans se sont accompagnés de moments parfois très difficiles. Nous rappellerons aussi les moments joyeux d’insouciance et de franche camaraderie.
Situation des lieux
Un rappel sur la situation des lieux, mêlant sans distinction 1er RA et la SAS (Section Administrative Spécialisée) étant tous deux étroitement associés au quotidien sur ce plateau isolé, administrant les populations et partageant des informations pour entreprendre, si besoin est, des actions armées contre la rébellion.
L’authentique Bouhamama est un village qui borde les contreforts des Beni Melloul. Son nom signifie le lieu des pigeons. Sa situation géographique est jugée trop dangereuse parce que trop exposée aux harcèlements possibles des rebelles, en conséquence de quoi un transfert d’implantation de lieu de cette minuscule cité est effectué. Elle est repositionnée à cinq kilomètres à l’intérieur du plateau, entre la chaîne du Chélia et à la naissance sud du Djebel Tamza. Le village est vidé de ses habitants qui sont regroupés auprès du nouveau poste. Cette décision a été prise conjointement par les autorités militaires et civiles. Il est intéressant de constater que les Romains s'étaient aussi établis là, on retrouve les traces de leur présence à proximité sur le djebel Tarzout. Position qui domine très bien le plateau, d'où l'on voit venir de loin.
La légion étrangère, on parle d’éléments du 3ème REI et de la 13ème DBLE, a tout d’abord établi un camp en 1956 sur une éminence à proximité du djebel Tarzout. Elle a fortifié et sécurisé la localité. Les militaires du contingent ont ensuite pris le relais et occupés le terrain en mai 1958.
Le plateau se trouve à environ 1200 m d’altitude, au pied de la magnifique chaîne du Chélia dont les crêtes sont enneigées de novembre à avril. Son sommet culmine à 2328m. Plus au sud les Nemencha, région aride et presque désertique, jouxtent le massif des Aurès. Conduit par un couloir, le sirocco venu des parcours pré-sahariens, souffle l’été, parfois chargé de sable, qui pénètre dans les bâtiments à travers les moindres interstices.
Un rappel sommaire d’histoire sur la région.
D’anciens fonctionnaires en poste à la sous préfecture de Khenchela me rapportent, en 1958, que les habitants de la région de Bouhamama, n’ont de contacts avec les européens et l’administration seulement une fois l’an à l’occasion de la grande visite du Sous Préfet. Peut-être croisent-ils parfois, des agents des eaux et forêts. C’est dire, si cette région peuplée de Chaouïas, bénéficiait de fait, à cette époque, d’une relative autonomie. Le cours des événements 1955 -1962 a modifié la donne.
Le massif des Aurès a d’abord été colonisé par les armées de l’empire romain. Elles ont laissé de nombreuses preuves de leur présence bien que ces lieux demeurent très isolés et peu accessibles. Timgad et Lambèse villes romaines importantes sont situées au nord ouest de la chaîne du Chélia. De là, de tout temps, pour se rendre à BouHamama, il faut franchir montagnes et cols au risque de faire de dangereuses rencontres.
Les Romains se sont néanmoins établis dans cette région, ils y ont vécu durant plusieurs siècles. De nombreuses traces de leur long séjour subsistent. A Bouhamama et ses environs, les témoignages de leur présence sont nombreux : Des pierres de taille joliment travaillées, des colonnes, des mosaïques, des fours, des nécropoles avec urnes funéraires, objets et ustensiles en terre cuite et en bronze, des bijoux en verre sont nombreux. Les céréales étaient aussi abondamment cultivées.
Le plus caractéristique se remarque au nombre très important de moulins à huile domestiques ainsi qu’une grande quantité de noyaux d’olives retrouvés, fort bien conservés. preuve que l’olivier était cultivé à l’époque romaine et qu’il abondait sur ce plateau. Pourtant, aucun arbre de cette essence n’a été aperçu en ces lieux au 19e siècle lors de la venue des Français.
Moulins à Huile
La conquête de ces territoires par les troupes musulmanes au septième siècle, draine un peuple de pasteurs, amenant avec eux leurs importants troupeaux de chèvres. On sait que les chèvres laissent, peu de chance de survie aux végétaux après un séjour prolongé de celles-ci dans une région. C’est une hypothèse qui pourrait expliquer la disparition de l’olivier sur ce plateau fertile aux nombreuses sources, au débit important, alimentées par la fonte des neiges de la chaîne du Chélia.
Sur la photo ci-dessous il ne s'agit pas de la tour Mellagou qui elle, est située près du Douar du même nom.
Albert René Gilmet