Nouvel an 1961 – 1962.
Le conditionnement des munitions du mortier de 90mm, années 50, s’accompagne de fusées éclairantes pouvant être lancées comme des grenades à fusils. Elles sont sans aucun doute prévues pour le tir de nuit mais ne sont jamais utilisées à Bouhamama. Si des tirs de nuit s’effectuent parfois au moyen des obusiers de 155mm sur des objectifs précis, ajustés la veille par exemple, des sources ou des lieux possibles de rassemblement de HLL, rares sont ceux utilisant le mortier. En tout état de cause, je ne me rappelle pas en avoir vus ou entendus.
Jouxtant des bâtiments de la SAS, est positionné un mortier de 90mm. Les caisses de munitions sont entreposées dans un abri semi-enterré, tout proche. Chaque tir de mortier libère une grenade ou fusée qui est abandonnée dans sa caisse d’origine. Avec la bénédiction du responsable de tir, je récupère les fusées. Cette récupération se déroule sur plusieurs mois. On ne sait jamais, ça peut servir un jour…
...ainsi ce jour arrive en décembre 1961.
Pourquoi ne pas envoyer, me dis-je, 12 fusées éclairantes, en même temps que les douze coups de minuit. Les envoyer en même temps, c’est aller vite en besogne, il faudra plus d’une seconde pour charger, tirer…. toutefois nous essayerons !
Avant tout, pour expédier les fusées dans le ciel, il faut avoir un fusil équipé d’un « Lance patates ». Nous n’avons pas, rangés à nos râteliers d’armes chez nous à la SAS, ce type d’engin. Je me rends chez l’armurier de la compagnie du RA , pardon... de la BCAS du 1er RA, qui accepte de me prêter, sur ma bonne mine, un MAS 53 et ses cartouches spéciales avec recommandation de le lui restituer dès le lendemain, mais pas trop de bonne heure quand même, nouvel an oblige.
Le jour dit, le 31 décembre 1961 vers 00h00, moins quelques minutes, mon collègue Claude Faney et moi, après avoir averti le commandant du 1erRA de nos intentions, positionnons notre fusil, crosse à terre, canon légèrement dirigé vers le Nord. La direction est très importante. Au Sud et à l’Est sont situées des habitations civiles très inflammables, il ne faudrait pas qu’une fusée mal suspendue à son parachute, accomplisse sa fonction éclairante sur le toit d’une mechta. Sans respect de cette règle élémentaire de sécurité, nous n’osons imaginer les conséquences d’un incendie qui pourrait survenir.
Excités comme des gamins préparant un mauvais coup, nous sommes prêts. Les fusées sont alignées par terre, les cartouches sont en nombre suffisant, le chargeur est plein, Claude charge le fusil, je glisse la fusée sur l’embouchure du canon, Claude appuie sur la détente et notre première fusée est projetée dans les airs, les onze autres suivent à cadence rapide. Nous constatons alors leur grand pouvoir éclairant, même si le temps d’éclairage reste à notre avis de trop courte durée.
Cette nuit là, les hommes de garde au camp auront assisté à un spectacle inhabituel, osons le dire unique à Bouhamama. On peut espérer qu’ils auront bénéficié de quelques instants de distraction et d’évasion durant leur tour de veille. Je m’interroge aussi sur des questions qu’auraient pu se poser les Fells du secteur, de l’inquiétude que nous aurions pu faire naître dans leur esprit, auraient-ils pu s’attendre à une embuscade de nuit surprise. Le 1er RA est capable de tout mais quand même « faut pas pousser ».
Ce mini feu d’artifice ouvre aussi l’année de notre prochain départ d’un lieu que j’avais peine à imaginer, à cet instant là, devoir quitter si tôt et pourtant…..
C'est à partir de cette cour que les fusées ont été lancées
Moghazni Caporal Khalfaoui Boudjemaa
Albert Gilmet Attaché A.A.
Moghazni Caporal Khalfaoui Boudjemaa
Hélico à disposition du préfet, s/préfet, Commandant échelon de liaison des SAS. . Il apporte aussi le courrier.
Hélico ALAT