SAS Nomade à Oglat el Baara
Une SAS mobile est créée pour permettre le recensement et le contrôle des populations nomades qui circulent dans les parcours pré-sahariens entre Khanga Sidi Nadji et Tebessa, région proche de la frontière tunisienne. Elle se prépare et s’organise à Khenchela pour être opérationnelle en Novembre 1959. Elle se fixera à Oglat El Baara qui n’est qu’un point d’eau dans un environnement de sable, région plate, sans aucune dune. En direction du nord, au loin, les contreforts rocheux dénudés des Nemencha se dessinent.
La Harka de Tazouguerte commandée par le Sgt/Chef Flokorvski, promu plus tard adjudant, assure la protection du personnel des Affaires Algériennes qui compose l’équipe de travail. Un radio télégraphiste des SAS est nécessaire, je me propose comme volontaire. Je quitte provisoirement BouHamama. Des chevaux sont indispensables pour parcourir les grands espaces. La sous préfecture a prévu l’achat de montures, pour ce faire, elle délègue dans la région des maquignons qui effectueront le meilleur choix. Les chevaux devront montrer leurs dents.
Une unité du 94è RI assurera la logistique et renforcera la protection.
Le 18 e RCP de Zéribet el oued marquera sa présence avec deux Daimler Ferret
Au départ de Khenchela les chevaux sont installés, par trois ou quatre, dans les GMC, tète bêche, en travers de la caisse. Chevaux ferrés et caisse métallique du véhicule, le voyage sera périlleux et long pour ces pauvres animaux malgré la paille abondamment placée sous leurs sabots. La route n’est pas encore goudronnée, nous nous contentons d’une méchante piste sinueuse à l’excès. Chaque fois qu’un cheval s’affaisse dans la caisse d’un camion, j’ai peine à le voir souffrir. Le convoi stoppe alors, le véto ainsi que ses aides interviennent pour remettre l’animal d’aplomb, le soigner si nécessaire. Ils arriveront, toutefois, sans grands dommages au terme du voyage, ils seront immédiatement opérationnels.
Le convoi traverse une partie des Nemencha au paysage parfois lunaire. D’abord Babar puis Tabergda, Djellal et enfin Khanga Sidi Nadji. Les militaires des postes que nous traversons observent, curieux, ce convoi à l’allure inhabituelle. Il chemine lentement toujours sur le point de s’arrêter. Le véhicule suiveur surveille les chevaux du camion qui le précède prêt à donner l’alerte si un problème survient.
Une courte pause à Khanga Sidi Nadji, le temps de saluer nos collègues de la SAS, puis commençons l’installation du campement à quelques kilomètres de là sur le plat pays, à proximité du point d’eau d’Oglat el Baara.
Entre Khanga et Oglat coule dans le sable un oued qui demeure sec la plus grande partie de l’année. En hiver cet oued est alimenté par les pluies qui peuvent s’abattre sur les Nemencha sans atteindre toutefois les parcours présahariens ou si peu. Dans les Némemcha l’eau des pluies ne pénètre pas le sol, elle demeure en surface, elle s’écoule sans rencontrer d’obstacles. Elle glisse sur la roche vers un thalweg et formera plus tard dans le sable un oued, qui grossira soudainement au point d’interdire tous franchissements et alimentera les chotts. On raconte qu’un half-track a été emporté par la puissance des flots.
Ce jour là, l’oued se met en colère et nous coupe de notre base arrière pour une durée indéterminée. Les liaisons ne sont plus possibles, le ravitaillement vient alors à manquer. Un chameau bien innocent, errant dans les parages regrettera d’être passé au large de notre campement. Il est capturé, docile il n’offre aucune résistance, il servira de nourriture en attendant mieux. Sa viande n’est pas ragoutante, elle est absolument fade, au goût abstrait. Il faut ajouter à cela l’eau amère du puits qui détruit toutes les saveurs des plats préparés avec elle. Ne parlons pas du café certains le remplace par de la bière. S’ajoute à cela les aromes de carburants qui pénètrent les aliments cuisinés à la roulante fonctionnant avec de l’essence. Tant-pis, nous nous en contenterons, à la guerre comme à la guerre. Je regrette quand même le couscous à Bouhamama préparé par le marocain !
Une information parvient rapidement au camp, indiquant que la bête qui a su calmer notre faim, sans favoriser notre appétit, appartient à une compagnie saharienne. En ces lieux, il n’y a rien à craindre des voleurs. Il est d’usage de laisser paître les chameaux en toute liberté dans les vastes espaces présahariens. Ils ne se perdent pas et sont récupérés sans difficulté. Notre commandement ignorait la coutume. Bien sûr, ces messieurs lésés d’une monture font part de leur mécontentement. Toutefois le motif de cette exécution semble faire loi, l’affaire est donc classée. Le verre de l’amitié effacera cette bavure. Les sahariens sont sans rancune.
Parfois, quand l'occasion se présente, pour améliorer l’ordinaire, une chasse est organisée. Les véhicules se mettent à la poursuite d’un troupeau de gazelles. Installés dans la caisse des GMC ou dans les jeeps, les hommes, debout s’agrippent à la ridelle essayant de conserver leur équilibre et tirent, qui avec son fusil qui avec son PM ou sa carabine, tout cela dans des véhicules qui roulent à très vive allure, sans ordre, c’est du délire, c’est le Far West. Qui donc par son tir adroit ou le hasard aidant, a atteint le gibier ? Peu importe nous le mangerons ensemble.
Les jours calmes, il fait bon s’éloigner du campement, de s’isoler pour entendre le grand silence et contempler cette immensité de sable. Au loin, au sud ouest, la région des grands Chotts, observer le déplacement de minuscules personnages ou d’animaux en suspension, c’est un spectacle magique. Mes premiers mirages.
Je n’ai pas envie de passer Noël ici. Je souhaite rejoindre mes camarades à Bouhamama. C’est dit !
Le Commandant Boudeau de l’Echelon de Liaison, fait une visite d’inspection de la SAS nomade, il est accompagné du Sous Préfet à moins que ce soit l’inverse. Occasion pour ces hôtes d’organiser un pique nique sous un doux soleil. Nos visiteurs ont apporté leurs couverts et leur ravitaillement. Nous sommes à la fin du mois de décembre.
Le commandant Boudeau assure la liaison entre l’autorité militaire et civile. C’est un personnage d’une grande gentillesse et plein d’humanité.
Ma demande est acceptée pour me prendre à bord de l’alouette. Celle-ci fera un crochet par BouHamama, me déposera avant de rejoindre Khenchela. Mon transport s’effectuera sans mes bagages qui représentent un surpoids pour l’hélicoptère me dit le pilote. Ils me seront restitués plus tard par convoi. Avant de survoler les Nemencha en direction du Chélia, le pilote fait effectuer à sa machine des rase-mottes et plonge l’appareil vers un important troupeau de gazelles. Joli spectacle de voir ces rapides et agiles animaux s’égaillant dans toutes les directions, effrayés par la présence et le bruit produit par l’hélicoptère.
Après le doux climat ensoleillé des parcours pré-sahariens, c’est un Bouhamama tout blanc, tout froid qui apparaît sous la neige. En toile de fond la chaine du massif du Chélia est toujours magnifique. Nous sommes passés de l’altitude quasi Zéro à celle de 1200 mètres.
Ci-dessous, à droite et à gauche de la photo les deux chiens de garde , Daimler Ferret surveillent pour notre tranquillité.
On distingue les mats d'antenne du poste radio.
L'entrée symbolique du camp avec un mât réservé aux couleurs.
Jean Louis Banquet, l'homme à la déesse citroën de la SAS de Yabous.
Les militaires du 94e RI ne semblent pas être malheureux sous la protection d'une Dailmler Ferret