Poste de Boulerhmane
Le poste de Boulerhman commande l’accès de la route qui mène vers le plateau de Bouhamama. Il est situé près du col de Fedj sur les premiers contreforts des djebels de la région du Chélia. Des éléments du 94ème RI occuperont ce poste bâti sur l’emplacement de l’ancienne maison forestière. Sa situation permettra aussi de guider les tirs d’artillerie des pièces de 155 en batterie à Bouhamama. La distance maximale de tir maitrisé pour ces pièces est de 15 kms à charge sept. Cette distance à vol d’oiseau est celle qui les sépare de ce poste.
De temps à autres des exercices sont effectués tous azimuts, depuis Bouhamama pour apprécier la justesse de tir, des pièces.
Ce jour là, c’est en direction de Boulerhmane que sont dirigés les canons. Il faut allonger le tir, encore et encore. Par radio Boulhermane transmet les coordonnées des points de chute des obus. Charge sept, hausse maxi possible, feu ! Soudain, un ordre hurlé, répété à plusieurs reprise « halte au feu, halte au feu on tire sur Boulerhmane »… enfin presque. Je suis spectateur près des obusiers et j’entends crier « On a failli toucher Boulhermane »
A ce même instant dans les environs proches du poste de Boulerhmane des éléments du 18ème RCC sont en patrouille. Les obus éclatent non loin des blindés. Robert Brisson assiste impuissant avec ses camarades aux explosions d’obus qui risquent de les anéantir. Pris de panique, il saisit la mitrailleuse de son blindé et comme pour éloigner le danger, envoie des rafales en direction des explosions. Plus tard quand je fais sa connaissance à l’occasion d’un rassemblement de son régiment les premiers mots qu’il m’adresse me désignant du doigt et en riant, sont. « le 1er RA qui nous a tiré sur la gueule » Décidemment je suis l’homme du 1er RA.
Quand le 1er RA quitte Bouhamama pour s’installer à El Madher, c’est le 94ème RI qui tiendra ce poste jusqu’au départ définitif. Les relations entre SAS et ce régiment ne seront jamais aussi excellentes à l'image de celles que nous avions avec le 1er RA. Elles ressembleront au mieux à des relations de bon voisinage. Il est vrai que nous sommes à cette époque en train de vivre le commencement de la fin.
Ce jour là mon patron nous donne, à mon collègue Claude Faney et à moi, permission de nous rendre à Khenchela où nous sommes attendus pour « décompresser ». Un convoi du 94èmeRI est justement prévu. Comme d’habitude, tout naturellement au moment dit, nous nous apprêtons à monter dans un GMC. Un adjudant de compagnie arrive et s’oppose à ce que des civils empruntent le convoi. Tiens, on ne nous avait encore jamais fait ce coup là ! Mon camarade et moi sommes pourtant équipés de pied en cap d’habits qui ne ressemblent en rien à ceux portés par les civils. Nous sommes revêtus d’une tenue neuve américaine dernier cri, avec carabine US M1 et son harnachement. Nous faisons en sorte de ne pas créer d’incident, nous nous dirigeons discrètement vers le sortie du poste nord, où nous sautons au cul d’un GMC en marche. Le convoi stoppe au poste de Boulerhmane. Un sous off averti par radio nous demande de descendre et nous invite à le suivre. Il nous informe qu’il a reçu l’ordre de nous maintenir là, jusqu’au prochain retour du convoi.
La mesquinerie de cet adjudant de quartier nous oblige à utiliser le moyen radio du poste pour informer notre patron de nos désagréments. Le Lieutenant Gibier prend immédiatement contact avec la base de Khenchela qui dépêchera une Jeep pour nous permettre de terminer notre voyage. Il y a comme cela, dans la vie, des gens qui sont là uniquement pour briser toute entente, toute harmonie, des emmerdeurs quoi ! Pour ma part, je pense qu’il était jaloux de voir des civils porter aussi bien l’uniforme!!!
Albert René GILMET