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Aldebert
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Le 1er RA - L'increvable V33 - Chapitre 18

Lien permanentde Aldebert le 22 Mar 2014, 22:22

Le texte qui suit a été écrit par Jean Arnaux, blessé pendant un accrochage du commando de chasse V33, avec les rebelles. Jean Arnaux a pris le temps d’expliquer à chaud les évènements du moment tels qu’il les ressentait alors qu’il était encore en soins à l’infirmerie de Khenchela. Il est intéressant aujourd’hui d’observer dans cette lecture, comment un jeune homme pouvait appréhender cette époque où à cette date, juillet 1960, rien n’était encore perdu et qu’il fallait vaille que vaille faire son devoir pour gagner la partie. Sa façon de conter reflète en quelque sorte l’état d’esprit du moment.
Pour écrire le texte original Jean Arnaux a utilisé les caractères d’une underwood des années 40 avec papier carbone, tout un programme…


Notre camarade Jean Arnaux nous a quitté en Décembre 2014. Qu'il repose en paix

L’increvable V33 (par Jean Arnaud)

Au sein des Aurès, berceau de la rébellion : Beni melloul, djebel Arhane, djebel Chélia, Fourhal, massifs du Tamza autant de noms tristement célèbres, repaires farouchement défendu par le rebelle.
Au centre de ces massifs dans la cuvette de Bouhamama, le 1er RA et son commando V33 poursuivent la tâche périlleuse entreprise par la 13ème DBLE et le 3ème REI. Alors que trois batteries s’emploient à la construction de postes, tours, pistes etc. jour et nuit, en permanence, le V33 épaulé par la Harka n°13 veille sur cette région, patrouillant sans relâche, déjouant les ruses du rebelle. Il lui faut pour cela braver les intempéries, affronter un relief à l’aspect lunaire, louvoyer à travers oueds et maquis toujours susceptibles de dissimuler un ennemi coriace.
Dès février 1959, le commando V33 prend part à de nombreuses sorties : embuscades-fouilles-choufs-bouclages-ratissages-opérations de secteur qui, depuis l’ont rendu célèbre. Une rétrospective des faits donne une image évocatrice du labeur accompli par nos gars dans ce site sauvage, mais non moins digne de jouir des bienfaits d’une prospérité qu’il faudrait souhaiter durable.
De la tour de Goubi à l’entrée de la forêt domaniale des Beni-melloul, il est maintenant aisé de circuler en véhicule isolé mais il ne faut pas bien sûr s’imaginer une promenade sur les champs Elysées.
Qu’il semble loin le temps où les postes de Bouhamama, Aïn Guiguel, l’Alouette se faisaient harceler. Actuellement les rafales ennemies progressivement se sont tues et le calme, timidement a de nouveau apporté un peu de joie et d’espérance aux fellahs qui jusqu’à ce jour vivaient dans la terreur et la contrainte. La création de nouveaux postes tels que Fedj, Gergovie, Tizouarine s’est de suite avérée comme une barrière apportant l’insécurité chez les rebelles de même qu’une grande gène quant à leur ravitaillement plus que jamais précaire. La structure même du relief aidait beaucoup le fellagah dans ses pérégrinations mais il a su trouver son maître qui efficacement l’a toujours contré si bien qu’il a du reculer « ses quartiers privés » jusqu’au plus profond des Beni Melloul cette forêt où il se fait inexpugnable

Sur une étendue de quelques …..hectares il a fallu patiemment entreprendre une pacification bien laborieuse auprès d’une population éparse, difficilement abordable et depuis des millénaires soumises à des règles de principe immuables. Pour obtenir une belle réussite, non seulement il a fallu maintenir des contacts fréquents auprès de ces gens mais encore il a fallu mettre sur pied un dispositif de protection efficace nécessitant obligatoirement la présence de groupe commando.
Qui ne connaît mieux que lui ce djebel Chélia, impressionnante épine dorsale dont le point culminant domine tous les sommets d’Algérie et dont l’ascension n’est pas une promenade de tout repos. Demandez au tireur FM ou bien à ses pourvoyeurs ce qu’ils en pensent lorsqu’on leur annonce pour la nuit prochaine l’escalade de cet épouvantail. Ils vous répondront « Ah ! Si l’on pouvait être transportés en banane » même le plus blasé des crapahuteurs le craint et je ne vous souhaite pas de vous trouver en pleine tempête de neige ou sous la canicule à la recherche d’une source salvatrice, introuvable.
Le commando V33 a sillonné tous les coins les plus reculés créant pour le fellagah un élément d’insécurité. Et pour la population un élément de confiance si bien qu’à l’heure actuelle grâce à son efficacité et son dynamisme il a mené à bien sa tache occulte mais ô combien grande qu’on lui demandait !
Il a eu aussi des heures de gloire, il a maintes fois contribué aux grands succès opérationnels. C’est ainsi que le 4 juillet 1960 dans le Tamza nord profitant de la surprise il intervenait d’une manière foudroyante abattant sept rebelles.

Minuit, nuit sans lune, l’obscure clarté qui tombe des étoiles pèse sur le camp endormi, les premiers appels de quelques coqs matinaux s’élève du douar. Une sourde agitation s’empare du poste, prévenues les sentinelles en connaissent la cause. Deux sections du commando sortent (la une et la deux). Mission : Un chouf sur le Tamza et les djebels proches. Quelques bruits de pas, murmures, cliquetis d’armes, grésillement du C10, rumeurs qui ne durent qu’un instant, la colonne s’efface dans les ténèbres.
La mission est périlleuse du fait du terrain accidenté d’une part et d’autre part du danger imminent qui menace à tout instant notre progression. Nous nous acheminons, les nerfs tendus, sens en éveil, progressant avec mille difficultés sur un terrain escarpé, semé d’éboulis, se frayant à grand peine un chemin à travers une végétation dense. La sueur perle, de la bouche sèche s’exhale le goût amer du « jus » ingurgité au réveil.
Les arrêts sont nombreux. Il nous reste encore à franchir une dernière barrière rocheuse puis c’est la descente abrupte vers l’oued obscur que l’on devine. Les glissades sont nombreuses ponctués de jurons ou de rires étouffés. A mesure que l’on dégringole la masse sombre des pitons grandit et se découpe sur l’immensité du ciel. L’oued franchi, le filet d’eau chantant, le bouchon d’un bidon que l’on visse, rapide transition avant l’ultime escalade, instant fugace que l’on aimerait vivre plus longtemps. L’aube pointe, l’objectif est proche il faut être en place avant le jour. (La 2ème section reste en couverture).
Six heures, le soleil surgit sur la cime du BEZE et se dresse comme un point sur un i, embrassant de ses rayons le paysage sauvage qui resplendit, irréel. Voici une bonne heure déjà que le dispositif est en place. De nombreuses boites « gueule ouverte » jonchent le sol, reliefs d’un « casse-dalle » bien mérité.

Il faut une patience… que seuls nous connaissons bien ! Pour que durant des heures la fouille du terrain par l’observation, ne se relâche. Nous autres, aujourd’hui, sommes tous particulièrement intéressés par les versants du BEZE : la plaine de TIZI-NOURRIS qui s’étend à ses pieds et les redoutables gorges du TAMZA, ‘si l’on veut bien se rappeler qu’une section de la Légion a payé chèrement sont héroïsme, voilà trois ans. Depuis notre arrivée, six longues heures se sont écoulées, chacun en particulier aiguisant son œil vigilant sur tout ce qui lui semble suspect, la plus petite inattention gâcherait notre mission. Mais nos efforts ne seront pas vains !....

Onze heures ont déjà sonné quand soudain notre observation décèle la présence de quelques individus en armes qui descendent du BEZE qui viennent se mélanger à un groupe de ces vils bergers (venant de Ain Guiguel) aux activités paisibles et inoffensives semble-t-il ! Nous avions en effet remarqué dès les premières heures de la matinée un va-et-vient inhabituel, peut-être, mais qui faisait partie d’un savant stratagème. Sur les bords des gorges du TAMZA, des civils aux mouvements indolents, menaient paître plusieurs centaines de moutons (il s’agit en fait de chevaux). Les uns restaient sur place, les autres rayonnaient sans s’éloigner cependant du noyau principal. Tout cela ressemblait à une fourmilière aux intentions pacifiques et s’il n’y avait pas eu cette perspicacité bien connue chez nos gars, jamais le Commando n’aurait éventé la supercherie.
Beaucoup trop éloignés pour déterminer avec assurance leur louche comportement, une section reçoit l’ordre de s’en approcher (la 1ère en place au lever du jour) tandis que l’autre se met en protection prête à intervenir. (la 2ème).

Fusils-pistolets mitrailleurs-fusils mitrailleurs (1 seul), chacun a pris position prêt à ouvrir le feu au moindre signal. Sur une distance qui s’étend entre 200 et 300 mètres, en face de nous, des « fels » se désaltèrent dans l’oued qui coule au fond des gorges, d’autres en tout tranquillité, l’arme à l’épaule ou négligemment abandonnée sur le sol, conversent avec des bergers (+ femmes et enfants) Une lourde atmosphère nous étouffe. Derrière notre barre rocheuse, invisible de l’ennemi, chacun retient sa respiration dans la crainte de dévoiler sa présence. Et pourtant l’on sent sûr. A découvert, sur cet espace de terrain stérile brûlé par le soleil, l’ennemi est là, tout proche, insouciant du piège qui lui est tendu. Loin derrière nous, les copains de la 2ème section sont embusqués sur des crêtes rocheuses et pourront intervenir en temps voulu.
Les minutes succèdent aux minutes, l’heure tourne et devant nous la scène se précise, le rideau se lève, chacun a son rôle. Quelques bergers et certains civils s’avèrent être des rebelles portant dissimulée sous leur djellabah ou dans leur sac, leur arme individuelle.
Nos gars s’excitent, la tension nerveuse croît. De bouche à oreille un murmure frissonne : mais qu’attendons-nous pour ouvrir le feu ? (Interdit à cause des femmes et des enfants).
Le chef de section (Lt DANCHIN), placide mais décidé, étudie une dernière fois la situation, calcule nos chances, dénombre l’ennemi…. Environ dix ou douze, donne ses ultimes instructions aux Chefs de groupes puis, par radio, l’ordre tant attendu nous parvient. Feu ! De toute la puissance de vos armes !

Alors… Chez les « fels » l’instant de stupeur fait place à la panique, au désarroi complet. Quelques téméraires pourtant tentent de résister…. Ô folie, en quelques secondes, ils mordent la poussière ! D’autres cependant réussissent à s’échapper (au milieu des femmes et enfants vers Ain Guiguel) et à se protéger des rafales meurtrières. Il est vrai que leur mouvement de retraite est grandement facilité par la présence d’un petit groupe des leurs, restés en chouf au-dessus des gorges, n’est qu’un instant d’hésitation car bientôt, les deux voltigeurs (de la 2ème section) réagissent et dans un élan fougueux, montant courageusement à l’assaut, excités par le tac-tac de nos armes automatiques.
La bagarre fait rage. Repoussés jusqu’aux contreforts du BEZEZ, les rebelles sont maintenant solidement retranchés et protégés. Supérieurs au nombre estimé avant l’accrochage, ils se défendent rageusement. Après quinze minutes d’échanges furieux (1ère section avant l’assaut de la 2ème section), deux des nôtres sont touchés (le conteur Jean Arnaud blessé au genou et Jean Marie Alain ,clavicule). Aussitôt prévenu, le Chef de section donne l’ordre de stopper l’assaut afin de faciliter et couvrir le repli des deux blessés qu’il faut absolument mettre à l’abri. En effet, « ces salopards » essaient de les achever.
(En dépit des tirs nourris des rebelles Daniel Chaillou se porte au secours de Jean Arnaud le transporte sur son dos et le met à l’abri)

Encore quelques coups de feu, puis c’est le silence : auraient-ils décroché ?..... Fausse alerte ? Non ! Ils fuient réellement, redoutant les T.6 qui alertés par radio, font entendre leur sinistre ronronnement. Puis c’est le sifflement de « l’Alouette » qui se pose, protégée par la chasse, l’évacuation éclair sous le feu des nôtre qui reprend de plus belle, accentuent la course éperdue des Fels…. La seconde section nous rejoint, tandis qu’une voltige progresse prudemment jusqu’au retranchement ennemi. La bagarre est finie.
Le ratissage est maintenant terminé, la partie est gagnée, les fellouses laissent au tapis sept morts,.

Rentrés au camp, les deux sections du Commando sont accueillies par des cris de joies, des félicitations à juste titre gagnées si, amis et lecteurs, vous me permettez d’user de ce compliment. Alors d’une tape fraternelle sur l’épaule, par petits groupes, les gars s’en vont boire leur canette gracieusement offerte par le Chef de Corps du 1/1ème Régiment fier du dynamisme de ses hommes. Ce dernier est plein d’éloge quant à notre approche de l’ennemi, dès l’instant où nous l’avons aperçu au moment où nous nous sommes embusqués à quelques 200mètres de lui. En effet, qui ne connaît pas la ruse et la méfiance du fel. Nous avons joué au plus rusé et notre volonté de réussir a payé.

Lecteur curieux, si tu désires avoir une nette idée de ce qui fut et de ce qui est, prends une carte et site BOU-HAMAMA.
Tu ressentiras alors combien la tâche du Commando V.33 dans son œuvre de pacificateur, a été rude. D’une région déshéritée, du fait de sa position géographique Il s’est efforcé d’apporter le calme et la confiance et contribué à la construction de logements, améliorant ainsi les conditions de vie jusqu’à ce jour, précaires. Il a contribué aussi efficacement à la pénétration rapide au cœur de ce pays, bastion de la rébellion, au moyen de cette route qui met à la portée rapide les centres importants comme BATNA, KENCHELA, CONSTANTINE et qui favorisent l’apport d’idées neuves, l’introduction de produits en tous genres indispensables à l’émancipation des Chaouias.

Ami, si un jour tu passes par BOU-HAMAMA, dis-toi que l’accueil qui t’est réservé, la paix qui y règne, sont le fruit et le labeur des gars qui ont peiné et souffert pour que reviennent dans ce Pays la prospérité et le bonheur.
Pense à ceux qui ont versé leur sang !
Pense à leur sacrifice !

Un du Commando.


En épilogue Jean Arnaux ajoute au stylo :
A ce compagnon valeureux et courageux qu’est Daniel Chaillou qui, au péril de sa vie m’a sorti de l’embuscade alors que j’étais blessé. Qu’il trouve dans ce document le témoignage de ma reconnaissance en souvenir du commando V33 « Aurès » auquel nous appartenions tous deux dans les années 60.
Bien amicalement
Jean Arnaux


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Alouette avec civiéres couvertes, de part et d'autre de l'appareil, pour évacuation sanitaire.
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Col de Tizougarine
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Daniel Chaillou et Mariettaz
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Bivouac, au lever du jour. L'armée n'a pas été très inspirée en équipant la troupe avec des sacs de couchage de couleur bleu, sacs repérables de très loin!. Le bleu horizon reste d'actualité.
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Albert René GILMET

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Commentaires

RE: Le 1er RA - L'increvable V33 - Chapitre 18

Lien permanentde Aldebert le 26 Jan 2015, 18:26

Notre camarade Jean est décédé en décembre 2014. RIP

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