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Aldebert
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Ma guerre d'Algérie par Jacques Guérin - Chapitre 84

Lien permanentde Aldebert le 19 Jan 2017, 18:56

Avant Propos
Jacques Guérin de la 1ère batterie a vécu les premiers instants de l’installation du 1er RA à Bouhamama à l'image de Jean Suard et la création du Commando de chasse V33. Il apporte sa contribution d’informations nouvelles et anciennes. Ces dernières pourront être croisées le cas échéant avec celles déjà présentées sur le blog.
Voici son texte qu’il a lui-même préparé et qu’il documente avec des tracts récupérés sur le terrain.

ARG

PROLOGUE

En janvier 1957, je venais d’avoir 20 ans, je travaillais depuis un an et demi à la radio comme assistant preneur de son. J’ai été appelé, comme tous les garçons de mon âge, à faire mon service militaire. La durée légale était de 18 mois, mais depuis la Toussaint 1954, un groupe d’Algériens était en rébellion. L’Armée Française a été envoyée en renfort et les appelés ont été “maintenus“ pendant un an de plus !

Donc en janvier 1957 ma grande crainte était d’aller faire du “maintien de l’ordre“ en Algérie. Coup de chance, je suis appelé à Provins au 401ème RAA (Régiment d’Artillerie Antiaérienne). Je comprends tout de suite que pour faire durer cette affectation en France, il me faut monter en grade pour devenir instructeur. Sinon au bout de 4 mois, c’est le départ pour l’Algérie.
Donc après les 2 mois de “classes“, je deviens élève gradé pendant les 4 mois suivants. Si bien que je suis nommé brigadier fin mai 57 puis maréchal des logis au 1° janvier 58.
Je ne m’étendrai pas sur l’apprentissage du métier militaire : maniement d’armes, marcher au pas en chantant, 1 heure de gymnastique chaque matin, parcours du combattant, entraînement progressif à la marche pour atteindre 30 km / jour, les chambrées de 15 lits, les douches collectives pour 30, 8 jours de manœuvres au camp de Mourmelon en hiver…
Sachez seulement que devenu instructeur, j’ai eu à cœur de ne pas brimer les jeunes recrues et même de leur faciliter la vie. Je raconterai peut-être en détail cette période de 15 mois à Provins dans un autre chapitre.

NOTE AU SUJET DES GRADES

Pour réviser les grades dans l’Armée Française, voici un résumé en partant du plus humble : les gradés : caporal, caporal-chef ; les sous-officiers : sergent, sergent-chef, adjudant ; les officiers : sous-lieutenant, lieutenant, capitaine, commandant, colonel, général.
Dans tous les régiments qui utilisaient dans le passé des chevaux : Cavalerie, Artillerie, Gendarmerie, Train, la nomination des premiers grades est différente des régiments d’infanterie :
Le caporal est appelé brigadier
Le sergent est appelé maréchal des logis (en abrégé MDL ou margis)
De la même façon pour les unités :
La compagnie (150 hommes) est appelée batterie (même si nous n’utilisons pas de canon)

MARS 1958

Le 25 mars 1958 nous embarquons dans le port de Marseille sur le paquebot Djenné. Je suis avec quelques copains de la même classe (1956/2/C) qui ont eu le même parcours que moi à Provins : Yvon Thomas, Christian Marette et Henri Caffin entre autres ; nous sommes tous les trois sous-officiers et, à ce titre, nous dormons dans des cabines à 2 lits, alors que la troupe est installée dans les entreponts. Nous déjeunons au mess des sous-off. Nous accompagnons une centaine d’hommes qui viennent de terminer leurs 4 mois d’instruction sous notre commandement. Escale à Tanger.
Arrivés au port de Casablanca le 28 mars 1958, les autorités marocaines font des difficultés et s’opposent à notre débarquement. Ils connaissent le but de notre venue.
Plusieurs heures d’attente. Mon oncle, Jean-Laurent Lagardère, peut monter à bord pour m’embrasser, pensant que le bateau va repartir avec nous ! il travaille à l’AIA (Atelier Industriel de l’Aéronautique) depuis 1940 et s’occupe de la maintenance des aéronefs de l’Armée Française et de l’aviation civile. Enfin en début d’après midi, nous débarquons. Nous sommes logés dans une caserne en pleine ville de Casablanca : le camp Malakoff. On nous apprend que nous sommes mutés au 1er Régiment d’Artillerie (1erRA). Nous faisons partie du 1er bataillon et je suis affecté avec Yvon Thomas et Henri Caffin à la 1ère batterie.
Le capitaine qui nous commande nous explique que nous allons nous entraîner en attendant de partir pour l’Algérie.

“ LES PIEDS SONT L’OBJET DES SOINS LES PLUS ATTENTIFS“
Dixit le Manuel du gradé.

En tenue de sortie, nous sommes autorisés à porter des chaussures basses personnelles, à condition qu’elles soient noires et le dessus uni. En arrivant à Casablanca, nous sommes équipés de “chaussures à clous“ : chaque homme possède dans son paquetage, 2 paires de brodequins (qui couvrent la cheville) en cuir bien solide, bien ferme, bien dur. La semelle, en cuir également, est piquetée de clous de façon à ce que le fantassin marche sur du métal ! Quand les clous sont usés … le cordonnier s’en occupe.
Arrivés au Maroc, nous touchons des brodequins à semelle de caoutchouc ainsi qu’une paire de pataugas. Il faut que cette chaussure neuve se fasse à votre pied, ou l’inverse ! Heureusement nous partons en entraînement. Marches de 5km, puis de 10, 20, 30. Beaucoup d’ampoules au début, quelques gars sont exempts de marche un jour ou deux, mais au bout de 2 semaines la batterie peut défiler au pas cadencé devant son capitaine.
Pendant notre séjour au Maroc vont alterner des périodes de repos à Malakoff et des manœuvres au camp de Médiouna (15 km au sud-est de Casa). Bien entendu, nous sommes assez mal vus par les Marocains et il est conseillé de sortir en ville, si possible, en tenue civile. Nous passons donc quelques périodes de plusieurs jours au camp de Médiouna : entraînement physique, marches de nuit et de jour, parcours du combattant, ramper sous les barbelés, tir au fusil et au PM (pistolet mitrailleur), lancer de grenades, etc…
Le soir, si j’ai quartier libre, je vais dîner à Casa. La première fois je prends un petit taxi pour aller rejoindre mon oncle et ma tante. Ils habitent rue Omar Slaoui dans le quartier européen. C’est un immeuble confortable des années 30 avec salle de bain et terrasse. Lucie et Jean-Laurent me traitent comme leur fils (qu’ils n’ont pas eu) : habits civils, argent de poche, ils me prêtent même leur voiture (une 4 CV Renault), je suis vraiment comblé ! Oui, j’ai vraiment apprécié les soirées passées chez eux après la grosse chaleur de la journée (le simoun souffle du sud) : une douche, changer de linge, boire un whisky-soda en parlant de l’actualité et déguster quelques spécialités marocaines préparées par Fatima.
Je discute beaucoup avec mon oncle Jean-Laurent. Il est officier de réserve et a fait partie du noyau de résistants de Casablanca, facilitant ainsi le débarquement des Alliés en Afrique du nord, en novembre 1942. À ce titre, il a été décoré de la Légion d’Honneur. Il pense que l’Algérie est française et qu’il est normal de combattre pour la garder. Il espère simplement que je vais m’en “tirer“. Ainsi, pendant mon séjour au Maroc, je serai avec eux le plus souvent possible.
Le weekend, si je suis libre, ils me font visiter la région, la côte surtout : Fédala (Mohammédia), Mazagan (El Jadida) et le cap Blanc, mais aussi la Médina de Casa.
Quand nous sommes au camp Malakoff, il y a quand même quelques servitudes : L’entretien des armes, la propreté des hommes et de la caserne, la garde du camp etc…
Un jour, en parlant au mess, j’apprends qu’il y a en ville, un Bordel Militaire de Campagne (ce dernier mot signifiant simplement que nous sommes en campagne !) Les copains rigolent devant mon ignorance. Je trouve çà scandaleux et je le dis. Certains sont de mon avis, d’autres indifférents. L’adjudant de quartier m’a entendu et, quelques jours après, je suis de garde au BMC !Donc avec une douzaine de soldats et 2 ou 3 brigadiers, nous nous rendons en pleine ville dans une “maison close“. Nous y serons de service de 16 heures au lendemain matin 7 heures. Le “travail“ consiste à faire respecter l’ordre et à appeler la Police Militaire en cas de problème. La maison est de forme carrée avec une belle cour intérieure (le patio). Les chambres du rez-de-chaussée et du 1er étage sont garnies de filles maghrébines dirigées par une mère maquerelle. Je suis triste à la vue de ces pauvres femmes devant satisfaire les troufions de passage. Elles n’étaient pas très fraîches et devaient avoir beaucoup servi.
Notre rôle consiste à inviter les clients à passer par la cabine prophylactique avant de consommer. Les horaires sont stricts : jusqu'à 20 heures la maison est ouverte à tous (les militaires français bien sûr) ; à partir de 20 heures sous-officiers et officiers . De 22 heures à 06 heures du matin les officiers seulement ! Bien entendu il est parfois difficile de faire respecter ces horaires à la lettre, surtout si un de vos supérieurs est en cause. En fait la nuit est calme et nous pouvons dormir puisqu’il n’y a plus de client.

L’ ALGÉRIE

Le 10 mai 1958, le bataillon embarque dans le port de Casablanca sur l’ATHOS II. C’est un transport de troupes. Nous passons la journée du 11 à attendre en rade d’Oran. Le bateau repart et le 12 mai au matin, nous sommes en rade d’Alger. Paysage magnifique sous le soleil. Nous débarquons et sommes transportés en camions à RéghaÏa à 30 km à l’est d’Alger.
Nous cantonnons dans les fermes des environs, sans connaître notre mission ni sa durée. Le lendemain, 13 mai 1958, quelques militaires ayant un poste de radio (les premiers transistors), nous comprenons qu’il se passe quelque chose à Alger et que nous sommes en réserve. Nous restons là trois jours à ne rien faire.
Le 16 mai nous prenons le train pour l’est. En traversant les gorges de Palestro tout le monde pense à ceux qui y sont tombés dans une embuscade il y a 2 ans. Notre train est bizarrement composé : en tête un wagon plateforme sans occupant, rempli de grosses pierres, ensuite un wagon blindé genre petit char avec mitrailleuses, puis la motrice diésel et enfin les wagons de voyageurs séparés par quelques wagons plateformes transportant les militaires de l’escorte. Nous passons par Bouïra, Bordj-Bou-Arreridj, Sétif et arrivons à Aïn-Beïda à 100 km au sud est de Constantine. 50 km en camion, plein sud et nous arrivons à KHENCHELA qui va devenir la base arrière de notre bataillon. Nous sommes logés sous tentes de 30 personnes, dans un endroit désertique, balayé par le vent (poussières). Les premières journées se passent en exercices de tir, marches et accompagnement d’opérations en cours dans le secteur.
Ayant une formation d’artilleur je suis désigné avec notre sous-lieutenant, Georges Bagnières et un radio pour suivre une compagnie de la légion en opération. Notre rôle sera de régler éventuellement un tir d’artillerie.
Accueil des légionnaires plutôt sympathique, vis à vis des débutants que nous sommes. C’est ma première opération. Ma grande inquiétude va peut-être connaître une réponse. Quelle sera mon attitude pendant les premières fusillades ? Dans un massif forestier, nous suivons les déplacements de nos légionnaires qui selon la tradition ne portent pas le casque : ils sont en képi blanc ! Nous ne voyons pas grand chose, si ce n’est les avions qui passent bombarder un peu plus loin. Nous entendons des explosions et des tirs d’armes automatiques. En milieu d’après midi, une section ramène au PC une vingtaine de fellagas prisonniers. Ils sont désarmés et assis par terre. Le temps passe. Les officiers qui les commandaient, ont été emmenés en base arrière pour être interrogés. Les légionnaires les font se lever et les emmènent. Nous rentrons au cantonnement, conscients de n’avoir servi à rien aujourd’hui.

4 juin 1958 - DÉPLACEMENT entre KHENCHELA et BOU HAMAMA

Nous allons enfin connaître notre destination finale : le poste de Bou Hamama. Départ à l’aube en camions débâchés ; des GMC et des Simca. 25 personnes par véhicule. Les bancs d’origine ont été inversés : ils sont fixés au milieu du camion ; les gars voient le paysage et peuvent sauter plus vite au cas où…Nous avons nos armes et nos munitions et sommes escortés par des half-tracks, et des scout-cars armés de mitrailleuses. La route est goudronnée pendant les 20 premiers km. Nous traversons Edgar-Quinet puis nous tournons à gauche pour prendre une piste qui monte en lacets. De loin en loin des militaires protègent le convoi. Le paysage est magnifique : des arbres, des bosquets de lauriers roses, des oueds à sec…
Les véhicules avancent doucement, très espacés les uns des autres, consigne de sécurité oblige. Nous sommes bien secoués quand même. Nous passons le col de Fedj (1370m) et redescendons dans une large vallée. Quelques mechtas qui semblent abandonnées, la terre est plutôt désertique; au loin, vers le sud, des montagnes couvertes de forêts.
Nous arrivons à la mi-journée (3 heures pour faire 60 km). Le poste est tenu par les légionnaires de la 13ème DBLE. Nous nous demandons ce qui va se passer dans les semaines à venir !
Rassemblement, garde à vous, petit mot de bienvenue par un officier… Nous allons provisoirement habiter à nouveau sous ces grandes tentes “Marabout“ en attendant que la légion nous laisse la place. Mais la nuit va être courte ! Aussitôt arrivés à Bou Hamama, aussitôt utilisés.

5 JUIN 1958 – PREMIÈRE OPÉRATION

Une grande opération va être déclenchée le lendemain matin à l’échelle de la division (plusieurs bataillons, certainement au moins 5000 hommes). Une bande importante, venant de Tunisie, a réussi à passer les 100 premiers km et arrive dans notre secteur : les AURÈS NÉMENCHA.
Au milieu de la nuit, rassemblement et départ en camions vers le nord ; après 10 km on descend. Marche à pied vers le nord-est. À l’aube, nous occupons une position le long d’une lisière. L’ordre est d’avancer en ratissant, garder toujours la liaison à droite et à gauche, c’est ce qui est le plus difficile. Nous avons fait ça tellement souvent en exercice, mais maintenant c’est “ en vrai “. Je suis inquiet, mais très vite, comme tout se passe bien, ma crainte se dissipe…Nous sommes dans une zone de montagne : beaucoup de taillis, beaucoup de rochers, quelques clairières qu’il faut traverser par bonds, ça monte, ça descend. Parfois des amas de branchages qu’il faut contourner. On entend quelques coups de feu. Un avion d’observation passe et repasse. Il y a de nombreux arrêts. On avance très doucement, il faut bien regarder dans les grands arbres, dans les taillis, derrière les rochers. Dans cette journée nous aurons progressé de 5 km.
Le soir tombe. Le sous-lieutenant qui est allé aux renseignements, nous explique la situation : la division a encerclé une katiba de rebelles, il faut la réduire, ce sera pour demain.
Nuit sur place. Nous sommes dans un endroit qui nous est inconnu. Installés en lisière de forêt ; devant nous ça descend en pente douce. Plus loin, à 2 ou 300 mètres, une sorte de bois. Nous plaçons les 2 FM et organisons un tour de garde. Il fait un peu froid et nous sommes partis sans vêtements chauds ! C’est une bonne expérience et nous ne l’oublierons pas. Pendant une bonne partie de la nuit, l’aviation largue des “lucioles“ : fusées éclairantes attachées à un parachute. Cela augmente mon angoisse ; pendant l’éclairage les zones à l’ombre sont encore plus noires et nos yeux se déshabituent à voir dans l’obscurité. La consigne est de fermer un œil pendant l’éclairement !
La nuit, tous les bruits sont inquiétants. On a toujours l’impression que quelqu’un est en face et qu’il nous menace. Quelque part, un coup de fusil ou une rafale, les fells tentent de forcer le passage ? Ou alors une sentinelle a perdu son calme…J’ai su cette nuit-là ce que signifie avoir peur. Mais je me ressaisis en allant inspecter les guetteurs.
Le plus difficile est de se tenir éveillé à tour de rôle toute la nuit, car c’est avant le petit jour que l’ennemi risque d’essayer de traverser notre encerclement ! Si les fellagas ne réussissent pas, ils savent qu’ils seront fait prisonniers ou tués.
Mais dans notre secteur, la nuit a été calme. Nous voyons les premières lueurs de l’aube arriver avec soulagement. Je ne sais par quel miracle d’organisation on nous apporte des rations, du pain et un jerrycan d’eau ! Il doit y avoir une piste derrière nous pour que l’intendance suive de si belle façon. L’opération va durer encore 24 heures.
Progression en ratissage pendant la journée et arrêt pendant la nuit. On entend tirer mais nous ne rencontrons pas d’ennemi. Sur la carte reçue avant de partir, je vois à peu près où nous sommes : sur les contreforts du djebel Chélia, dans le djebel Fourhal, 1500/1600 mètres d’altitude. Au matin, nous redescendons pour rejoindre une piste où les camions nous attendent ; ils sont protégés par des scout-cars et des EBR de la légion. On apprend, par des indiscrétions (Radio Djebel), qu’un gars de la 3ème batterie s’est fait tuer, suite à une éventuelle imprudence de son chef de section. Allez savoir la vérité ! Il paraît que les légionnaires sont mécontents de notre bataillon. Ils ont eu plusieurs blessés en tentant de dégager cette section qui était bien accrochée.Le retour dans les camions est bien triste. Après- midi, repos bien mérité.
Le lendemain, prise d’armes. Nous sommes 3 ou 400 rassemblés (la moitié du bataillon). Nous rendons les honneurs à notre camarade. Une minute de silence, sonnerie aux morts.
Un colonel fait un long discours dont nous percevons des bribes… la katiba a été anéantie. Une centaine de fellagas tués. Dans les jours qui suivent, on apprend que notre commandant a été muté ! Il s’était trop engagé, comme si notre bataillon était très aguerri, très professionnel ! Nous aurions dû être affectés à des tâches de bouclage statique et non de ratissage. Le nouveau commandant se nomme Jules-Maurice Totth.

LE POSTE DE BOU HAMAMA

Le véritable village de Bou Hamama borde les contreforts du massif des Beni Méloul. Le lieu étant très difficile à défendre, l’autorité militaire a décidé d’installer un poste 5 km plus au nord, sur un monticule à 1150 mètres d’altitude, au milieu de cette vaste vallée orientée Nord-Sud. Le village est vidé de ses habitants, regroupés autour de ce poste. À l’ouest le djebel Chélia nous domine : c’est le point culminant de l’Algérie, 2328 mètres. A l’est, quelques montagnes qui s’élèvent à 2000 nous séparent des Némencha ; vers le sud, un grand massif boisé : la forêt des Béni-Méloul. Au nord, la vallée remonte lentement vers le col de Fedj (1358 m) qui nous relie à la base arrière de Khenchela. Le camp est entouré de barbelés et de murs ; le centre est formé d’une petite colline au sommet de laquelle il y a une tour de guet, construite en bois et en taules, équipée d’une puissante binoculaire. Il y a plusieurs baraquements pour loger le personnel, l’intendance, le matériel et les munitions, les latrines…etc… Un groupe électrogène est mis en route chaque soir, à la tombée de la nuit, pour quelques heures. Les baraques sont équipées d’ampoules. Il n’y a pas l’eau courante ; des “tonnes“ d’eau montées sur pneus sont apportées chaque jour.
En haut du poste, il y a 2 canons de 155 qui portent à 15 kms. Ils sont “servis“ par une section spécialisée. Ils tirent de temps en temps la nuit sur des objectifs susceptibles d’être des lieux de passage de l’ennemi. Il y a tout autour du poste, une sorte de chemin de ronde pour les sentinelles. Chaque nuit il y a 12 sentinelles relevées toutes les 2 heures ; certaines sont reliées au poste de garde central par téléphone. 2 brèches sont ouvertes dans ce dispositif appelées “portes“ : la porte sud et la porte nord. Une école primaire est installée dans le poste pour une trentaine de garçons. C’est un appelé du contingent qui leur fait la classe. À l’extérieur du camp a été tracée une piste d’atterrissage, du côté sud-ouest, pour permettre la venue des petits avions de l’ALAT (aviation légère de l’armée de terre), des pipers et des broussards.

LA POPULATION CIVILE DANS LA VALLÉE

Cette région est peuplée de Berbères : les CHAOUÏAS. Ils ne sont pas arabophones, ils parlent une langue berbère. La population civile a été regroupée en partie, bien avant notre arrivée. Le village de Bou Hamama a été abandonné et est devenu une ruine : les anciens habitants ont récupéré les matériaux pour reconstruire leurs nouveaux gourbis ! Ils sont “parqués“ au pied du poste dans trois grands terrains. On les appelle : le Douar Mélagou , le Douar Chélia et le Douar Ouldja La règle qui leur est imposée est la suivante . La NUIT : interdiction de sortir de ces Douars. Toute personne rencontrée de nuit dans la plaine ou la montagne est un ennemi. La vallée est située en altitude, entre 1150 et 1500m mètres. La forêt commence vers 1300m. Là encore toute personne rencontrée est un ennemi potentiel. Il nous est arrivé plusieurs fois de redescendre dans la vallée un enfant avec quelques moutons.
Un soir, à la popote des sous-officiers, un sergent-chef légionnaire vient boire une bière avec nous. Il nous raconte ce qui s’est passé l’hiver dernier : une bande de fellagas rançonnait et terrorisait les habitants du secteur. La 13ème DBLE leur fait la chasse. Le chef rebelle, dénommé Amrani, réagit avec violence contre la population qui vient alors se réfugier en masse autour du poste. Ainsi, on peut estimer que 800 familles, qui vivaient dans les forêts des environs, sont venues s’installer à Bou-Hamama en février 1958. En mai, le chef rebelle Amrani est tué au combat par la “13“. Notre bataillon (800 hommes) est divisé en 4 batteries de 150 hommes. Nous faisons partie de la 1ère batterie commandée par le capitaine Gros. (Officier de carrière).Toutes les batteries sont constituées de 4 sections de combat plus une section de service. Nous allons “résider“ dans la partie basse du poste. La 3ème batterie est installée dans la partie haute. Les 2 autres batteries occupent 2 petits postes satellites : la 4ème à AÏN GUIGUEL et la 2ème à AÏN MIMOUN dans une vallée à l’est de la nôtre, protégeant la seconde piste qui nous relie à Khenchela. Le reste de l’effectif du bataillon se répartit entre la base arrière et les services du poste (intendance, cuisines, infirmerie et maniement des canons de 155 mm).
Après quelques jours, la légion déménage vers Alger en nous laissant les bâtiments et une trentaine de gars pour sortir avec nous. Ils nous ont fait cadeau d’un chien, genre berger allemand. Un gars de la batterie se dévoue et devient “ maître-chien“. Cet animal est dressé pour trouver le fellaga dans sa cachette mais n’aboie jamais quand il voit un harki !
Notre Section, la 2ème, est installée dans un baraquement en tôle ondulée !!! Chaud l’été et froid l’hiver. Un morceau de ce bâtiment sert de popote pour les sous-officiers de notre batterie.
Yvon, Henri et moi habitons une petite baraque en pierre, semi-enterrée, de 3 mètres sur 4, recouverte de tôles ondulées. La promiscuité pourrait être pesante, mais nous nous entendons bien et partageons les vivres reçus de nos familles. Henri a apporté un tourne disque Teppaz piles/secteur et nous écoutons souvent un de ses rares disques des Platters : “Only you“ et “The Great Pretender“.La porte et la fenêtre sont protégées d’un bombardement ou de tirs par un mur extérieur en pierre. Nous sommes éloignés d’une vingtaine de mètres de nos gars. Nous dormons dans des lits à cadre métallique avec un matelas, des couvertures, une moustiquaire et des “sacs à viande“. Il n’y a pas l’eau courante. Nous faisons notre toilette en plein air devant la baraque. Les latrines sont à 100 mètres : C’est une cabane de 15 mètres sur 5 , dans laquelle a été creusée une fosse de 10 mètres sur 1, recouverte de planches genre traverses de chemin de fer. Pas de cabines individuelles, pas de séparations dans cette sorte de grange ! Chacun vient y faire ses besoins en présence des autres. C’est une sorte de “pot de chambre“ à 15 places.

ENTRAÎNEMENT

Notre bataillon du 1er RA (1er Régiment d’Artillerie) a été entraîné pour servir dans l’infanterie et non dans l’artillerie, pour pratiquer la contre guérilla plutôt que tirer au canon.
Nous sommes arrivés à Bou-Hamama pour remplacer un bataillon de la 13ème DBLE (demi brigade de Légion Étrangère) : une unité professionnelle, “unité d’élite“, constituée d’un nombre important de jeunes Allemands. À cette époque l’armée Allemande n’existe plus ! Cette unité a été décimée à Dien Bien Phu en 1954. Les survivants encadrent les jeunes. Pendant 3 mois vont rester avec nous une trentaine de légionnaires servant de guides et de formateurs.
Dès les premiers jours, nous sortons du poste. Deux buts : nous montrer et connaître les lieux en nous entraînant. Il y a un légionnaire par section. Notre section, la deuxième, est dirigée par le sous-lieutenant Georges Bagnières. C’est un appelé du contingent comme nous qui doit avoir 26 ou 27 ans. Il a fait des études supérieures et, pour avoir un sursis à son incorporation, il a suivi la préparation militaire supérieure. A la sortie, il a obtenu le grade de sous-lieutenant. Et le voilà en Algérie responsable d’une trentaine de gars ! Il a un sous-officier adjoint : notre copain Henri Caffin, maréchal des logis comme Yvon et moi. La section est divisée en 2 groupes de combat :
1er groupe : 18 éclaireurs-voltigeurs dont je suis le chef, secondé par 3 brigadiers. Nous sommes armés de PM (pistolets mitrailleurs MAT 49, calibre 9 mm),de fusils MAS 36 et de fusils lance-grenades MAS 51(calibre 7,50 mm). Chaque porteur de fusil possède une centaine de cartouches. (poids total : 7,3 kg. Ceux qui sont armés de PM emportent 8 chargeurs de 32 cartouches.(poids total : 9,1kg) Nous avons en plus quelques grenades offensives et des grenades fumigènes.
2ème groupe : l’appui avec 2 fusils mitrailleurs (FM 24/29 poids 9,6 kg, calibre 7,5mm). Chaque FM a son chef de pièce (un brigadier), son tireur et ses pourvoyeurs.
Ce groupe est commandé par mon copain Yvon Thomas. Nous sommes en confiance et c’est ce qui importe.
Les sorties se font au début “de jour“ et Bagnières nous fait appliquer la théorie du déplacement en zone hostile. En terrain dégagé, on applique la technique de l’avance en “tiroir“ : les éclaireurs se déploient, très espacés les uns des autres, pendant que les FM sont en position, prêts à tirer pour nous “couvrir“. Dans un deuxième temps, les éclaireurs restent en position, prêts à tirer pour protéger le groupe des FM qui les rejoignent. En terrain très accidenté et boisé, nous avançons en colonne par un, les voltigeurs en tête, prêts à se coucher à la moindre alerte et à dégager à droite et à gauche du sentier, pour mieux contourner l’adversaire et ne pas être touchés par un tir en enfilade. Yvon et moi sommes très au point à ce “jeu là“ ! Inutile de donner des ordres à haute voix, au moindre problème les gars réagissent à nos gestes. Au bout de quelques jours nous sortons “de nuit“ et marchons en colonne. La distance entre les hommes est fonction de la luminosité (lune). Dans la nuit noire nous touchons parfois le sac du gars qui nous précède. Les sorties se font à l’échelon de la batterie (150 gars) ou de 2 ou 4 batteries. Bien entendu nous participons aux opérations du secteur. (5 ou 6 fois en 3 mois)

LA CARTE D’ÉTAT MAJOR

Dans le secteur où nous étions, la carte était essentielle. Aucune route digne de ce nom, et comme point de repère une seule piste nord-sud qui traverse le camp et l’oued Mélagou à sec la plupart du temps. Nous étions équipés d’une carte aux 50 millièmes en couleur, très détaillée, éditée par l’IGN. Puisqu’il n’y a pas de route, seuls sont imprimés les courbes de niveau, les zones forestières et les oueds susceptibles de couler en hiver. Un quadrillage avait été imprimé en violet ; chaque carré faisait 1km de côté et était appelé d’une lettre et d’un chiffre (comme à la bataille navale). Bien entendu on employait l’alphabet international pour indiquer notre position : on disait Alfa, Bravo, Charlie…etc. Notre chef de section s’est tout de suite rendu compte que je savais lire une carte. Nous nous sommes entraînés à mémoriser notre itinéraire afin de ne pas avoir à consulter la carte de nuit. Il y avait quelques pistes tracées au bulldozer mais on se basait surtout sur les vallées et les crêtes représentées par les courbes de niveau. J’avais bien entendu une boussole.

LE COURRIER

À 21 ans nous sommes des hommes !mais pour le courrier nous sommes comme des enfants. Le bonheur de lire une lettre se voit sur le visage. Le courrier arrive toutes les 3 semaines environ, par la liaison routière. Entre temps, le ravitaillement se faisant par parachutage, les lettres arrivent aussi de cette façon. Il y a de temps en temps un avion ou un hélicoptère qui, venant pour une autre mission, apporte et emporte le courrier. Pour moi, je suis toujours très heureux de recevoir des nouvelles de mes parents, frères et sœur. Elles arrivent généralement par paquet et je les garde pour les relire les jours de spleen. Je reçois aussi des colis contenant des conserves pour améliorer l’ordinaire. Avec Yvon et Henri nous mettons tout en commun ; après quelques mois ça nous fait une belle épicerie.

LES AUTRES

Le service militaire a beaucoup d’inconvénients, mais il a au moins un avantage : nous faire rencontrer des gens différents.
Il y a dans notre section :
- Un séminariste ; bien que sursitaires, les séminaristes sont fortement encouragés par leurs supérieurs à se joindre au contingent pour rencontrer la “vraie vie“
- Un mineur de fond qui, bien qu’exempté de service militaire s’il acceptait de rester à la mine, a préféré faire son service ! 8 mois après son incorporation il crache encore du charbon (il prononce “karbon“)
- Un porteur de journaux qui sillonne Paris à bicyclette du matin au soir pour livrer les différentes éditions de France-Soir, Ce Soir, Paris-Presse, l’Intransigeant et le Monde.
- Un commis boucher
- Un maçon
- Un tenancier de bistrot à Aubervilliers.
- Un instituteur.
Je suis à cette époque catholique convaincu. Nous organisons, avec le séminariste, des petites réunions les jours de repos quand c’est possible. Nous sommes 4 ou 5 et discutons de notre vie actuelle en lisant un passage de l’Évangile.

LA CHALEUR

En juillet la température monte dans la journée à plus de 30°C. Elle atteint parfois 38° quand souffle le vent du sud ,le sirocco. Depuis le 1° juillet, quand nous sommes au repos dans le poste, la sieste est de rigueur. On nous distribue des cachets de sel qui évitent de nous déminéraliser.

1er JUILLET 1958

Depuis mon incorporation à Provins le 3 janvier 1957, j’ai fait 18 mois de service militaire. Normalement je devrais être rendu à la vie civile. Mais je suis “maintenu“ ; je deviens ADL (Au-delà de la Durée Légale). Pour combien de temps ? On ne sait pas ; les plus anciens sont actuellement libérés au bout de 30 mois ! Mais d’ici là, la guerre sera terminée… L’espoir aide à vivre ! La bonne nouvelle c’est que je vais être payé ! Pendant les 18 premiers mois j’ai touché 18 Francs par mois (2,74€). Maintenant ma solde mensuelle de sous-officier est de 291 F soit 44,36€ (les soldats ne perçoivent que 8,42€). Heureusement je travaillais à la Radio Diffusion Française et, en tant que fonctionnaire, je perçois une indemnité différentielle. Au total je touche le même salaire que si je travaillais ! C’était, à l’époque, ce que percevait un instituteur débutant. N’ayant pas de besoin et aucune occasion de le dépenser, cet argent est mis de côté et servira après ma libération.

JUILLET 1958 – MONTER AU DJEBEL CHÉLIA

Cette montagne, qui nous domine, fait partie de l’Atlas Saharien. Elle sera gravie par toute la batterie ; c’est le point culminant de l’Algérie avec 2328 mètres. Rassemblement à 1 heure du matin . Il faut imaginer 150 personnes regroupées en pleine nuit, sans lumière ! Le groupe électrogène est arrêté. Il y a une vague clarté qui vient du ciel, mais chacun trouve sa place pour ce rassemblement. La lune va apparaître bientôt et faciliter notre progression dans la forêt. Inspection du capitaine et départ. Nous sortons par la porte nord et bifurquons vers l’ouest pour traverser la vallée. La forêt commence et nous montons par un sentier muletier. Nous apprécions la fraîcheur de la nuit…mais nous serions mieux dans notre lit ! Après 2 heures de marche nous traversons un chemin forestier tracé par les Eaux et Forêts il y a une vingtaine d’années. Il suit à peu près toujours la même altitude à 1500 mètres. Pose toutes les heures ; nous montons toujours. Malgré nos vingt ans, la fatigue se fait sentir. Nous sortons de la forêt et marchons dans des éboulis ; pas très agréable.
Le ciel s’éclaircit, le jour va se lever. C’est magnifique. La pose est la bienvenue ; nous pouvons admirer l’apparition du soleil. Je suis heureux. Il reste quelques centaines de mètres à parcourir et nous pouvons voir l’autre versant. Quel panorama ! Nous sommes arrêtés sur une crête rocheuse à 2200 mètres d’altitude. Le véritable sommet du Chélia est à 2 ou 3 km vers le sud-ouest. Que des cailloux, une rare végétation rabougrie, mais à nos pieds une forêt de cèdres magnifiques que nous venons de traverser sans la voir. En bas la vallée de Bou-Hamama est encore dans l’ombre pour quelques minutes. Déjà on voit les fumées qui montent des Douars. Et, d’un seul coup, tout est ensoleillé. C’est un moment que l’on n’oublie pas ! Nous buvons et mangeons en admirant le paysage. Ici on ne risque pas de rencontrer des fellagas. Une bonne heure de repos nous fait du bien. Le soleil commence à sécher les corps et les vêtements. Nous repartons en direction du sud-ouest pour ne pas revenir par le même chemin. La descente est moins fatigante car il fait jour ; on voit où l’on met les pieds. Nous nous enfonçons dans la forêt et, en début d’après midi, après avoir fait de multiples poses, nous arrivons dans la vallée. Il y fait bien chaud ! Nous longeons le plus longtemps possible l’ombre de la lisière de la forêt. Les 3 derniers km sont les plus pénibles car nous devons traverser cette vallée désertique. Le sol clair nous renvoie la lumière et la chaleur du soleil. Il est 16 heures quand nous rentrons au camp bien fatigués !

JUILLET 1958 - Protection pour l’entretien d’une piste.

À l’est de la vallée de Bou Hamama, une autre vallée rejoint vers le nord Khenchela. C’est une piste possible si la route classique est coupée. Elle passe par nos deux postes satellites : AÏN-GUIGUEL et AÏN-MIMOUN. Henri Caffin ne nous accompagne pas ; il s’est fait affecter au bureau de la batterie, il devient secrétaire/ comptable.Il va s’engager et devenir militaire de carrière. Nous voici en protection du chantier pendant plusieurs semaines. Nous campons sommairement sur une des hauteurs. Chaque jour nous organisons une patrouille pour mieux connaître les environs. Rien à faire de nos journées ; organiser la garde pour la nuit ; attendre le ravitaillement. Chacun s’est confectionné un petit coin tranquille. Yvon et moi avons rassemblé quelques grosses pierres pour être à l’abri en cas de tir ou de grenades. Nous campons comme des débutants : les toiles de tentes fournies par l’armée sont triangulaires et faites pour être boutonnées ensemble ! Il vaut mieux ne pas craindre la pluie. Mais c’est l’été et nous craignons surtout le soleil. Pour la toilette nous nous organisons pour descendre par groupe au bord d’un oued ; une moitié se lave pendant que l’autre surveille les environs et vice versa. La garde de nuit est une nouveauté pour nous. Il n’est pas question qu’un rebelle nous surprenne sur notre piton. Aussi 3 ou 4 sentinelles sont postées de part et d’autre du campement ; elles sont relevées toutes les 2 heures. Nous avons installé un système de ficelles : quelques ficelles tendues à 30 cm du sol effleurant une boite de conserve posée en équilibre. Bruit garanti en cas de chute !
Une autre ficelle, que nous appelons sonnette, relie la sentinelle au gradé Chef de Poste qui l’attache à son poignet. Une nuit, où je suis de garde, la ficelle me tire plusieurs fois avec insistance. Je me rapproche de la sentinelle qui me dit, à voix basse, entendre des pas dans les feuilles mortes. La nuit n’est pas très noire mais on ne voit personne. J’allume ma lampe et nous découvrons une tortue en promenade ! Les travailleurs sur le chantier sont tous autochtones. Sur l’autre versant une troupe en armes fait partie du MNA (Mouvement Nationaliste Algérien fondé par Messali Hadj) ils sont alliés de la France et combattent le FLN ! Ils sont comme nous en protection du chantier. Une nuit grosse fusillade dans la vallée. Nous ne bougeons pas. Au matin on nous apprend que les troupes du MNA ont disparu.Le FLN est venu dans la nuit les “convaincre“ de rallier leur cause.

AOUT 1958 - DÉPART EN OPÉRATION

.15 heures, on nous rassemble. Départ dans une heure pour nous joindre à une opération du secteur. Préparez vos armes, vos sacs à dos, distribution de 3 rations par personne, plus une boule de pain. On distribue à chacun 4 foulards de couleurs différentes :jaune, vert, rouge, bleu. Ces foulards serviront à nous reconnaître : pour cette opération nous porterons, par exemple, le rouge à l’épaule gauche. Cette couleur est susceptible de changer en cours de journée ; il faut avoir les 3 autres dans la poche. Donc nous allons partir pour 3 jours !Il fait beau, nous préparons nos affaires. Que mettre dans le sac ? Certains rajoutent une boîte de cartouches, d’autres quelques boîtes de pâté…16 heures, la batterie au complet est alignée. Le capitaine Gros nous inspecte. Nous montons dans les camions ; destination inconnue. Je vois que nous allons vers le sud. La piste est carrossable mais nous sommes bien secoués. La nuit tombe quand nous descendons des véhicules. Je me rends compte que nous avons été escortés par les EBR de la Légion (Engins Blindés de Reconnaissances fabriqués par Panhard). Nous sommes dans le massif forestier des Beni Melloul, repaire de plusieurs katibas rebelles. Nous montons par un sentier muletier. Nous avançons en colonne par un, sans savoir qui est devant. Quelquefois la colonne s’arrête. On repart. Au milieu de la nuit nous sommes arrivés. Nous sommes chargés de boucher le passage sur une crête rocheuse. Nous sommes à 1900 mètres d’altitude. Il fait froid. Après avoir marché plusieurs heures dans la montagne avec notre sac et nos armes (25 kg en moyenne) nous sommes en sueur… et nous avons froid. Répartition des hommes ; notre section surveille un secteur de 3 à 400 mètres. Nous plaçons les 2 fusils mitrailleurs. On organise les tours de garde. Bien entendu aucune lampe n’est allumée. Chacun ouvre son sac pour casser la croûte et boire. Ceux qui ne sont pas de veille s’endorment sur place en essayant de se caser entre deux rochers. Enfin le jour se lève ; c’est un vrai bonheur que de voir arriver les premières lueurs. Le jour va dissiper les peurs de la nuit et apporter un peu de chaleur, même si nous savons qu’à midi nous aurons trop chaud. Notre chef de section nous explique la situation : une katiba (120 hommes) est théoriquement dans le trou devant nous ; elle est encerclée, les paras et la légion vont fouiller ce trou dans la journée : ils vont ratisser. Nous devons ouvrir l’œil et empêcher les rebelles de franchir notre dispositif en tirant sur qui se présentera !
La journée va passer sans une seule alerte ; on entend au loin des coups de feu, des rafales… Au-dessus un avion d’observation nous survole souvent : un piper. Des avions T6 bombardent certaines positions. Le soir venant nous espérons tous quitter cette position inconfortable et redescendre dans la vallée. Mais non ; on reste sur place. Au milieu de la nuit on se prépare à changer de position : “ le dispositif se resserre“. En fait c’est à l’aube que nous avançons sur cette crête en montant encore davantage. Toujours les avions, toujours les coups de feu au loin. Rien dans notre secteur. Les guetteurs relâchent leur attention. Il faut les surveiller et les remobiliser. C’est le rôle des gradés. Il fait chaud, on commence à avoir soif. Les bidons individuels sont vides. Devant nous l’ennemi, mais derrière nous, il doit bien y avoir un oued en redescendant. On envoie 4 ou 5 gars avec un brigadier en repérage. Une heure après ils reviennent. Leurs bidons sont pleins. Quel bonheur ! on envoie donc une corvée d’eau, guidée par l’un des 5, remplir les bidons de la section. Pour rendre l’eau potable, nous ajoutons une pastille désinfectante. Nous sommes parés pour la nuit suivante. Ainsi, dans le djebel, la vie militaire est faite d’incertitudes et de petits bonheurs. À la fin du troisième jour, nous n’avons vu aucun fellaga et on nous donne l’ordre de redescendre. Il paraît que l’opération a été un succès. Comprenez : au moins une centaine de morts côté fellaga ! Pour nous qui avons transpiré le jour et grelotté la nuit, nous avons hâte d’enlever nos chaussures ! Après quelques heures de marche, nous retrouvons les camions et arrivons au petit matin au poste de Bou Hamama. C’est la fin de la quatrième nuit.
Les trois premiers mois, nous avons fait connaissance avec la région, la vallée, la forêt, la montagne (nous sommes montés au sommet du Djebel Chélia) Nous avons appris à marcher 30 km de nuit en silence, sac au dos contenant le nécessaire pour plusieurs jours.Mais où sont les fellagas ? Nos ennemis sont invisibles. Nous n’en avons pas encore rencontré. Beaucoup d’entre nous espèrent et s’impatientent !

FIN AOÛT 1958 ce jour arrive !

Nous montons sur les flancs du Djebel Chélia par un sentier muletier qui nous est bien familier ; comme souvent, notre section est devant et mon groupe est en tête. Il fait jour, il fait beau et l’ombre des grands arbres est bien agréable. Je suis le 4ème de la colonne ; devant moi 2 éclaireurs et un brigadier ; derrière moi le reste du groupe, puis le sous-lieutenant et son radio, Yvon et ses FM. Suivent à quelques centaines de mètres les 3 autres sections de notre batterie avec le capitaine Gros. Tout à coup l’homme de tête se couche et les suivants aussi ;il fait signe qu’il y a du monde au dessus sur le chemin qui croise le nôtre. Par gestes j’ordonne à ceux qui me suivent de se déplacer vers la gauche et vers la droite pour éviter d’être tirés par la même rafale. Yvon fait de même avec son groupe. Et pendant ce temps le sous-lieutenant, écroulé derrière un gros rocher, ne donne pas d’ordre et n’arrive pas à rendre compte par radio ! Enfin il prend le combiné et articule : « y a des fellouses… y a des fellouses… »Yvon s’est approché et prenant l’initiative, rend compte au capitaine et au commandant de la base :« Ici Préférence Blanc 2 ; sommes arrêtés en présence d’un élément rebelle qui n’a pas engagé le combat. Notre position est RX 62 Echo 3… »
Mon groupe reprend lentement la progression vers le haut. Nous arrivons à plat ventre au bord d’un chemin forestier… il n’y a plus personne. Nous fouillons avec beaucoup de précautions les alentours ; on voit bien les traces de pas et des sabots des mulets. Nous avons dérangé une petite caravane de ravitaillement ; ils ont déguerpi sans combattre et ils avaient bien raison ! S’ils avaient osé lancer 2 ou 3 grenades nous aurions eu des pertes. Le moment de surprise passé, ayant posté quelques éclaireurs aux alentours, le capitaine nous donne l’ordre de redescendre.
De retour au poste de Bou-Hamama, les gars discutent dans la chambrée : il n’est plus question d’être commandé par ce sous-lieutenant. Yvon et moi sommes convoqués chez le capitaine Gros. Il recueille notre témoignage, nous lui faisons part du sentiment des gars de la section. Un peu plus tard le commandant nous informe de sa décision :
Le sous-lieutenant Georges B. est relevé de son commandement et sera rapatrié en base arrière dès que possible. Je suis nommé chef de la 2ème section par interim, en attendant l’arrivée d’un autre officier. En opération je serai toujours sous la responsabilité directe du capitaine. J’accepte cette charge et vais l’expliquer à “mes gars“. Yvon reste avec moi, il est d’accord.Le lendemain matin un broussard (avion de reconnaissance) se pose et emporte le sous-lieutenant B. qui n’est même pas venu nous dire adieu ! Pourtant il nous avait bien appris et je reste persuadé que c’est grâce à lui que cette section s’est bien comportée ce jour-là et par la suite.
Je repense souvent à cet incident maintenant que je suis vieux. Quand je vois nos militaires actuels, spécialement les officiers, souvent couverts de décorations et qui n’ont jamais été au combat, je me demande comment ils se seraient comportés au feu !

L’INTÉRIM

C’est une période de plusieurs semaines pendant lesquelles je fais office de chef de section, sans en avoir la responsabilité, en opération. Je m’occupe de tout ce qui est du service au poste : organisation des journées, aide à ceux qui le demandent, vérification de l’armement et de la dotation en munitions et grenades ; ambiance entre les gars, cohésion du groupe.
Bien entendu, les brigadiers-chefs et brigadiers me sont d’un grand secours et je crois qu’ils m’apprécient ! Au poste ce n’est pas l’ambiance “caserne“. Chaque gars sait ce qu’il a à faire : laver son linge, nettoyer son arme, vérifier son sac avant le départ. Inutile de faire des inspections ; les gars s’entraident et se surveillent mutuellement. Il est hors de question qu’une arme soit mal entretenue, ça pourrait nuire au reste de la section ! Je n’ai jamais eu de problème à ce sujet là. Les armes restent à la portée de chacun, généralement accrochées à la tête du lit. Après chaque sortie, on vérifie que l’arme est bien désapprovisionnée (sans cartouche). Pendant cette période les sorties continuent de jour comme de nuit ; notre 2ème section est maintenant au centre de la colonne, à proximité du capitaine. La batterie participe aux opérations du secteur aux côtés des autres unités. Nous sommes généralement “employés“ au bouclage et rarement au ratissage. Le bouclage consiste à entourer un secteur supposé être occupé par un groupe de fellagas. Ainsi nous nous installons sur une crête, rarement dans un vallon, et nous faisons une sorte de barrière en disposant des gars tout le long du secteur qui nous est attribué. Si le secteur est très touffu, nous sommes très rapprochés les uns des autres ; si c’est très dégagé, la visibilité est bonne et nous pouvons nous espacer. Le ratissage est généralement effectué par la légion ou les parachutistes. Ces troupes fouillent le terrain le mieux possible en avançant vers les gens du bouclage. Le fellaga qui est pris dans la nasse essaye de se cacher (trou, grotte, arbre…) ou de sortir sans être repéré (ce qui est rare). Si le renseignement a été bon et que le dispositif a été mis en place rapidement et en silence (toujours à l’aube), une katiba rebelle, forte généralement de 120 hommes, est encerclée et le soir il y a une centaine de fellagas tués ! Aucune perte chez nous.

RÉFÉRENDUM DU 28 SEPTEMBRE 1958

Nous allons participer et protéger le référendum du 28 septembre 1958. Il faut ratifier le projet de Constitution de la Vème République. Plusieurs bureaux de vote sont installés aux environs du poste entre les Douars. Les hommes et les femmes votent séparément. 2 bulletins, le OUI est écrit sur fond blanc, le NON sur fond mauve. C’est la première fois que les femmes votent en Algérie. Tout se passe bien, dans une atmosphère bon enfant. Bien entendu la grande majorité de la population ne sait pas lire le français et des Moghaznis (militaires supplétifs employés par l’administration française) les aident « à bien» voter. Pour le Général de Gaulle, dire OUI signifie «se comporter comme un Français à part entière »
Il parait que 96% des Algériens (européens et musulmans) ont dit OUI. Au plan national, la nouvelle Constitution est adoptée avec une large majorité : 65%. Nous aurons encore à protéger les Élections Législatives le 23 novembre 1958. Ce sera l’occasion de visiter une autre vallée : nous irons à Babar, petite ville située à 40 km au sud de Khenchela.

NOUVEAU CHEF DE LA 2° SECTION

Courant octobre, le capitaine Gros nous présente notre nouveau chef de section : c’est un sous-officier d’active : le MDL-chef Letellier ; il a fait un séjour en Indochine. Il doit avoir 35 ans, est sportif et souriant. Dès le début nous allons être en confiance. On sent qu’il vient d’une unité combattante. Yvon et moi sommes heureux d’avoir enfin un chef qui va nous permettre d’être autonomes par rapport au capitaine. Bien sûr on se tutoie ; il étudie avec nous la carte et apprend très vite les sentiers du secteur et notre façon de crapahuter.
En quelques semaines, notre section est à nouveau opérationnelle et, quand la batterie sort, nous sommes souvent en tête ou en queue de la colonne. À la même époque, le capitaine me propose d’aller à l’école des officiers de réserve de Cherchell, soit 5 à 6 mois d’étude. Comme je suis très optimiste à ce moment-là, je pense qu’avec “De Gaulle“ au pouvoir, je serai libéré d’ici là ! N’ayant jamais aimé l’école, je ne me voyais pas reprendre les cours théoriques avec interrogations écrites chaque samedi ! Après une nuit de réflexion, je refuse…

MARCHER EN COLONNE DE NUIT

La batterie se rassemble généralement vers minuit. Avant de sortir du poste chaque homme doit vérifier son arme et ses munitions ; vérifier aussi son sac, le secouer pour s’assurer que rien ne fasse du bruit ; et bien entendu aller aux toilettes. Certains hommes ont tendance à avoir la diarrhée ! Pendant la marche de nuit, si un gars a une envie pressante, il doit se faire accompagner par un autre et baisser culotte à 2 mètres de la colonne pour ensuite accélérer et rattraper sa place.
En général nous suivons des sentiers muletiers. La distance entre hommes est fonction de la densité des bois et de la clarté de la nuit. Il nous est arrivé souvent, dans certains passages, de tenir une lanière du sac de celui qui est devant. Bien entendu la consigne est de s’arrêter si “ça suit pas derrière“.

RETOUR D’OPÉRATION

Après quelques jours en opération, nous rentrons de nuit. Notre section est en tête de la colonne. Il y a un clair de lune magnifique. Nous suivons une piste relativement plate, tracée au bulldozer dans la forêt. En tête un harki nous sert de guide. Nous marchons sur le côté gauche, le long de la lisière, de façon à être à l’ombre. On nous a indiqué qu’un détachement de camions, escorté par quelques EBR Panhard de la légion, nous attend à quelques km. Les gars sont bien espacés, on voit très bien devant et derrière. Routine de la marche de nuit en colonne. Tout à coup les premiers se couchent ! A la suite nous en faisons autant. Quelques gars rampent sur la gauche, au cas ou ! Pas un coup de feu n’est tiré. Au bout de 2 ou 3 minutes, j’envoie un brigadier au renseignement. Les éclaireurs de tête sont tombés nez à nez sur quelques hommes qu’ils ont cru être des nôtres, détachés des camions. En fait, les premières paroles engagées, les hommes en question se sont sauvés ! C’était un petit groupe de fellagas qui marchaient sur la même piste que nous, mais dans l’autre sens ! Un quart d’heure après, nous reprenons notre route. Il restait encore 3 ou 4 km à faire pour rejoindre les camions et aucun détachement n’était venu à notre rencontre.

LA PAIX DES BRAVES – OCTOBRE 1958

Le 23 octobre 1958 le Général De Gaulle, alors Président du Conseil des Ministres, propose aux fellagas la “Paix des Braves“ « Vos leaders vous ont trompés. Ralliez l’Armée Française avec votre arme… » Dans les jours qui suivent, l’aviation largue sur les zones rebelles des milliers de tracts qui ont la forme d’un sauf-conduit, écrits en français d’un côté et en arabe de l’autre. J’en ai ramassé quelques-uns et conservé six. En même temps les barrages frontaliers ferment le ravitaillement en armes, en munitions et en hommes pour les fellagas. La Tunisie est à moins de 100 km de Bou-Hamama et nous allons très vite ressentir les effets de cette fermeture. La propagande gouvernementale fonctionne : certains fellagas vont se rallier…et devenir, après quelques semaines d’observation, des harkis. Ils se présentent au camp et expliquent leurs motivations : ils étaient obligés de s’enrôler dans l’ALN sinon ils auraient la gorge tranchée ! Ils nous racontent souvent nous avoir vu passer les semaines précédentes. D’autres jeunes Algériens venaient spontanément pour devenir harkis. Il m’était évident que les chefs de la wilaya étaient des dictateurs et que les djounouds avaient été contraints. Il y a déjà une harka à Bou-Hamama forte d’une vingtaine d’hommes, commandée par un MDL-Chef européen, le Chef Fertig. L’effectif va grossir rapidement pour atteindre en décembre 70 harkis dont une grosse moitié de fellagas ralliés.
Un soir de novembre, entre “chien et loup“, on frappe à la porte de la popote des sous- off de la 1ere batterie ; personne ne répond : on ne frappe jamais, on entre !
La porte s’ouvre et un inconnu, habillé en treillis, armé d’un fusil et de cartouchières, dit en levant les bras : « je suis fellaga, je viens me rallier ».
Stupéfaction dans la pièce. Aussitôt désarmé, il explique en bon Français qu’il a appelé devant la porte sud, qu’il n’a pas eu de réponse et, comme les chevaux de frises ne fermaient pas le passage, il est entré dans le poste et s’est adressé à la première maison éclairée ! Après enquête, on a découvert que la sentinelle était nouvellement arrivée de France, qu’elle était morte de peur, qu’elle avait bien entendu l’appel mais était restée sans bouger dans sa guérite en pierre !!! Moralité : il faut mettre aux postes stratégiques des hommes aguerris dont on est sûr. Le fellaga rallié était un officier de l’ALN qui a tout de suite donné des renseignements qui ont été “exploités“ les jours suivants.

NOVEMBRE SOUS LA PLUIE

Une fois de plus une grande opération est organisée. Il est question de décapiter l’état major de la Wilaya 1 (sud Constantinois). Plusieurs régiments sont mobilisés. Le capitaine prévoit que ça peut durer 4 à 5 jours. Dans le sac à dos j’entasse des vêtements chauds et les 3 rations individuelles distribuées.
Départ à l’aube en camion vers le sud. Nous allons encercler puis fouiller une grande partie du massif forestier des Beni-Melloul. Dès que nous débarquons, il commence à pleuvoir. Nous enfilons nos imperméables. Marche en colonne par un. Au bout de quelques minutes la pluie me coule dans le cou ! J’ai le bas du pantalon trempé. On marche quand même en espérant un rayon de soleil. Vers le soir, nous prenons position sur une crête. Il pleut toujours. Il faut tenir cette ligne toute la nuit. Chacun essaye de s’abriter et de se réchauffer.
Le lendemain matin, la pluie s’est arrêtée et nous allons ratisser cette montagne toute la journée en gardant le contact avec les autres à gauche et à droite. Marcher un peu nous réchauffe ; mais l’accalmie est de courte durée. La pluie reprend. Le 2ème soir nous nous arrêtons au pied d’une grande falaise. Au-dessus de nous, un autre régiment nous protège et le capitaine nous autorise à faire du feu ! Notre section va s’organiser pour que le feu dure toute la nuit en allant aux alentours trouver du bois. C’est une sorte de feu de camp comme chez les Scouts ! Debout devant le feu, on se sèche d’un côté, puis de l’autre et ainsi de suite… Certains se sont couchés sur la terre détrempée et reviennent au feu au bout d’une heure ou deux. Au milieu de la nuit les gars commencent à “dormir debout“, vacillent et tombent… ce qui les réveille. Il vaut mieux s’accroupir ou aller se coucher plus loin, on est mouillé mais c’est moins dangereux. Cette nuit est épuisante. Au matin on va reprendre notre progression ; le temps est toujours humide mais la pluie a cessé. Le ratissage continue. Une de nos sections découvre une cache sous la forme d’une sorte de grotte : machine à écrire, papiers, nourriture.
Une nouvelle nuit commence. Nous sommes arrêtés en ligne au milieu de la forêt. Après avoir placé les 2 FM, nous organisons les tours de garde et chacun essaie de s’arranger un coin pour dormir. Heureusement la nuit sera calme, les fellagas ne tentent pas de forcer notre barrage. Au matin on décroche. Il faut encore marcher toute la journée pour rejoindre enfin une piste où les camions nous attendent. Je ne sais pas si cette opération a été un succès : certes des fellagas ont été tués ou faits prisonniers, mais la Wilaya 1 n’a pas été décapitée. Nous rentrons encore trempés par la pluie et la sueur. Tristes journées de novembre. Nous ne sommes pas bien équipés pour sortir sous la pluie. Ça va un peu s’arranger, nous allons percevoir des grands ponchos imperméables avec capuche couvrant largement l’homme et le sac à dos. Pas pratique pour crapahuter mais qui nous protègent bien à l’arrêt.

BÛCHERONNAGE

C’est en automne que l’hiver se prépare ! Plusieurs sorties ont été organisées par le commandement pour nous approvisionner en bois de chauffage. La forêt la plus facile d’accès est à 3 km au nord-est du poste. On y trouve les fameux cèdres de l’Atlas, mais aussi d’autres résineux. Nous sortons le matin à pied pour sécuriser le parcours, suivis une demi-heure après par les camions escortés des scout-cars. Nous restons en général en protection à plusieurs centaines de mètres du chantier, pendant que des “spécialistes “ équipés de scies et de haches abattent des arbres. Les plus recherchés sont les arbres morts qui sont déjà secs et exploitables de suite. On prépare aussi des grumes qui seront transportées par la prochaine liaison routière. Un jour, le dispositif est changé et les camions sortent les premiers. Une rafale atteint un véhicule : un blessé ! Il paraît que le commandant est furieux… Il y a de quoi.

OUVERTURE DE ROUTE

Toutes les 4 semaines environ une liaison routière est assurée entre Khenchéla et notre poste de Bou-Hamama. Unconvoi de ravitaillement composé d’une cinquantaine de camions militaires emprunte la piste par laquelle nous sommes arrivés. Bien entendu cette route est fermée aux civils. Nous assurons la protection de ce convoi en faisant une ouverture de route. À l’aube une batterie sort à pied par la porte nord et avance en éventail de part et d’autre de la piste à 6 ou 800 mètres en général. Elle occupe des points jugés essentiels d’où l’on peut voir et tirer si besoin. Une douzaine de km nous sépare du col de Fedj, donc chaque batterie doit protéger environ 3 km de piste. Quand la batterie sortie la première, maîtrise son terrain, la seconde la dépasse et ainsi de suite jusqu’au col. Les derniers éléments ont souvent été avancés en camion. En général il faut 3 à 4 heures pour la mise en place de ce dispositif. Le long de la piste, sur des emplacements repérés, des véhicules armés de mitrailleuses de 30 et de 50 prennent position : scout-cars, dodge 4X4 et 6X6, half-tracks avec affût quadruple. Sur l’autre versant du col, coté Edgar Quinet, une autre unité a fait la même chose que nous, et vers 10 heures, le convoi apparaît, descend jusqu’à Bou-Hamama, décharge essence, munitions, ravitaillement, vêtements …etc… Arrivés vers midi, les camions repartent vers 15 heures. Dès que le dernier véhicule a passé le col de Fedj, les militaires redescendent en étant toujours éloignés de la piste. En somme, à part les 12 ou 15 km, c’est pour nous une journée pénarde au grand air ! Les fellagas connaissent le système, ils savent qu’ils ne risquent pas de rencontrer une patrouille en s’approchant des Douars, puisque toutes les unités combattantes sont occupées ! La rumeur dit que certains en profitent pour visiter leurs femmes !

DRAME À AÏN-GUIGUEL NOVEMBRE 1958

C’est un jour de liaison routière qu’il y a eu un drame à la 4ème batterie : Un cheval errant est signalé par une sentinelle aux environs du petit poste d’Aïn-Guiguel. Il reste dans le poste une vingtaine de militaires non combattants (transmissions, intendance, mécaniciens…) Sans aucun ordre de ses supérieurs, un adjudant-chef (militaire de carrière) organise une “expédition“ pour capturer ce cheval. Encouragé par une dizaine de gars ils sortent dans un dodge 6X6 bâché ; en tout 12 personnes avec leurs armes, mais sans aucune expérience de la guérilla ! L’adjudant-chef est assis à la droite du conducteur. A 1 km du poste le cheval est là. Un cuisinier s’en empare facilement, l’enfourche et repart vers le poste au trot. La piste est encaissée, elle oblige le conducteur du 6X6 à aller faire demi-tour 500 mètres plus loin. En revenant le dodge stoppe : le corps du cuisinier est en travers de la piste ; aussitôt les premières rafales touchent le camion. Seuls 3 rescapés peuvent riposter, l’adjudant-chef est blessé. 8 MORTS. Nous, de la 1ère batterie, qui assurions ce jour-là la “fermeture de la route“, sommes envoyés en urgence sur le secteur. Mais, trop tard, nous ne pouvons que protéger la dépanneuse qui tire un camion d’où le sang coule !
L’adjudant-chef, blessé à la jambe, n’est pas félicité par le commandant, mais évacué en hélicoptère. Il n’est jamais revenu, sa carrière a dû être je pense compromise.

DÉCEMBRE 1958

Nous continuons à participer à toutes les opérations du secteur, mais la période est moins favorable. Le froid arrive.Un matin nous découvrons que le sommet du Djebel Chélia est couvert de neige. C’est l’hiver à la montagne.Nous avons installé un poêle à bois dans notre chambre et Henri, qui ne sort plus, est chargé de l’alimenter en notre absence. Nous avions pris l’habitude de faire notre toilette dehors en profitant du soleil, maintenant nous nous lavons dans la “carrée“ en présence des deux autres. Nous avons trouvé une bassine pour y mettre les pieds et nous faisons tiédir notre eau sur le poêle dans un vieux casque. L’eau froide est toujours disponible dehors, à l’arrière d’une citerne à roulettes, renouvelée dès que vide.

FÊTES DE FIN D'ANNÉE

C’est un moment un peu difficile pour le moral. La batterie organise une sorte de réveillon de Noël, c’est à dire un repas amélioré. Ceux qui sont de service ce soir-là ne le seront pas le jour de l’an. Le jour de Noël est un jour de repos, mais dès le lendemain nous sortons, certainement pour nous montrer. Un rebelle tire vers nous, mais de trop loin pour toucher quelqu’un. Ça motive les gars qui se croyaient en sécurité ! Comme c’est mon anniversaire, 22 ans, j’offre une tournée générale à la popote des sous-officiers de la batterie.

3 JANVIER 1959 - DANS LA NEIGE

Le jour de l’an passé, une grande opération du secteur est lancée. Çà n’est certainement pas pour fêter la nouvelle année que nos supérieurs nous envoient à la neige ! Nous partons à l’aube en camions par la piste nord. Après une dizaine de kilomètres, on débarque. Nous devons monter pour atteindre la crête du Djebel Chélia par des sentiers muletiers ; d’abord dans la forêt, puis à 1800 mètres d’altitude, nous débouchons dans un champ de neige. La progression devient difficile car sous la neige il y a les éboulis : on peut se tordre une cheville. La neige est profonde et nous arrive à mi-cuisse. L’homme qui fait la trace est relevé toutes les 5 minutes. Aucune présence humaine, à cette altitude, les fellagas ne viennent pas en hiver. Certains tombent et resteront mouillés toute la journée !Nous atteignons la crête à 2200 mètres. Le bataillon est au complet. Maintenant il va falloir redescendre par l’autre versant en ratissant vers l’ouest. D’autres unités sont en bouclage dans la vallée et nous attendent.Toujours aucune trace de pas dans la neige. Nous descendons jusqu’à la lisière de la forêt. Endroit dangereux, notre chien nous montre qu’il n’y a personne. Dans le sous-bois, pas de neige. On entend quelques coups de feu sur notre droite.En fin de journée, nous arrivons sans accrochage dans la plaine où les camions nous attendent. Il paraît que cette opération a été un succès ! Nous avons froid avec nos pantalons mouillés. Nous sommes bien contents de retrouver la chaleur de nos chambres.

10 JANVIER 1959 - DJEBEL EL AOUD

Un jour de janvier nous sortons comme d’habitude, quand il n’y a pas d’opération importante, pour montrer notre présence.
La batterie est au complet (140 à 150 hommes) sous les ordres du capitaine. Sortis par la porte nord, nous marchons vers le nord-est. Il fait beau et pas froid. Après 3 km nous entrons dans la forêt et commençons à monter. Nous sommes en zone interdite ; chaque humain rencontré est un ennemi potentiel. La végétation est aérée, taillis sous futaie ; la vue est souvent dégagée. Nous marchons doucement, très espacés les uns des autres. Notre section est en tête. Nous sentons une odeur caractéristique : quelques fellagas sont passés à cet endroit quelques minutes plus tôt. (de même que nous étions qualifiés par les fells de “soldats parfumés“, les fellagas utilisaient un parfum d’une senteur très orientale. Moi qui ne fumais pas, je m’en suis rendu compte plusieurs fois.) Notre chef Letellier indique la direction : nous allons monter au sommet de ce djebel voir ce qui s’y passe.
Déplacement en formation de ratissage. Les hommes se répartissent à ma gauche et à ma droite comme d’habitude. Yvon est derrière nous avec les deux FM.
Le capitaine demande par radio d’arrêter cette progression qui lui semble inutile. Le chef répond : « sommes trop près de la crête, il serait dangereux de faire demi-tour avant d’avoir reconnu ce qui est derrière » Le capitaine donne son accord. Arrivés au sommet nous sommes arrêtés par une barrière rocheuse naturelle ; c’est une sorte de mur d’1 mètre 60 de haut. On regarde de l’autre côté ; seule notre tête dépasse. On voit des arbres, des bosquets, un terrain relativement plat, mais rien ne bouge : personne. Le tireur de FM, Hemstéter est venu à 3 mètres à ma droite envoyé par Yvon. Je fais signe à mes hommes à l’extrême gauche d’escalader ce mur. Cinq ou six prennent position dans les premiers taillis. A ma droite idem. Rien à signaler. Le chef me fait signe d’y aller voir, je monte à mon tour. Une fois debout, j’entends un bruit métallique caractéristique : l’armement d’une culasse de fusil qui semble provenir d’un gros buisson à une dizaine de mètres devant moi. Je tire tout de suite une rafale imité par Hemstéter . Quelque chose bouge dans les branchages. Aussitôt nous nous couchons ; attente de quelques secondes. Les gars à ma gauche avancent de quelques mètres prêts à tirer. Plus de bruit. On entend un gémissement qui vient du bosquet. Méfiance… Très prudemment nous nous avançons à 3 ou 4 pour découvrir 3 corps au sol. Ils sont habillés du treillis kaki/vert typique de l’uniforme des fellagas. Deux sont morts et le troisième est très grièvement blessé. Ils devaient être debout avant d’être touchés par nos armes. Le chef organise aussitôt la position en chargeant trois brigadiers de placer des sentinelles à une trentaine de mètres alentour. Il rend compte par radio au capitaine.
L’excitation du combat retombant et la position étant sécurisée, je me rends compte que j’ai eu beaucoup de chance. Les deux jeunes fellagas étaient armés de carabines Statti ; l’une d’elle n’a pas fonctionné puisque nous avons retrouvé au sol une cartouche percutée mais non explosée ; d’où le bruit de la culasse pour réarmer ! Donc ils étaient trois debout dans ce taillis, deux hommes jeunes (17/18 ans) et un sous-lieutenant. C’était un élément retardateur qui aurait dû décrocher dès notre arrivée. Pourquoi sont-ils restés groupés à attendre ?
Le sous-lieutenant fellaga, gravement blessé à l’abdomen, est fouillé. Dans son portefeuille une carte d’identité du FLN, nom, grade, quelques papiers genre laisser-passer et de l’argent. Une somme importante qui sera versée à la caisse des œuvres sociales du régiment.Dans les poches des deux djounouds : rien sauf une centaine de cartouches. Le capitaine nous demande de décrocher. Nous récupérons les 3 armes et les munitions. Le blessé n’est pas transportable, complètement éventré il est mourant et le chef met fin à son agonie.
On sait que les rebelles reviennent dès que possible enterrer les leurs. Avant de partir quelqu’un suggère de piéger les cadavres en disposant dessous une grenade dégoupillée ! Je m’y oppose formellement. Il faut respecter les morts.Le chef me soutient et explique en deux mots que nous essayons de faire une contre-guérilla “propre“. Nous voulons que nos ennemis respectent nos hommes prisonniers et nous restituent les corps des nôtres donc…Nous retrouvons les autres sections en redescendant. Sans rien nous dire, ils nous admirent un peu : nous avons poursuivi et tué des fellagas ! Et moi dans tout çà ? Je pense à ces deux gamins que j’ai tué (avec l’aide de mon voisin). Arrivés au poste nous sommes félicités par le commandant ravi de ce “succès“.Je vais découvrir à cette occasion, que chaque fellaga tué ou fait prisonnier au combat et chaque arme récupérée donne “droit“ à une VM (croix de la Valeur Militaire) Donc notre “affaire“ intéresse bien nos officiers. 6 VM à distribuer : une pour chaque tireur ( Hemsteter et moi), une pour notre chef Letellier et les 3 autres ? 1 pour le capi, 1 pour le commandant et la 6ème pour qui ? je ne l’ai jamais su. C’est sans doute pour cela que ma citation ne mentionne pas les 3 morts mais seulement l’officier blessé et prisonnier !
Après cette journée éprouvante, je discute avec Letellier, Yvon et quelques gars de la section. Le sous-lieutenant fellaga a commis 2 erreurs qui leur ont été fatales : si leur but était de nous retarder, il ne fallait pas être debout dans ce taillis et surtout ne pas rester groupés. Une seule rafale a suffi pour tuer 3 hommes ! La tension retombe maintenant vraiment et je me retrouve seul avec mes pensées. J’aurai du mal à dormir pendant plusieurs jours à l’idée d’avoir tué 2 jeunes gens ; mais en même temps j’essaye de me rassurer : Ils voulaient me tuer, la première cartouche n’a pas fonctionné, n’attendons pas la deuxième ! Plus de cinquante ans après j’y pense encore.
Le lendemain nous retournons sur le djebel El Aoud en empruntant un autre itinéraire ; question de principe. Ils savent que nous allons sûrement revenir.
Le but est de fouiller un peu les environs au cas où “ils“ auraient perdu quelque chose dans leur fuite : munitions, papiers, équipements…
Arrivés sur le lieu en milieu de journée nous avons la surprise de constater qu’ils ont enterré leurs morts. Trois tombes fraîches orientées est-ouest. La fouille des environs ne donne rien et nous redescendons.

FÉVRIER 1959 CRÉATION DU COMMANDO DE CHASSE V33

En décembre 1958, le général Maurice Challe a été nommé commandant en chef en Algérie. Il va mettre au point une stratégie appelée le “Plan Challe“ qui consiste à mettre en insécurité les fellagas dans leurs zones d’influence. Vaste programme !
Il crée les commandos de chasse qui vont nomadiser dans les zones interdites pour repérer et faire anéantir les katibas rebelles. Début février 1959, le capitaine Gros convoque les sous-officiers de la 1ère batterie. Il nous déclare que notre unité a été choisie pour devenir “ commando de chasse “. Il en est très fier et nous explique ce que c’est :
Une compagnie (130 à 140 gars) est sensée nomadiser dans le secteur : marcher la nuit et observer le jour (choufer). Il y aura une section de harkis avec nous (fellagas ralliés). La nomadisation doit durer plusieurs jours (5 ou 6), donc sac à dos avec sac de couchage, nourriture, munitions…Le but étant de repérer des katibas rebelles (unités de 120 hommes) sans intervenir. Si un renseignement semble sûr, le transmettre à Constantine à l’aide d’un poste spécial en ondes courtes. Si une opération est possible le lendemain matin (effectifs disponibles) nous restons sur place. Sinon retour direct au poste de Bou-Hamama. Le tout se fera à pied, en moyenne 30 km par nuit. Le commando nomadisera surtout dans la zone interdite située au sud du poste : la grande forêt des Béni-Méloul. C’est un secteur carré de 50 km de côté, fréquenté par une douzaine de katibas. Donc nous aurons un gros avantage (sic) tous les gens rencontrés seront des ennemis !
Le capitaine termine son exposé en disant que les gens doivent donner leur accord pour rester dans cette unité, sinon ils seront mutés et remplacés. Yvon Thomas et moi sommes un peu perplexes ! Nous posons des questions … et décidons de donner notre accord.
Pourquoi ce choix ? J’ai été flatté que nous soyons choisis ; nous allons être une unité spéciale, des soldats à part ! Avec mes 15 gars, nous formons un groupe de copains ; nous avons vécu des moments difficiles et des moments de joie ; je n’imagine pas les quitter au moment où nous sommes distingués. Bien qu’étant “appelés “, nous sommes devenus, sans nous en rendre compte, des “professionnels“ du déplacement en zone d’insécurité.
Changement d’indicatif radio : nous étions Préférence BLANC. Nous devenons Préférence ORANGE. Quelques jours après, nous percevons de nouveaux équipements : une veste de treillis camouflée, un sac de couchage muni d’une housse imperméable pour dormir sous la pluie et une djellaba brune. Cette djellaba va nous protéger du froid mais ce sera aussi un risque de confusion. Au cours d’une opération, alors que nous nous déplacions dans le brouillard, les nôtres nous ont tiré dessus, nous prenant pour des fellagas ! Aussitôt nous nous sommes couchés et il a bien fallu un quart d’heure d’échanges radio pour “dissiper“ ce malentendu. Fort heureusement, nous étions trop loin les uns des autres et il n’y a pas eu de victime. Il y a bien entendu, un changement dans le personnel de la batterie, certains partent, d’autres arrivent. Parmi eux le MDL Pierre Portefaix que je dois mettre au courant, et qui me remplacera dans quelques mois dans la 2ème section.

CHOUF DANS LES BÉNI-MELLOUL – FÉVRIER 1959

Quelques jours après la distribution des nouveaux équipements, les non-volontaires étant partis, l’effectif du commando est complété par de nouveaux éléments et une section de harkis ; nous avons en plus des ralliés de fraîche date qui, désarmés, sont mis à l’épreuve et nous serviront de porteurs.
Nous partons pour notre premier chouf. Notre mission est d’obtenir des renseignements sur l’emplacement des katibas rebelles qui hivernent dans le massif forestier des Béni-Melloul. Il y aurait une douzaine de katibas dans cette zone à peu près carrée qui commence à 10 km au sud du poste. Nous devons éviter l’accrochage à tout prix et devrons rentrer au poste dès que nous penserons avoir été repérés.
Rassemblement vers 11 heures du soir. Revue du capitaine. Départ. Le commando sort par la porte nord, comme toujours, nous contournons le poste par l’est et prenons la direction du sud. La harka est en tête, ils connaissent le chemin. Nous marchons en colonne par un, la nuit est bien noire. Toutes les heures une pose. On s’assied en silence. On repart. Nous montons par des sentiers muletiers. Au bout de 5 à 6 heures nous nous arrêtons sur les pentes d’un piton, à 1800 mètres d’altitude. Nous allons y passer notre première journée.
Notre dispositif est circulaire, un peu en dessous du sommet de ce piton, recouvert de taillis de chênes verts. Le jour se lève. Chaque section organise sa garde et la position des guetteurs (les choufs). Nous sommes donc 130 à passer la journée au milieu de cette zone interdite, à 30 km de notre poste. Il faut observer les alentours, spécialement les sentiers qui sont dans les vallées. J’ai une paire de jumelles, comme tous les officiers et sous-officiers, que je prête au guetteur. Les harkis sont plus forts que nous pour observer et le MDL-chef qui les commande les a placés aux endroits les meilleurs.
La journée passe. Nous dormons à tour de rôle. Le soir venu on se prépare pour aller ailleurs. Cette fois c’est la première section qui est en tête, guidée par un harki. Nous marchons plusieurs heures et nous nous arrêtons encore sur les flancs d’un piton rocheux. Même scénario que la veille. Comme d’habitude, après avoir marché dans la montagne pendant 5 ou 6 heures, en portant 30 kilos, je suis en sueur et j’ai froid.
Le 3ème ou le 4ème jour on repère 2 gars qui marchent en contrebas le long d’un oued.
La méthode prévue est appliquée : 2 harkis descendent les rencontrer et racontent une histoire du genre « on a été accrochés la semaine dernière et depuis on cherche notre unité… . Ils essayent de connaître l’emplacement d’une katiba ennemie. Naturellement ces deux harkis sont revêtus de leur ancien uniforme et portent une arme et des cartouchières plausibles.
On devine que la discussion est pleine de méfiance des deux côtés ! Deux ou trois heures plus tard, après avoir fait un grand détour, les deux harkis nous rejoignent sans avoir obtenu un renseignement exploitable. Le capitaine donne l’ordre de rentrer au poste. Nous étions en silence radio depuis notre départ et maintenant nous transmettons un court message, à l’aide de notre poste en ondes courtes, pour annoncer notre position et notre trajet de retour. Nos postes habituels (des SCR 300) fonctionnent en FM et ne portent pas à plus de 30 km. Il paraît surtout que les fellagas peuvent nous écouter facilement. Nous marchons toute la nuit plein nord et, au matin, nous nous arrêtons au bord d’une des rares pistes qui bordent cette forêt. Au grand plaisir de tous, les camions vont venir nous chercher escortés par les scout-cars du poste et un petit détachement de la 3ème batterie. Nous sommes fatigués et bien contents de rentrer.
Yvon m’apprend qu’il va se marier. L’autorisation du commandant est arrivée. Il sait qu’avec les délais de route et l’espoir que notre classe soit libérée début mai, il ne reviendra pas. Il a raison d’en profiter, mais je perds mon ami ! Il partira avec la prochaine liaison routière.
Quelques jours plus tard, le capitaine réuni les “cadres“ du commando pour faire le point et écouter les suggestions des uns et des autres. Les services de renseignements et les photos aériennes nous indiquent certains emplacements à vérifier. Ils nous donnent aussi des fiches contenant les noms des principaux officiers de chaque katiba, très utiles pour nos deux harkis chargés de contacter les fellagas.
Après avoir passé une demi-journée à nous entraîner au tir aux environs du poste,(Tarzout) nous repartons comme la fois précédente.

Marche de nuit. Chouf le jour.

Au bout d’un moment la tactique paye : nous obtenons un renseignement ; une Katiba est installée dans une vallée proche de notre bivouac. S’il y a des troupes libres dans la zone Sud-Constantinois, nous allons essayer de déclencher une opération. Nous transmettons par radio (ondes courtes) la position exacte des fellagas. Ils occupent une zone triangulaire. Le sommet de ce triangle est un piton à 1650 mètres d’altitude et la base est une vallée parcourue par un oued, certainement à sec, doublé par une ancienne piste possible pour les engins blindés.
Pendant la nuit nous nous déplaçons, le plus silencieusement possible, vers ce piton en question, de façon à baliser une DZ (dropping zone). Nous y sommes avant l’aube.
Nous sommes équipés de petits carrés de toile blanche de 40 x 40 cm qui, fixés au sol, indiquent aux pilotes l’endroit favorable. Le petit jour commence à poindre quand nous entendons les hélicoptères. Quelqu’un déclenche une grenade fumigène pour indiquer la direction du vent. Les Bananes et les Sikorski larguent les paras et la légion à un mètre au-dessus des cailloux. Rotations successives. Pendant ce temps la base du triangle est fermée par les EBR Panhard du 1erREC accompagnés de camions d’infanterie. En moins d’une demi-heure le secteur est encerclé. Le ratissage peut commencer. Un piper survole la zone.
Pendant cette journée nous restons en bouclage sur notre piton, sans tirer un seul coup de feu. En dessous de nous, on entend des rafales et des explosions de grenades.
Un peu avant la fin du jour, nous décrochons et retrouvons dans la vallée, les camions. D’après nos officiers, l’opération a été un succès : la katiba a été anéantie et nous avons récupéré une centaine d’armes, des munitions, des papiers à entête du FLN, une machine à écrire et détruit plusieurs caches de nourriture, petits silos à grain.
Pendant plusieurs semaines, le commando sort pour des nomadisations de 5 ou 6 jours. Avec les renseignements qui sont de plus en plus précis, nous arrivons à localiser les katibas qui, encerclées, sont anéanties dans la journée.
Il nous arrive de nous joindre à une opération du secteur. Dans ce cas nous sommes transportés en camions ou en hélicoptères.
C’est à l’occasion d’une de ces sorties que nous avons été confrontés à l’arrivée d’une douzaine de fellagas décidés coûte que coûte à forcer notre barrage. Il fait encore nuit, une sentinelle entend des bruits de branches cassées et donne l’alerte. Tout le monde tire à l’aveuglette, feu à volonté. Certains fellagas viennent mourir à 2 ou 3 mètres de notre ligne. Nous avons envoyé quelques fusées éclairantes. Les bruits cessent et on attend. Chacun recharge son arme. L’aube arrive ; on attend encore. Le capitaine fait organiser une patrouille pour vérifier si les corps qui sont devant nous sont bien morts. Tâche délicate qui se fait avec prudence. Ils constatent la mort de dix fellagas. Tant que le ratissage n’est pas terminé, nous restons sur notre position. L’ordre de fin d’opération étant arrivé, la patrouille retourne pour fouiller les cadavres, récupérer les papiers, les armes et les munitions.
Une autre fois nous avons été les témoins de la fraternité qui existe entre légionnaires. « On n’abandonne jamais un camarade » Une nuit, nous sommes en bouclage à la lisière de la forêt : devant nous une sorte de clairière. Une section de la légion, arrivée avant nous, a essuyé le feu des fellagas bien retranchés en face. Un des leurs est tombé. Il faut aller le récupérer, le sauver…Les légionnaires vont passer la nuit à tenter de s’en approcher. Les fellagas tirent de temps à autre dévoilant ainsi leur emplacement exact. Aussitôt la légion envoie plusieurs rafales et quelques grenades à fusil. Silence. Un légionnaire avance en rampant vers le blessé. Les tirs des fells reprennent d’un autre endroit. Est-ce le même tireur qui s’est déplacé ? Le combat va durer toute la nuit, avec des grandes poses. À l’aube on se rendra compte que trois légionnaires ont été blessés en tentant de secourir leur camarade, blessures légères heureusement. Les fellagas décrocheront avec le jour, laissant les valides secourir enfin leur camarade grièvement blessé.
Un sergent nous explique : « la légion est une Famille »

20 MARS 1959 – REMISE DE DÉCORATIONS

Ce matin-là, toute la batterie est rassemblée, bien alignée, au garde à vous. Nous sommes passés en revue par un colonel. Après un petit discours vantant notre combativité, il remet la Croix de la Valeur Militaire (la VM) à plusieurs soldats du bataillon. J’en reçois une avec étoile de bronze, assortie d’une citation à l’ordre du régiment. Je suis très heureux de cette distinction.
Au déjeuner qui a suivi, nous avons tous discuté de la valeur de ces citations et du choix qui était fait pour distinguer l’un plutôt que l’autre.

23 MARS 1959 – EMBUSCADE DE NUIT – 4 MORTS

Le commando sort de nuit par la porte nord, comme d’habitude. La composition est de 3 sections d’européens et une section de harkis, plus la demi-section de commandement ; en tout 130 à 140 hommes. Après quelques heures de marche nous nous installons, à une vingtaine de km au nord-ouest du poste, sur les flancs du djebel Chélia.
Un renseignement nous a indiqué qu’un groupe important doit passer par là. Le jour se lève et nous sommes à flanc de montagne, en boule comme d’habitude, pouvant voir et tirer sur 360 degrés. Nous bloquons un sentier de passage est-ouest. Attente … les gars s’endorment ; on organise des tours de garde. Les harkis sont dissimulés tout autour de la position ; ils observent et écoutent bien mieux que nous ! En début d’après midi, un groupe de fellagas arrive face à nous. Les tirs se déclenchent trop tôt … débandade chez les fells. Ils laissent 2 ou 3 morts sur le terrain et un officier gravement blessé. On ne saura jamais quel était l’effectif de cette unité ! Tir d’artillerie sur leur chemin de repli supposé !
Après avoir fouillé la zone sans résultat, tout le monde s’attend à rentrer au poste sans délai et par le plus court chemin. (Tactique habituelle) Eh bien non ! Malgré la demande de notre capitaine, le commandant ordonne de ne décrocher qu’à la nuit. (Je sais qu’il y a des témoignages qui divergent sur l’origine de cet ordre !)
Il commence à faire froid (à plus de 1500 m). La nuit tombe. Enfin nous rentrons après avoir vérifié l’itinéraire sur la carte. En colonne par un, la section des harkis en tête (30 hommes) et notre section, la deuxième, fermant la marche. Nous sommes en montagne, dans la forêt, il fait bien noir et souvent on doit tenir le sac de celui qui nous précède.
Après 2 heures de marche, nous arrivons dans un paysage connu : un col très dégagé sous la forme d’une grande clairière couverte d’herbe rase. La lune s’est levée, on y voit clair. Automatiquement les distances entre les gars s’allongent ; la colonne dépasse donc les 500 mètres.
À l’autre bout de la clairière la lisière est bien noire ! Le chien de tête découvre le premier les fellagas qui nous attendent. Fusillade, tout le monde se couche… Se cacher dans l’herbe courte n’est pas facile ! Je vois les balles traçantes passer au-dessus de nous… A l’arrière nous ne tirons pas… C’est inutile, nous ne voyons pas nos ennemis ! La discipline du feu est exemplaire. La fusillade me paraît durer une éternité ; les ordres sont de ne pas bouger et de surveiller nos arrières. Ce sont les gars qui sont en tête de la colonne qui se battent : les harkis et une autre section. Et tout à coup, silence total … l’orage est passé ! Nous commençons en rampant à nous rapprocher de la lisière la plus proche pour y prendre position. Personne, pas d’ennemi.
Au poste de Bou-Hamama, la 3ème batterie qui était en alerte, attendant notre retour, a sauté dans les camions et, précédée par les scout-cars, a pris le risque de rouler 5 ou 6 km tous phares allumés sur la piste nord pour venir à notre aide ! C’est ça qui a fait décrocher les fells. Bilan : 4 harkis morts et le chien. De retour au poste nous réfléchissons en petit comité sur ce qui s’est passé :
Il me semble qu’il y a eu 2 erreurs :
-Attendre pour rentrer, ce qui a permis aux fells de monter l’embuscade.
-Avoir pris au plus court en traversant cette clairière bien dégagée au lieu de suivre la lisière de la forêt.
Après cette mauvaise journée nous nous souvenons de ce que nous disaient les légionnaires : Les fells ne nous attaquent que s’ils sont certains d’être en nombre supérieur.

LA QUILLE

Le 20 avril 1959, en rentrant d’opération, on m’apprend que je serai libéré vers le 15 mai. Je quitterai donc le camp avec le prochain convoi prévu pour la fin du mois.
D’ici là, je ne participerai plus aux sorties du commando. Je reste donc quelques jours à ne rien faire ; ranger mes affaires, écrire une dernière fois à mes Parents pour leur annoncer la bonne nouvelle… lire un livre que je n’avais jamais ouvert, relire les lettres reçues. Me reposer physiquement. Essayer de prendre de la distance avec tout ce que j’ai vécu depuis 12 mois.
Mais quand même, je pense tout le temps à mes camarades qui crapahutent dans les djebels ; je vais plusieurs fois par jour à la station radio pour avoir des nouvelles.
Mais “ silence radio“ oblige, si pas de nouvelles, bonnes nouvelles !

LE RETOUR

29 avril 1959 : C’est terminé, demain je quitte Bou Hamama ! J’ai rendu mon arme, mes cartouches et mes grenades , j’ai rendu ma veste camouflée et ma djellaba brune, mes jumelles et ma carte d’état major. Pas de cérémonie d’adieu : le commando est sorti depuis plusieurs jours. J’ai l’impression de quitter les amis en cachette. Je laisse ici une page de ma vie. J’ai une grande impression de solitude, je suis triste, alors que j’avais imaginé que ma libération serait une grande fête, une grande joie ! Bien sûr, 4 ou 5 gars de ma classe m’invitent à boire un verre avec eux. Je m’étais tellement investi dans ce que nous faisions ; les autres continuent sans moi ! Ce malaise va me poursuivre plusieurs semaines. J’étais persuadé que nous allions gagner cette guerre.

30 avril 1959 – Liaison routière habituelle.

Je suis dans un camion et non en ouverture de route. J’ai remis ma tenue de sortie, rangée depuis Casablanca ; j’y ai fixé les décorations dont je suis fier.
Arrivé au col de Fedj, j’ai un dernier regard sur cette vallée que j’ai tellement arpentée. Passage au mess de Khenchela où je retrouve quelques visages connus. Plaisir de prendre une douche, inconnu depuis dix mois ! Puis le train jusqu'à Philippeville. Je débarque le 6 mai 1959, au matin, à Marseille. Grève de la SNCF ! Quelques discussions. Un train pour transporter les libérables est autorisé à rouler. Le soir je suis à Paris gare de Lyon : Maman, Papa, Pierre et Monique sont venus m’accueillir. Ils me félicitent pour ma citation, mais mon esprit est ailleurs ! Je vais avoir du mal à me rendre compte qu’ils ont vécu pendant mon absence. Je ne retrouve pas ma famille comme je l’ai quittée. Il va me falloir plusieurs semaines pour me dire que c’est normal. Ils ont des souvenirs en commun que je n’ai pas.
La joie est immense de me retrouver sain et sauf, j’ai grandi, j’ai mûri, cette expérience est pour moi positive. Je retrouve ce bel appartement de la rue de Flandre. Mais c’est la nuit qui est la plus dure. Je ne rêve que de Bou Hamama, je cherche mon PM et je me réveille en sueur !
Mon frère Jean est à Toulouse avec sa femme Colette. Ils font des études supérieures, Jean d’ingénieur chimiste et Colette de Mathématiques. Ils ont un fils, Philippe, né pendant mon absence. J’ai hâte de les voir, Papa me prête sa traction avant Citroën. Quel plaisir de me retrouver libre sur les routes de France ! Je passe d’agréables moments avec eux.
Je reprends mon travail à la Radio vers le 20 mai et vais pouvoir tourner cette page grâce à l’affection de ma famille, grâce à mes amis retrouvés. Je vais me faire de nouveaux amis dans le quartier et parler le moins possible de mon séjour en Algérie. D’ailleurs ça semblait n’intéresser personne.
Je vais m’investir bénévolement dans l’éducation des 12/17 ans en devenant responsable des Scouts de France de ma Paroisse. Je vais ainsi me faire de nouveaux amis parmi les adultes.
Voilà, ami lecteur, l’histoire est terminée. Elle était enfouie au plus profond de ma mémoire. Il fallait qu’elle ressorte une dernière fois. J’espère que ce témoignage aura donné l’idée de ce qu’était : AVOIR VINGT ANS DANS LES AURÈS NEMENCHA

Jacques Guérin le 17 novembre 2016

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J'aurai mon paradis dans les cœurs qui se souviendront - Maurice Genevoix




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