second Voyage en Tchécoslovaquie 1979.
Pour notre second voyage en Tchécoslovaquie nous choisissons de prendre contact avec l’Association France-Tchécoslovaquie qui effectuera les formalités pour la réservation d’une chambre à Prague. Nous avons tiré les leçons de notre premier voyage en ce qui concerne les possibilités d’hébergement ainsi nous nous adapterons aux impératifs politico-économiques de ce pays.
En retenant et en réglant d’avance lors de la réservation pour cinq nuitées, nous n’avons aucune idée du style et de la qualité de l’hébergement qui nous attend. Nous le découvrirons à notre arrivée dans la capitale. C’est à prendre ou à laisser. Je prends car en effet, je suis resté sur ma faim lors de notre premier voyage. Je souhaite maintenant aller plus loin dans la connaissance de cette ville et obtenir plus d’informations sur la vie en général du pays.
Le franchissement de la frontière se fera à partir de l’Allemagne, Rozvadov . Avant notre départ nous passons quelques jours en Bavière dans une Zimmer Frei (chambre d’hôtes) près de la frontière. Je laisse en dépôt dans ce gite notre remorque, une bagagère avec nos vélos, que nous craignons d’emmener étant sensés loger au centre de Prague. Il faut voyager léger.
Le 7 août 1979 au matin nous passons le poste de douane tchèque de Rozvadov en route pour Prague. Une halte à Pilzn, nom de cette ville évoque une célèbre et excellente bière. Les pavés disjoints des rues font plus que bercer les passagers dans les automobiles. Etrange ! Dans la ville, les gardes fous, les barrières, les poteaux de l’éclairage public sont tous peints d’une même couleur. Nous arrivons à Prague, nous nous présentons à l’adresse notée sur notre feuille de réservation. C’est un grand bâtiment à plusieurs étages dans la cité universitaire. Les chambres sont libres, les étudiants sont en vacances. Elles sont louées aux touristes étrangers au prix d’une chambre d’hôtel. Rentabilité oblige, une façon de récolter quelques devises dont le pays a tant besoin pour faire fonctionner sa lourde machine administrative et policière. Nous entrons dans un vaste hall avant d’aborder l’escalier qui nous mènera à nos chambres. En signe d’accueil, une pancarte nous avertit que le chauffage de l’eau est en réparation. Nous avons pensé qu’il s’agissait d’une courte panne mais après décodage du parler locale, nous comprenons que nous aurons droit à la douche froide durant tout notre séjour, elle est même glacée. Pas de réclamation possible, nous nous heurtons à un mur. Cela fait partie de la découverte.
Les chambres paraissent toutes semblables, prévues pour deux personnes. L’ameublement très spartiate se compose de deux lits d’une place, style Cosy. Un haut parleur posé sur une tablette en en tête de lit diffuse de la musique sans interruption, il est heureusement équipé d’un interrupteur. Je refuse de penser qu’il puisse fonctionner dans les deux sens, je ne veux pas sombrer dans la paranoïa. Il faut quand même se souvenir que dans ce pays, 1 personne en surveille entre 3 et 10 pour le compte du StB.
Le lendemain, à proximité de notre « Hôtel », nous avons repéré le tramway qui nous conduira directement au centre de Prague. Nous avons bien noté son numéro, c’est le 22, il deviendra notre tram fétiche que nous emprunterons à chacune de nos déplacements dans la capitale Tchèque.
Nous privilégions la place Venceslas dans notre programme de visites. Nous souhaitions nous recueillir à l’endroit où Jan Palach étudiant, s’est immolé le 19 janvier 1969, pour dénoncer l’invasion de son pays en août 1968, par les troupes du pacte de Varsovie. Bien entendu aucune information n’existe qui pourrait indiquer l’emplacement du drame. L’endroit que nous supposions être d’après les informations diffusées en France, n’est pas le bon. Il n’est pas question de se renseigner auprès des passants. Nous savons aujourd’hui que c’est sur le parvis du National Museum que Jan Palach a mis fin à ses jours.
La place Venceslas d’une superficie de 41 hectares, d’une longueur de 750 mètres est bordée de grands édifices à étages. Nous y étions venus en 1977 et avions constaté alors, que beaucoup de bâtiments se voyaient délestés progressivement et naturellement d’une partie du revêtement de leur façade. Des morceaux de stuc se détachaient et tombaient sur les trottoirs au risque de blesser les passants. Pour éviter les accidents les autorités de la ville ont fait dresser des échafaudages contre les murs des édifices concernés et installer au dessus des trottoirs, des tôles qui forment comme un passage couvert. L’aspect général est sombre, triste et cloque. La présence des tubes métalliques des échafaudages, ajoute encore à la grisaille de l’ensemble et ressemble à un immense chantier laid, laissé à d’abandon.
Place Venceslas 1977
Place Venceslas 1979
Cette année, en 1979 on peut observer que des progrès notables pour la rénovation des façades lépreuses ont été réalisés, il reste néanmoins beaucoup à faire. Nous recherchons toujours l’emplacement où s’est immolé Jan Palach, sans succès. Et pourtant il se tient à nos pieds, par rapport aux deux photos ci-dessus, là où sera installée, après 1990, un plaque commémorative.
https://www.google.fr/url?sa=t&rct=j&q= ... rNwA8qXK5Q
Aujourd’hui, une visite incontournable, celle de l’horloge astronomique située sur le mur sud de l’Hôtel de Ville. L’instant le plus intéressant est celui du changement de l’heure. En effet au moment de chacune de leur succession, les douze apôtres défilent au dessus du cadran supérieur. Cette horloge a été incendiée en 1945 par les Allemands avant leur départ de Prague. Elle a été réparée en 1948.
Compte tenu de leur tenue vestimentaire, aussi simple ou classique soit elle, « les touristes de l’ouest » sont facilement reconnaissables. En effet, la qualité des textiles, la variété de couleurs, la coupe des vêtements qu’ils portent, les distinguent immédiatement. Toutes ces qualités de l’habillage ne se retrouvent pas ici.
Sur la place de l’horloge où déambulent de nombreux visiteurs, mon attention est attirée par un personnage que nous nous apprêtions bientôt à croiser. Je devine qu’il m’a aussi remarqué. D’apparence bon chic bon genre, il se donne une allure British. Il m’accoste en portant une main à la pochette de sa chemise, comme pour en sortir quelque chose. Il laisse un instant son geste en suspend et me dit très courtoisement « Change Sir !». Je lui réponds immédiatement « No ! » sans stopper ma marche. Trop poli pour être honnête car je crois deviner une provocation. Certains touristes naïfs s’y laissent prendre. En effet l’Etat change les devises étrangères à un taux très désavantageux pour le touriste. Des particuliers des pays de l’Est cherchent à s’en procurer et pour cela offre un taux de change très supérieur à celui du cours officiel. Ce procédé au noir est réprimé par la loi et le touriste qui se fait prendre, la main dans le sac, découvrira la somme d’ennuis et de taxes qui s’en suivra.
Entrée du Château Hradčany 1977 –
Entrée Château devant le porche. Photo prise en 2008 à l’occasion d’un nouveau voyage à Prague. La présentation des armes est faite à la « Française » Depuis cette date les guérites ont repris place devant l’entrée principale du Palais présidentiel.
Après avoir franchi le pont Charles, d’autres incontournables visites s’imposent : Le Château Hradčany, la cathédrale, la ruelle de l’or. Prague est une ville magnifique mais nous souhaitons aussi battre la campagne autour d’elle à une distance qui nous permettra le soir de rejoindre nos pénates.
La Ruelle de l’Or, dans l’enceinte du Château en 1977
La Ruelle de l’Or en 2008
En nous rendant à Karlstejn nous traversons une petite localité, il nous faut là, satisfaire une envie pressente. Nous repérons des toilettes publiques. Après avoir franchi l’entrée, nous nous trouvons dans un espace couvert sombre et gris, au fond deux portes, nous nous en approchons, quand soudain sur le mur à notre droite, une petite fenêtre genre guichet s’ouvre. Le tiers supérieur d’un corps d’une dame grassouillette, à l’air sévère, revêche même, apparait. Cette présence est vraiment inattendue et nous surprend. La dame nous regarde comme pour nous compter. Elle dépose, sans mots dire, à notre attention, sur la tablette du guichet, plusieurs morceaux de papier hygiénique, qualité papier glacé et elle disparait derrière un écran opaque. Moralité : Ici on s’essuie contingenté mais il y en a, à part égale, pour tout le monde.
La visite du château de Karlstejn vaut le déplacement.
https://www.google.fr/url?sa=t&rct=j&q= ... OTJO8lgjRw
Nous entrons dans un musée dont le nom et le lieu m’échappe, mais les remarques qui suivent sont propres à n’importe quels autres d’entre eux. Pour celui-ci, une dame veille et s’assure que les visiteurs ont bien enfilé les surchaussures en tissus, entassées devant l’entrée de la salle principale, bien épaisses, qui permettent de glisser sur les parquets cirés sans les rayer. La gardienne s’assure aussi que les dames ne portent pas de talons aiguilles, que les enfants ne mâchent pas de chewing gum, ne mangent pas de glaces. Cette minutieuse inspection strictement observée entame un peu notre enthousiasme promis pour cette visite. Pour le reste nous n’avons jamais été déçus, des visite, riches en expositions d’objets et de tableaux précieux, souvent particuliers à l’Europe centrale.
Un après midi nous nous désaltérons dans une sorte de taverne. Il fait chaud, une nombreuse assistance attablée consomme de la bière. Des militaires en tenue de sortie entre dans la salle, ils sont joyeux et le montrent. L’un d’eux s’approche de notre table, nous salue, nous gratifie d’un grand sourire, puis ôte l’insigne fixée à sa veste et l’accroche sur le teeshirt de notre fils, tout en s’adressant à lui bien gentiment.
Notre voyage se poursuit vers Karlsbad (Karlovy vary)
Karlovy Vary est une très ancienne station thermale, qui était très mondaine. C’est au début du 20ème siècle que furent construits les plus beaux bâtiments. La station accueillit jadis de célèbres visiteurs comme l’Empereur d’Autriche, Clémenceau, des compositeurs de musique, écrivains, philosophe et même Karl Marx et Mustapha Kemal Atatürk vinrent y prendre les eaux.
Pendant notre visite il nous faut faire appel à notre imagination. En effet les illustres bâtiments qui s’offrent à nos yeux ont conservé leur style, celui propre aux stations thermales renommées mais ils se présentent aujourd’hui sans âme, sans vie, pour beaucoup défraichis, sans commerces, sans curistes ou si peu.
Nous y somme retournés en 2008, nous avons eu quelque peine à reconnaitre les lieux tant ils avaient été réhabilités, rafraichis. La station a retrouvé ses curistes, ses commerces, beaucoup de vie et enfin son âme. On peut ajouter que des Russes fortunés ont beaucoup investi dans la ville. Que penserait Jan Palach de cette évolution, par rapport à ceux responsables de son sacrifice.
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NB :Le StB, sécurité d’Etat tchèque était très actif à l’époque communiste. Il a notamment noyauté sur le territoire français, l’Association France Tchécoslovaquie, afin d’y recruter des correspondants. Fin des années 80, les services du contre espionnage français ont démantelé en Normandie une de leur filière au sein de cette association. Des ressortissants français suspects on été mis sous surveillance.
Albert R. Gilmet