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La Haute-Savoie s'est-elle vraiment libérée par elle-même ?

Lien permanentde Tom le 29 Mar 2015, 16:25

Depuis ma tendre enfance (c’est bien loin !), j’entends et je lis partout (en Savoie en tout cas) - et le propos n’a nullement perdu de sa force plus de soixante-dix ans après les événements - que la Haute-Savoie a été le premier département à se libérer par lui-même sans aucune aide extérieure fin août 1944.

Certes, les F.F.I. haut-savoyards auraient pu rester tranquillement chez eux ou dans leurs maquis au fin fond des forêts et attendre l’arrivée des Alliés qui avaient débarqué en Provence le 15 août 1944. Au lieu de cela, ils ont attaqué les garnisons et les convois de l’occupant allemand et de ses auxiliaires français (notamment la Milice) et, tantôt sans coup férir, tantôt après un coup de bluff, comme à Annecy ou à Evian, tantôt après de vifs combats avec pertes, comme à Cluses, les trois mille cinq cents F.F.I. (A.S. et F.T.P.) ont réussi à obtenir la reddition de la plupart de leurs adversaires, soit une centaine de miliciens et … deux mille huit cents Allemands (voir ci-dessous), c’est-à-dire l’ensemble des forces d’occupation, sauf les quelque cent cinquante Allemands ayant pu se réfugier en Suisse où ils ont été internés.

D’après Pierre Mouthon, correspondant local du Comité d’histoire de la SGM et auteur de Haute-Savoie 1940 – 1945, Résistance, Occupation, Collaboration (Le Sapin d’Or, 1993), de juin à août 1944, 126 F.F.I. ont été tués contre 175 à 180 Allemands et 16 miliciens (sans compter les 77 francs-gardes exécutés au Grand-Bornand et les 80 Allemands fusillés à Vieugy et à Habère-Lullin).

Sans conteste, donc, un magnifique résultat pour la Résistance haut-savoyarde.

Pourtant, affirmer que la Haute-Savoie s’est libérée par elle-même sans aucune aide extérieure, c’est jouer sur les mots et énoncer une contrevérité !

En effet, si les Alliés n’avaient pas envoyé des armes à la Résistance haut-savoyarde (notamment, par le grand parachutage anglo-américain du 1er août 1944 sur le plateau des Glières), surtout s’ils n’avaient pas débarqué en Normandie le 6 juin 1944, puis en Provence le 15 août 1944, s’ils n’avaient pas bombardé et engagé les forces allemandes au point de les obliger à se replier vers le nord-est de la France dès le 16 août 1944, celles-ci se seraient retournées contre les F.F.I. à découvert et les auraient écrasés en quelques heures (déjà les Glières et le Vercors, bien armés et retranchés dans des forteresses naturelles, n'avaient pas tenu contre des troupes de deuxième ligne). Ne s’agit-il pas là d’une aide extérieure essentielle, voire décisive ?

De plus, même si l’on tient compte de cet élément primordial, les F.F.I. haut-savoyards n’ont pas chassé les occupants, mais les ont plutôt empêchés de partir (selon l'ordre de repli du 16 août) ou de se rendre aux Américains qui arrivaient vers Grenoble. Ce dernier fait n’a-t-il pas pesé dans la balance ? D'ailleurs, que serait-il arrivé si les Américains n'avaient pas été en vue ? Le 12 août encore, le médecin-chef Oberstleutnant Recktenwald, commandant la place d'Evian (où se trouvaient plus de huit cents soldats allemands hospitalisés), déclarait (cf. rapport Recktenwald, section hôpital 906 d'Evian à la section hôpital 509 d'Annecy) : Il conviendrait de ratisser la Haute-Savoie avec une division expérimentée et d'expédier dans un camp de concentration tous les hommes de dix-huit à cinquante ans...

En outre, le nombre de trois mille Allemands prisonniers en Haute-Savoie ou internés en Suisse paraît impressionnant, mais comment se décomposait-il ?

En août 1944, il y avait en Haute-Savoie :

1) Plus de deux mille soldats allemands HOSPITALISES (blessés, malades - notamment des poumons - ou convalescents venus de tous les fronts). Disposant d’armes légères pour se défendre, ils se sont néanmoins rendus en masse (816 à Evian, 420 à Thonon, 120 à Chamonix, 700 à Annecy...) ;

2) Une seule compagnie d’infanterie à deux sections et une section de canons d’infanterie (deux pièces de 75 mm court servies par des Polonais dont certains ont déserté) du Reserve-Grenadier-Regiment 157 au Quartier Galbert d’Annecy, laquelle s'est rendue sans combattre ;

3) Une trentaine de Feldgendarmen auprès de l’état-major de liaison (Verbindungsstab, V.S. 988) à Annecy, qui se sont rendus avec ce dernier ;

4) Une quarantaine d'agents de la police de sécurité (Sicherheitspolizei ou Sipo) du commissariat de police frontalier (Grenzpolizeikommissariat ou Greko) d’Annecy ;

5) Quelque quatre cent cinquante agents de la police d'ordre (Ordnungspolizei ou Orpo), soit quatre compagnies d'une centaine d'hommes du I./SS-Polizei-Regiment 19 (rien à voir avec la Waffen-SS !) : deux à Annecy (P.C.), une à Cluses et une autre à Annemasse (une s'est rendue avec la garnison d'Annecy, une a été internée en Suisse près d'Annemasse ; deux autres ont été disloquées dans les combats de Cluses) ;

6) Environ quatre cents gardes-frontière (Zollgrenzschütz) répartis en petits postes sur la frontière suisse (certains se sont rendus, d'autres pas).

Soit "seulement" un bon millier de véritables combattants potentiels sur trois mille…

Bref, les F.F.I. haut-savoyards ont bravement combattu contre des policiers et des douaniers sans attendre l'arrivée des Alliés, ont obtenu de bien meilleurs résultats que dans beaucoup d'autres départements où la situation était similaire, mais ils ne peuvent prétendre avoir libéré la Haute-Savoie sans aide extérieure !

Pour ne pas trahir la vérité au profit d'un nationalisme illusoire, on devrait plutôt reconnaître qu'ils ont largement contribué à la Libération : ce serait déjà un beau titre de gloire...





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