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Aldebert
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Camille sous l'occupation - Chapitre 109

Lien permanentde Aldebert le 02 Sep 2019, 18:59

Bègles au sud de Bordeaux, ville du département de la Gironde, année 1942. Camille à16 ans, elle a deux frères, Fernand et Pierrot. La Directrice de son école, madame Lafond a suggéré et même pressé ses parents de lui permettre de poursuivre ses études en la faisant entrer à l’école normale où elle aurait été acceptée. Malgré la gratuité complète pour les élèves dans cet établissement, la réponse de sa maman fut définitivement non !

Madame Lafond la Directrice de Camille, qui connait fort bien les deux frères Molina, propriétaires d’une banque à Bordeaux, la recommande pour leur établissement. L’un des deux frères est un ancien combattant de la première guerre mondiale, grand invalide de guerre. Ils sont juifs. La banque était située à Bordeaux, à l’angle de la rue sainte Catherine, à l’opposé se trouve l’agence havas.

Camille donne satisfaction suite au petit examen auquel elle est soumise, elle est alors embauchée comme employée de banque. Elle est affectée à différents postes: Au guichet, au service coupons, à celui du portefeuille. La banque occupe un rez-de-chaussée et un étage. Camille travaille à l’étage.

Sa maman connait un ancien ami de jeunesse qui sous l’occupation a mal tourné, par le fait, il s’est engagé dans la milice. Sur l’heure, sans vraiment se fréquenter, ils sont néanmoins restés en bons termes. En souvenir de leur ancienne amitié, cet homme l’avertit qu’une perquisition aura bientôt lieu à leur domicile. En effet les parents de Camille sont devenus suspects au regard de la gestapo. La perquisition a effectivement lieu peu de temps après, à l’heure du petit déjeuner. La maison pâtit d’une fouille en règle, tout est inspecté dans les moindres recoins, même les livres d’école sont vérifiés. Son papa travaille aux chemins de fer de Bordeaux, il est en contact avec un mouvement de résistance Rail. Il a été dénoncé avec quelques uns de ses camarades, comme étant un de leurs sympathisants. Ses camarades sont arrêtés mais lui, sans doute, grâce à l’ami de jeunesse de sa femme, il est relâché. (Le dénonciateur qui travaille aussi au rail a été reconnu et exécuté par arme à feu à la libération par un homme qui roulait à bicyclette, boulevard Albert 1er à Bègles). Cette perquisition ne relève rien de suspect ou d’anormal au regard des policiers, ainsi ses parents passent à travers les mailles du filet.

Le père de Camille, Raoul, est en effet employé à la SNCF, gare Saint Jean dans les bureaux. Il fait partie d’un réseau de résistance, il reçoit chez lui des aviateurs dont les appareils ont été abattus dans la région du Médoc. Camille se souvient que certains d’entre eux possédaient des cartes (dites alimentaires) qui peuvent être détruites en les ingérant.

Le propriétaire de la Banque Molina et quelques uns de ses employés, tous juifs, sont embarqués par la Gestapo et déportés. Elle voit ainsi partir tous ces pauvres gens encadrés pas des soldats qui ne ménagent pas les coups de crosses de leur fusil. Elle voit une camarade d’école, juive, malade, qui était alitée et qu’on sort de son lit pour l’emmener vers où ?
Elle voit aussi partir Amélia Ornière, une brave femme de 70 ans, camarade de sa mère. Elles travaillent toutes deux à la fabrique d’allumettes de Bègles, elles sont allumettières, c’est leur profession. Cette brave Amélia qui ne sait même pas qu’elle est juive. « Qu’est-ce que c’est que juif disait-elle ». Ce sont des gendarmes de Bègles qui l’emmènent avec beaucoup d’égards mais qui l’emmènent quand même !

L’épouse de monsieur Molina, née Benzarka (Orthographe du nom incertaine) famille Rothschild, était réfugiée en zone libre, en Provence, avec ses deux enfants Georges qui est devenu par la suite avocat et Didier le plus jeune. A la Libération madame Molina est revenue à Bègles, elle ne possédait plus rien. Elle avait revendu ses bijoux en zone sud afin de survivre. Avec ses deux enfants, elle avait été employée pour des travaux des champs. Didier est le préféré de Camille. Il n’a pas pu fréquenter l’école étant donné la vie de clandestins que menaient avec lui sa mère et son frère. À son retour il était quasiment sans instruction scolaire. Camille à su lui faire prendre de l’assurance en le perfectionnant dans l’écriture, la rédaction et aussi le calcul. Elle a beaucoup d’affection pour cet enfant, doué et intelligent. Plus tard il lui a écrit quelques lettres très gentilles, fort bien rédigées, joliment tournées. Quelques temps après la Libération, Camille perd tout contact avec la famille Molina. Elle ne se fait aucune illusion sur les chances de survie de monsieur Molina depuis qu’il avait été raflé, avec beaucoup d’autres juifs de sa ville. Camille, en son temps, aurait aimé avoir des nouvelles de Madame Molina et surtout de Didier qui lui a écrit quelques lettres qu’elle trouvait magnifiques, c’est un poète dit-elle.
Sa tante Eva, agricultrice habite le Gers. À cette époque en 1942, cette partie de la France n’est pas encore occupée. Elle le sera à partir du 10 novembre de cette même année, suite au plan d’invasion allemand de la zone sud, opération, « Anton ». Camille va là bas pour aider aux moissons ou aux vendanges. Pour passer d’une zone à l’autre, zone occupée - zone libre, il est nécessaire de posséder un laissez-passer. Pour obtenir ce précieux document il faut avoir un motif valable. Celui invoqué par Camille pour s’y rendre est conforme aux critères d’acceptation prévus par l’occupant. Pour gagner la zone sud à partir de Bègles on prend le train qui s’arrête à Mont de Marsan, limite de la ligne de démarcation. Arrivé là, une fois cette ligne, franchie après avoir été, pour certains, fouillés, il est possible de reprendre un autre train pour une destination de la zone dite libre.

Camille arrive donc avec sa mère à Mont de Marsan. Un monsieur qu’elle ne connait pas avait précédemment remis à sa mère un paquet de lettres à faire passer chez une personne qui habite en zone libre. Dans un premier temps sa mère les lui confie puis arrivant en gare de Mont de Marsan, constatant des soldats allemands en grand nombre sur le quai qui contrôlent les voyageurs, pressentant un danger, elle les lui reprend. C’est bien sûr une chance capitale pour Camille, compte tenu de ce qui va suivre. Celle-ci ignore le contenu et l’importance de ces lettres,
Sur le quai, des contrôles sont effectués au corps sur des personnes désignées au hasard ainsi le sort désigna Camille. Avait-elle pour la police allemande, une allure ou un comportement suspect ? Elle est amenée dans un réduit où une femme allemande vérifie le contenu de son sac, consulte ses papiers puis effectue une fouille au corps gênante qui lui a laissé un souvenir amer. La chevelure de Camille est abondante et frisée, avec des anglaises, la gretchen passe un crayon à l’intérieur des boucles pour vérifier s’il n’y a pas de messages dissimulés en dedans. Cette grosse femme, petite, en uniforme, la tripote dans tous les sens, dit-elle, une horreur ! Camille est amenée ensuite dans une pièce où se trouvent trois hommes. Un SS jeune, en uniforme noir, il est assis derrière un bureau. Camille est immédiatement frappée par le visage de cet homme. Encore aujourd’hui, à 93 ans, il lui est demeuré bien en mémoire. Du haut de ses seize ans d’alors, elle le trouve très beau, ainsi qu’une gravure de mode dit-elle. Il fume, il ne prononce aucune parole devant elle durant l’interrogatoire. Il a une attitude détachée des évènements du moment. Dans la même pièce, deux autres hommes, sont présents, le premier, le gros, l’interroge, l’autre enregistre ses déclarations. Le gros, lui dit en gueulant, tu es une Jude ! jude ! Il répète plusieurs fois le mot Jude en lui saisissant à la fois la tête qu’il cogne contre le mur. Camille ainsi que sa mère, était brune avec un teint qui rappelle celui des sémites, aussi, semble t’elle très suspecte. De plus elle travaillait à la banque Molina juste avant la rafle. Jude ! Jude ! Gueule le gros gestapiste en la frappant. Elle répond qu’elle est catholique et qu’elle était élève dans une école libre, celle de Sainte Marie à Bègles, Ses bourreaux lui font réciter le «Je vous salue Marie». Ils n’acceptent d’abord pas ses réponses mais devant l’insistance de Camille à nier qu’elle n’était pas juive, ils finissent par la relâcher. Il est probable qu’un contrôle a été effectué par téléphone auprès de l’institut de Bègles.
A ce moment, pour Camille, tout alors concourait pour être suspectée : Elle travaille dans une banque juive celle de Monsieur Molina, son père est aussi suspecté d’être un soutien à la Résistance car dénoncé par un ouvrier du chemin de fer. Ainsi, si sa mère ne lui avait pas repris les lettres qu’elle lui avait confiées, elle s’en allait tout droit vers la déportation. « Le Bon Dieu était avec moi.» dit-elle.
Elle est donc relâchée et rejoint sa mère qui l’attend en pleurs. Le train de la zone sud les emmène en direction de Tarbes. Il faut rappeler que la population de Bègles a faim, à fortiori Camille et sa famille. Trouver de quoi se nourrir est un casse tête quotidien. L’état de santé de Camille n’est pas resplendissant, elle se rendait même parfois à l’abattoir de Bordeaux pour boire un verre de sang frais de bœuf. Lorsqu’elle rejoint sa tante dans le Gers, elle se rend compte rapidement qu’ici, s’agissant de nourriture c’est l’abondance ! Ici on ignore totalement les conditions de vie de la population de la zone occupée ! Ici on mange très bien et le foie gras accompagne le petit déjeuner ! Ici on organise des banquets ! Au début de son séjour elle tente d’expliquer le dénuement de la population de la zone occupée en matière de nourritures, on ne la croit pas, on la soupçonne même d’être une communiste. Il faut rappeler que son père travaille au Chemins de Fer. Lassée de ne pas être entendue elle décide donc de ne plus engager de conversation sur ce sujet. Elle est très peinée et cette incompréhension la mine.
A son retour de son séjour dans le Gers, elle constate que les locaux de la Banque sont réquisitionnés par les allemands. Camille y reprend néanmoins ses fonctions car l’établissement continue son activité, dirigée par un gérant désigné par l’occupant. Son travail s’exerce maintenant au rez-de-chaussée, la Gestapo occupe tout l’étage supérieur notamment pour ses enquêtes et interrogatoires. Au cours de son activité, Camille est témoin de violences exercées à l’étage, par la gestapo, telles des personnes poussées à coups de pied qui dégringolent du haut en bas de l’escalier.
Camille a deux frères : Fernand qui est apprenti mécano à la gare de Bordeaux et Pierrot qui est étudiant. Ce dernier est un jeune homme de 17 ans, plein de fougue, inconscient des dangers. Certains soirs, il s’en va à vélo dans le noir au Frontstalag 221 à Martignas-sur-Jalle (Camp de Souge), Gironde pour apporter un peu de nourriture aux prisonniers de guerre Malgaches. Camille avait sur un petit carnet noir, une liste, de noms de ces prisonniers qu’elle avait parrainés. Ce carnet est malheureusement égaré.
A la Libération, la venue des troupes américaines a été saluée avec soulagement. Camille se souvient, après toutes les privations qu’elle avait endurées, avoir consommé en une seule fois le contenu d’un tube de lait concentré sucré. Le lendemain elle fut bien malade.

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Albert René Gilmet

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