L'amiral Abrial, qui commandait à Dunkerque du côté français, avait toujours pensé que les Britanniques retiraient seulement leurs troupes non combattantes. Mais le jeudi, quatrième jour de l'évacuation, la vérité le frappa comme un coup de massue: l'armée de Gort vidait les lieux. Indigné, Abrial demanda une explication. (Suivant la convention interalliée, Gort était théoriquement sous les ordres du haut commandement français.)
Gort répliqua sans ménagement que c'était là une questin à éclaircir entre les gouvernements français et britannique. Cette attitude mit Abrial en fureur au point qu'un peu plus tard il menaça de fermer le port entier et, au besoin, de mettre Gort aux arrêts.
-Pour qui se prend-il, ce lord Gort ? s'écria-t-il devant Henderson, son officier de liaison britannique.
Henderson supplia l'amiral Abrial de ne rien précipiter et téléphona aussitôt à l'amiral Ramsey, à Douvres, pour attirer son attention sur le fait inadmissible que l'évacuation durait depuis plusieurs jours et que personne n'en avait encore rien dit à l'amiral français. Puis il aborda un point capital : il fallait non seulement que le gouvernement français mît Abrial au courant, mais qu'on donnât aux soldats fançais la faculté d'embarquer eux aussi. Ramsey se rangea à son avis et promit d'intervenir auprès de Churchill.
Richard Collier, âgé de 16 ans au moment de la bataille de France, s'engagea dans la R.A.F. deux années plus tard et fut ensuite correspondant de guerre en Extrême-Orient. Journaliste, puis écrivain, il s'attacha particulièrement à reconstituer les grands événements de la Seconde Guerre mondiale. Au cours de six années de recherches, il a interrogé plus d'un millier de témoins, pour faire revivre intensément cette semaine dramatique au cours de laquelle l'armée britannique parvint, comme par miracle, à s'échapper de l'étau allemand qui la menaçait.
Ah ! le schéma que bâtiront plus tard les historiens ! Les axes qu'ils inventeront pour donner une signification à cette bouillie ! Ils prendront le mot d'un ministre, la décision d'un général, la discussion d'une commission, et ils feront, de cette parade de fantômes, des conversations historiques avec responsabilités et vues lointaines. Ils inventeront des acceptations, des résistances, des plaidoyers cornéliens, des lâchetés. Moi, je sais bien ce qu'est un ministère évacué. Le hasard m'a permis de visiter l'un d'eux. J'ai aussitôt compris qu'un gouvernement, une fois qu'il a déménagé, ne constitue plus un gouvernement. C'est comme un corps. Si vous commencez de le déménager aussi - l'estomac là, le foie ici, les tripes ailleurs - cette collection ne constitue plus un organisme.
(...)
Les historiens oublieront le réel. Ils inventeront des êtres pensants, reliés par des fibres mystérieuses à un univers exprimable, disposant de solides vies d'ensemble, et pesant des décisions graves selon les quatre règles de la logiques cartésienne. Ils distingueront les puissances du bien des puissances du mal. Les héros des traîtres. Mais je poserai une simple question :
_ Il faut, pour trahir, être responsable de quelque chose, gérer quelque chose, agir sur quelque chose, connaître quelque chose. C'est faire aujourd'hui preuve de génie... Pourquoi ne décore-t-on pas les traîtres ?
ERICH VON KLUGER a écrit:Prestige de la France en 1940 ? Se rendre aux Nazis sans pratiquement combattre
A la fin de juin 1940, la Luftwaffe n'a plus que 841 bombardiers opérationnels et un peu plus de 700 chasseurs. Près de 2000 avions allemands ont été détruits ou endommagés du 10 mai au 25 juin 1940. Le 3 août, au moment d'engager la bataille aérienne décisive et en dépit de ses moyens énormes pour l'époque, la Lufwaffe n'avait reconstitué ses effectifs du 10 mai ni pour la chasse ni pour les bombardements et elle était à court de pilotes.
Avec seulement 215.000 hommes, 986 pièces d'artillerie et une dizaine de chars, l'armée des Alpes et le groupement Cartier ont tenu en échec 377.000 soldats germano-italiens, soutenus par 797 blindés divers, 2599 canons et de campagne et l'aviation. Les Français ont perdu 503 soldats (tués, blessés, disparus ET prisonniers) contre 7329 soldats germano-italiens.
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