la question du caractère opportuniste ou délibéré de la stratégie de Hitler à l'automne 1939 a été évoquée ici :
viewtopic.php?f=160&t=40564sinon pour étayer la thèse militaire de l'ordre d'arrêt :
Défendons la responsabilité de Rundstedt dans l'ordre d'arrêt :
En préalable notons que la planification opérationnelle initiale ne va pas au delà de la prise de têtes de ponts sur la Meuse et que Rundstedt dans le débat sur les opérations visant à franchir la Meuse opte pour une position prudente/conservatrice : L'idée de Rundstedt est de percer la ligne de la Meuse avec l'infanterie hippomobile et de réserver l'essentiel des troupes mobiles à l'exploitation ( éventuelle ) du succès.
En conséquence Rundstedt a plaidé pour que l'essentiel des troupes mobiles soient déployées au sein du second échelon mais l'idée a été rejetée par Halder qui choisit au contraire d'allouer l'essentiel des forces blindées au sein du premier échelon et de leur octroyer la mission de percer ET d'exploiter l'éventuel succès obtenu sur la Meuse.
L'exploitation des succès du 13 mai qui démarre le 14 est marqué dès l'origine par des désaccords entre les différents échelons du commandement du Groupe d'Armée A ( GA A par la suite ) : les 14 et 15 mai entre Kleist et Gudérian et enfin le 16 mai par un premier ordre d'arrêt de Rundstedt relayé par Kleist ( ce qui aboutit à une crise de commandement grave et à une démission temporaire de Gudérian ).
Le 22 mai Halder répertorie dans son journal un nouvel ordre d'arrêt de GA A dans les termes suivants :
« La percée blindée sur Calais, ordonnée par nous, a été temporairement stoppée par le GA A sur la ligne St.Pol-Etaples, et ne sera pas reprise avant que la situation à Arras ne soit éclaircie.
…...
c) Les chars à l'ouest d'Arras doivent démarrer aussitôt que la situation à Arras aura été consolidée »
Le 23 mai, c'est Kleist ( commandant du « groupe blindé Kleist » ) qui indique :
« Après les pertes des combats des quatorze derniers jours, surtout celles de chars, de plus de 50 pour cent, le groupe n'a plus une force de combat suffisante pour mener une attaque vers l'est contre un ennemi fort. Si l'ennemi attaque avec de forts effectifs, j'attire l'attention sur le fait que les Panzerdivisionen sont peu appropriées à la défense. »
Cité par KH Frieser à partir du journal du GA A ( annexe 29 de celui-ci )
Le même jour à 16h40, Von Kluge a un entretien avec Rundstedt qui aboutit à 20h00 à un ordre du GA A de stopper les groupes blindés Kleist et Hoth le 24 mai pour permettre de préparer une reprise de l'offensive le 25 mai.
Enfin le 24 mai, Hitler arrive au QG du GA A ( pour la deuxième fois de la campagne ), le journal du GA A rend compte de la journée ainsi :
« Pendant la nuit, rien à signaler.
Les changements de groupe impliqués par l’ordre de l’OKH du 23 mai sont menés à bien ; la 4ième armée reçoit des instructions en conséquence.
Le Führer arrive à 11h30 et se fait expliquer la situation par le commandement du Hgr. Il approuve pleinement et entièrement l’idée que l’infanterie doit attaquer à l’est d’Arras, qu’en revanche les troupes rapides peuvent être stoppés sur la ligne atteinte Lens-Béthune-Aire-Saint-Omer-Gravelines, pour « intercepter » l’ennemi pressé par le Hgr B. Il souligne cette idée en insistant sur le fait qu’il est absolument nécessaire d’épargner les forces blindées pour les opérations à venir, et qu’un resserrement ultérieur de la poche ne conduirait qu’à un fort indésirable rétrécissement des possibilités d’action de la Luftwaffe.
Un ordre part en ce sens à 12h45 en direction de la 4ième armée.
Questionné par le Führer sur la conduite ultérieurement prévue des opérations, le général Von Rundstedt annonce que le soir, à 20 heures, la nouvelle répartition entre les Hgr A et B, ordonnée par l’OKH, entre en vigueur. »
( j'ai repris la traduction de F Delpla du journal dans « la ruse nazie » ).
Le journal est particulièrement important non seulement parce qu'il démontre que Hitler avance des arguments militaires à l'ordre donné mais surtout il démontre que Hitler n'est pas à l'origine de l'idée d'arrêter « définitivement » les blindés : c'est Rundstedt qui le premier a suggéré de stopper les blindés.
Enfin le 29 mai se déroule une conférence à Charleville entre le commandant en chef de l'armée de terre avec les commandants des groupes d'armées et des armées. Le journal du général Fedor Von Bock relate ainsi les explications données à l'ordre d'arrêt ( la traduction est de moi ) :
Une remarque par Rundstedt à Charleville m'a fait comprendre clairement pourquoi les unités blindées autour de Dunkerque n'ont pas été plus active. Rundstedt a indiqué :
« j'étais inquiet que les faibles forces de Kleist puissent être écrasées ( overrun dans le texte ) par les anglais en fuite ».
Le texte confirme donc que Rundstedt est bien à l'origine de l'ordre du 24 mai et surtout donne un motif à celui-ci : Le commandant du GA A craignait que les quelques divisions blindées soient submergées par la masse des troupes alliées en retraite vers le sud.
Au final on constate que celui-ci a donné au cours de la campagne 2 ordres d'arrêt ( les 16 et 23 mai ), a indiqué le 22 mai à Halder son intention de faire une pause le temps de régler le situation à Arras et a inspiré l'ordre du 24 mai