Post Numéro: 5 de fbonnus 27 Jan 2013, 19:06
Après les recherches dans mes archives mails, voici le contenu d'une des correspondances avec Michel ONFRAY sur Guy MOQUET, répondant précisément à ta deuxième question :
La chronique mensuelle de Michel Onfray | N° 78 – Novembre 2011
GUY MÔQUET, LE CONTRAIRE D’UN RÉSISTANT -
Je viens de lire un livre terrible intitulé L’Affaire Guy Môquet sous-titré Enquête sur une mystification officielle publié dans la très sérieuse maison d’édition Larousse dans une collection dirigée par Emmanuel Thiébot qui fit un temps partie de l’équipe de l’Université Populaire de Caen. Bravo aux auteurs Jean-Marc Berlière et Franck Liaigre. Que dit ce livre ?
Que Guy Môquet ne fut pas résistant. Thèse sidérante tant elle va contre la mythologie qui fait de ce jeune garçon de seize ans fusillé par les nazis l’emblème de la résistance communiste à l’occupant allemand. Guy Môquet est le fils d’un cheminot qui doit son ascension sociale au Parti Communiste auquel il voue un culte. Quand les communistes russes et les nazis signent le pacte germano-soviétique, le PCF obéit à la décision de Staline. Dès lors, le Parti se réjouit de la défaite de juin 40 : selon eux, elle signe l’échec de la démocratie parlementaire, du capitalisme juif, de la bourgeoisie d’affaire. De plus, elle prépare la France à la révolution bolchevique ardemment souhaitée. L’Allemagne peut donc envahir la Pologne, puis la France, l’URSS ne bouge pas, les communistes français approuvent. L’Angleterre décrète un blocus économique contre l’Allemagne nazie, mais l’Union Soviétique laisse transiter sur son territoire les produits qui ravitaillent les nationaux-socialistes. Le PCF ne dit rien.
Le 29 septembre 1939, nazis et communistes demandent la fin de la guerre afin que Staline garde les territoires conquis et Hitler les siens. Les députés communistes envoient une lettre en ce sens à Edouard Herriot, le Président de la Chambre. En cas de refus, la France et l’Angleterre porteront la responsabilité de la guerre qui deviendrait impérialiste ! La France refuse. Le PCF invite alors ses militants au sabotage. Ils ne s’en privent pas et causent la mort de soldats français envoyés au combat avec du matériel qui les lâche en plein milieu de la bataille. Le père de Guy Môquet soutient cette ligne, il est arrêté et emprisonné. Le fils clame haut et fort qu’il reprend le flambeau et continue le combat du père qui, on le voit, n’est pas un combat de résistance, mais de collaboration avec les nazis liés aux staliniens par le pacte.
Des tracts sont distribués, voici ce à quoi invite l’un d’entre eux le 27 juillet 1940 : « Les soldats allemands sont vos frères, pactisez, ne vous trompez pas, votre ennemi c’est le grand capital, les trusts de France, d’Angleterre, d’Amérique »… Les tracts distribués par Guy Môquet n’appellent pas à la résistance : ils épargnent les nazis, accablent les capitalistes français, justifient le pacte germano-soviétique, attaquent l’Angleterre et les Anglais, insultent de Gaulle, font de l’URSS le pays de la liberté et de la démocratie. Guy Môquet est arrêté par la police de Vichy le 13 octobre 1940, non pas comme résistant, mais comme communiste stalinien appelant à pactiser avec l’occupant nazi. Il est interrogé, mais pas torturé. Il vit dans le camp sous un régime qui n’est pas concentrationnaire. Le 22 juin 1941, Hitler envahit l’URSS. Fin du pacte germano-soviétique brisé unilatéralement par les nazis.
Les communistes changent de stratégie, presque un an après la déclaration de la guerre, ils entrent enfin dans la résistance. Des nazis sont abattus dans les rues. L’occupant organise des représailles et prélève des otages dans les prisons. C’est dans cette configuration que Guy Môquet est fusillé le 22 octobre 1941. Le PCF qui a demandé la reparution de L’Humanité le 20 juin 1940 à l’occupant nazi sous prétexte qu’ils avaient des ennemis communs, (les juifs, les capitalistes, les anglais, la ploutocratie, le parlementarisme, lire le détail dans Juin 40. La négociation secrète de Jean-Pierre Besse et Claude Pennetier), ont eu besoin de se refaire une santé à la Libération – avec l’assentiment du général de Gaulle… Guy Môquet fut un moment idéal dans le dispositif légendaire communiste : ce jeune homme stalinien qui défendait l’union des communistes avec les nazis contre la démocratie parlementaire, autrement dit le contraire de la Résistance, devint la figure emblématique d’une résistance communiste totalement inexistante à cette époque.
Il y eut d’autres moments dans cette légende : le PCF fabriqua un faux pour faire croire qu’il avait appelé à la Résistance dès le 10 juillet 1940, « l’appel du 10 juillet » ; il s’intitula « le parti des 75.000 fusillés », alors qu’il y eut au total 4100 fusillés et que tous n’étaient pas communistes ; il présenta fautivement quelques noms de communistes comme résistants de la première heure (Tillon, Guingouin, Havez) alors qu’ils furent de bons soldats du pacte hitléro-stalinien ; etc. « Qu’avez-vous encore contre les communistes ? » me feront savoir nombre de mails ou de courriers que je sais déjà insultants… « Rien ». Rien contre les communistes, mais tout pour l’Histoire. Qu’il s’agisse de Freud et des freudiens, de Sartre et des sartriens, des communistes et de leur saga, le combat contre la légende et les mythes s’effectue moins « contre » que « pour » – en l’occurrence : pour l’histoire. Car le déni de l’histoire constitue et nourrit le nihilisme.
Michel Onfray, novembre 2011
« Alors mon petit Robert, écoutez bien le conseil d'un père !
Nous devons bâtir notre vie de façon à éviter les obstacles en toutes circonstances.
Et dites-vous bien dans la vie, ne pas reconnaître son talent, c'est favoriser la réussite des médiocres. »
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Michel Audiard