Post Numéro: 6 de Prosper Vandenbroucke 28 Oct 2012, 16:00
Voici le texte concernant cet ouvrage.
Les propos qui suivent n'engagent que l'auteur!!!!
(Québec) Beaucoup d'anciens camps de concentration nazis ne cessèrent pas de fonctionner, mais furent utilisés comme lieux de détention pour les Allemands ethniques pendant plusieurs années après la guerre.
À Oswiecim, c'est-à-dire Auschwitz, il s'écoula moins de quinze jours entre la libération des derniers survivants juifs du camp principal et l'arrivée des premiers Allemands ethniques.
Aucune distinction n'était faite entre ceux qui s'étaient réjouis de l'occupation allemande et ceux qui s'y étaient opposés. Entre 2000 et 3000 détenus des camps tchécoslovaques étaient des Juifs qui avaient tenté de limiter le risque d'agressions antisémites en se déclarant «allemands» lors du recensement de 1930.
Le ministre tchèque de l'Intérieur, Vaclav Nosek, déclara en février 1946 que le simple fait que certains Juifs eussent «un peu souffert» entre les mains des nazis ne signifiait pas qu'ils n'avaient pas été complices.
Une caractéristique notable du système des camps d'après-guerre est l'importance des agressions sexuelles ainsi que des humiliations et punitions sexuelles ritualisées qui étaient infligées aux détenues.
John Colville, haut fonctionnaire britannique et ancien secrétaire particulier de Winston Churchill, déclara en juillet 1946 que «les camps de concentration et tout ce qu'ils représentaient n'avaient pas disparu avec la défaite de l'Allemagne».
Réaction du Dr Bedrich Bobek, un habitant de Prague : «Que personne n'ait recours à l'excuse selon laquelle les Allemands en ont fait autant. Soit nous sommes aptes à être leurs juges, auquel cas nous ne pouvons nous conduire comme eux, soit nous ne sommes pas différents d'eux, auquel cas nous renonçons au droit de juger.»
En temps de paix, l'Europe n'avait jamais connu et ne connaîtrait jamais plus, à l'ouest de l'URSS, un aussi vaste complexe de détention arbitraire, dans lequel des dizaines de milliers d'individus, dont de nombreux enfants, perdraient la vie.
Que ce système ait échappé à l'attention des Européens et au regard des historiens est la preuve terrible que les plus effroyables maux commis au grand jour peuvent passer inaperçus lorsque l'opinion publique internationale préfère ne pas voir.
Épuration ethnique
Ces propos, et d'autres encore plus choquants, vous les trouverez dans Les expulsés. Publié par Flammarion, ce livre de 512 pages est le fruit d'une patiente recherche de Ray M. Douglas, l'un des 300 meilleurs universitaires américains selon The Princeton Review.
Professeur d'histoire contemporaine à l'Université Colgate, dans le nord de l'État de New York, Ray M. Douglas s'est penché sur un fait historique occulté : l'épuration ethnique dont ont été victimes les Allemands à la fin de la Deuxième Guerre mondiale.
Cette guerre à peine terminée, c'est par millions que des Allemands ethniques ont été brutalement expulsés de Pologne, de Tchécoslovaquie, de Hongrie, de Roumanie et de Yougoslavie.
Ce transfert forcé de population est estimé entre 12,6 et 14 millions de personnes. Des femmes, des enfants et des vieillards pour la plupart. Ce fut la plus grande migration de l'histoire de l'humanité. Même les échanges de population entre l'Inde et le Pakistan, en 1947, n'ont pas atteint une telle ampleur.
Publiée au début de l'année par l'éditeur Yale University Press, le titre original de la recherche de Ray M. Douglas est Orderly and Human: The Expulsion of the Germans after the Second World War.
En lisant ce livre solidement documenté, on ne peut s'empêcher de penser à l'invective de Brennus lors du pillage de Rome, il y a 2400 ans : «Vae Victis.» Malheur aux vaincus!
Des précédents
Durant l'entre-deux-guerres, il y avait deux sortes d'Allemands : ceux qui vivaient dans le Reich, les Reichsdeutsche, et ceux qui vivaient à l'extérieur, les Volksdeutsche.
Ces Volksdeutsche, ou Allemands ethniques, peuplaient de prospères colonies disséminées un peu partout en Europe orientale. On en trouvait même en Russie où ils s'étaient établis au XVIIIe siècle à l'invitation de la tsarine Catherine II.
On appréciait leur savoir-faire, leur discipline et leur esprit d'entreprise.
Dans certaines régions, les Sudètes par exemple, ces Allemands ethniques formaient la majorité de la population. C'est pourquoi Hitler annexa les Sudètes en 1938, coup de force entériné par la France et le Royaume-Uni lors des accords de Munich.
En plus des Volksdeutsche de Tchécoslovaquie, de Roumanie, de Hongrie et de Yougoslavie, les expulsions massives de l'immédiat après-guerre ont touché les Reichsdeutsche de la Courlande, de la Prusse-Orientale, de la Poméranie et d'une partie du Brandebourg, de la Saxe et de la Silésie. Régions qui ont été enlevées à l'Allemagne et attribuées aux républiques baltes, à l'URSS et à la Pologne.
C'est ainsi que la ville où vécut Emmanuel Kant, Koeningsberg, devint Kaliningrad!
Pourquoi avoir expulsé les Allemands? Par esprit de vengeance. Et pour éviter les problèmes en créant des États dépourvus de minorités ethniques.
Il y avait eu des précédents dans les années 1920 : celui de l'Alsace-Lorraine d'où les Français avaient chassé 400 000 Allemands; celui d'un transfert de population entre la Grèce et la Turquie après le démantèlement de l'Empire ottoman.
Pris en étau
Ses villes bombardées et ses infrastructures détruites, l'Allemagne était un champ de ruines en 1945. Impossible pour ce pays dévasté d'accueillir, de loger et de nourrir un tel afflux de population.
Aussi, les puissances occupantes, à savoir les États-Unis, l'URSS, le Royaume-Uni et la France, tentèrent de contenir l'arrivée des millions d'Allemands chassés d'Europe orientale.
C'est au compte-gouttes, donc, que les expulsés purent entrer en Allemagne.
Pris en étau par des pays qui ne voulaient plus d'eux et par leur pays qui ne voulait pas d'eux, des millions d'exilés allemands furent arrêtés en Tchécoslovaque, en Pologne, en Hongrie, en Roumanie, en Yougoslavie et déportés dans des dizaines de camps d'internement. Enfin pas tous : seulement les femmes, les enfants et les vieillards. Les hommes, eux, furent soumis au travail obligatoire.
On estime à 500 000 le nombre de ceux qui ont payé de leur vie les mauvais traitements dans les camps d'internement et les conditions déplorables de transport vers l'Allemagne.
Cela prendra des années pour que l'Allemagne puisse absorber une telle masse de réfugiés.
Aujourd'hui, un Allemand sur quatre descend d'eux.
R. M. Douglas. Les expulsés, Flammarion, 510 p.