Post Numéro: 27 de jackele93 07 Déc 2012, 17:46
bonjour a toutes et tous,
Notre tonton souhaite repondre au correspondant "fbonnus" qui lui demande s'il connait d autres détails de cette époque .... OUI, d'abord des détails sur l Alsace dans la tourmente 39-45, mais par la suite aussi la 2ème guerre mondiale en général.
L'Alsace a été annexée au Reich en 1940, avec le consentement secret du maréchal Pétain. Les nazis ont essayé de nous germaniser par la force, chose qu'ils avaient cru aisée vu que notre dialecte a des origines germaniques. Cependant, juridiquement et affectivement la majorité des Alsaciens s'estimaient français. En effet, en 1940, la France n'a signé qu'un armistice et non un traité de paix. Officiellement le sort des populations est resté en suspens et cette population, toujours en droit international, était restée française.
Cela n'a pas dérangé les nazis qui ont quadrillé et contrôlé à l'extrême notre province, avec la volonté bien affichée d'éradiquer tout ce qui était français : interdiction de parler le français, de détenir de la littérature française, de porter le béret, même les mots courants français qui faisaient partie de notre parler étaient prohibés sous peine de sanctions; le bonjour, au-revoir, merci, salut, s'il vous plait.
Les porteurs de patronymes français devaient se soumettre à leur germanisation ou adopter carrément un nom allemand. Curieusement, à l'intérieur du Reich, les descendants des huguenots qui ont quitté la France lors de la révocation de l'Edit de Nantes en 1685, continuaient à porter leurs noms français (les Oudet, Dujardin, Vaillant, de Mézière, Maginot, Poullain ou Lafontaine...).
Nos rues changeaient de nom. Cela n'allait pas sans grogne, mais souvent leur maladresse alimentait notre humour perfide. Tout Mulhouse, et avec elle toute l'Alsace, s'est fendue de rire, lorsque les nazis ont transformé leur "rue du Sauvage" en "Adolf Hitler Strasse". Dans le tram, lorsque vous preniez votre billet et que la station de votre destination portait un nom qui vous déplaisait, vous preniez un billet pour "tout droit" et le receveur alsacien comprenait.
Il était interdit d'écouter la radio étrangère, quelle qu'elle fût. Nous étions soumis à une propagande intensive. Journaux, films et actualités glorifiaient les exploits et même les non-exploits de l'armée du Grand Reich, à tel point que les enfants qui connaissaient la conviction de leurs parents, commençaient à douter d'eux. Les nazis croyaient que par les enfants ils pourraient avoir accès aux convictions intimes des parents. Tel ce professeur de musique, qui, en 1944, en uniforme noir SS (situation vécue personnellement) chante en Français "La fleur que tu m'avais jetée" (Carmen, Georges Bizet) pour demander à ses élèves ce qu'ils ont compris. Précieux renseignement pour savoir où nous en étions avec une langue que depuis quatre ans nous n'avions plus le droit de parler. Machiavélique !!!!!!
Dès le départ, obligatoirement, la jeunesse était embrigadée à partir de 10 ans dans la Hitlerjugend (jeunesses Hitleriennes - à la campagne c'était plus difficile pour eux à mettre ces structures en place, et puis, il fallait que les enfants aident les parents aux travaux des champs; pour les filles c'était le Bund deutsche Mädel (Union des jeunes filles allemandes) qui débouchait à 16 ans sur le Reichsabeitsdienst RAD (service du travail du Reich pour les garçons et les filles). Pour les nazis une période privilégiée d'endoctrinement.
Au bout de RAD, à 18 ans, attendaient la Wehrmacht pour les hommes et le Kriegshilfsdient. KHD pour les femmes (service auxiliaire de guerre : Luftwaffe-Armée de l'air, marine, Flak- DCA, usines de guerre, hôpitaux militaires).
La fuite et la désertion étaient pratiquement impossibles.Ceux qui ont osé et qui se sont fait prendre ont été exécutés et leurs familles ont eu à subir les plus dures répressions, déportations ou camps de concentration. Pourtant, il y en a qui ont réussi, mais ils s'y sont pris très tôt, bien avant les décrets du 25 Août 1942 instaurant l'incorporation pour les Alsaciens et les Mosellans.
Les Alsaciens originaires des vallées vosgiennes où l'on ne parlait que le Français ont été incorporés en majeure partie dans la Kriegsmarine (marine de guerre). En plein océan, tu survis ou tu péris avec tout l'équipage, quelles que soient tes convictions personnelles, philosophiques ou patriotiques.
En 1946, le Tribunal allié de Nuremberg a qualifié de crime de guerre l'incorporation forcée de ressortissants étrangers dans l'armée allemande.
Quelle qualification mériterait le silence de la France de Vichy lors de l'incorporation forcée des citoyens français d'Alsace par
l'Allemagne nazie ?
A toutes ces terreurs et humiliations, il faut ajouter les nombreux bombardements aérien de l'aviation anglaise ou américaine.
Le 6 septembre 1943, je n'avais pas encore 10 ans, je suis sorti des décombres de mon école rasée jusqu'à la cave lors du premier bombardement de Strasbourg. Jusqu'ici nous avons cru dans le mythe qu'en tant que Français, quoique annexés, l'aviation alliée nous épargnerait.
Région frontalière, l'Alsace était soumise à une intense immigration allemande, de même que de nombreuses industries de guerre avaient été installées de ce côtés du Rhin. Les ateliers du constructeur automobile Mathis, émigré aux Etats-Unis, abritaient le constructeur de moteurs d'avion Junkers. Les casernes regorgeaient de militaires allemands et les aérodromes logeaient l'aviation de chasse. Les ponts sur le Rhin constituaient des cibles stratégiques et se trouvaient protégés par la DCA. Finalement ces pont n'ont jamais été attaqués par l'aviation alliée, car le haut commandement allié comptait pouvoir les utiliser par la suite. On peut donc comprendre aisément pourquoi même nos amis et libérateurs nous ont infligé des blessures.
L'Alsace avec ses habitants, à l'époque était située au mauvais endroit, pourrait-on dire !!.
L'Alsace dans la tourmente ...........; mon cousin Louis :
Lorsque mon cousin Louis devait, fin 1942, se présenter au conseil de révision, il n'y est pas allé. Il avait alors 17 ans, moi j'étais âgé de 9ans. Deux agents en manteau de cuir et portant des chapeaux l'ont cherché à la maison et l'ont emmené dans les bureaux de la Gestapo où il a subi un interrogatoire musclé.
A la question comment il s'appelait, il a répondu Louis Bieth. Aussitôt, il a reçu un coup de poing dans la figure et il s'est écroulé le visage ensanglanté.
Debout et au garde à vous, il s'est vu reposer la même question, et à la réponse Louis Bieth, il a dû subir un second passage à tabac, puis l'officier de la Gestapo à hurlé : "Vous vous appelez LUDWIG Bieth - Répétez !".
Mon cousin à été incorporé par la suite dans un régiment disciplinaire et envoyé sur le front de l'Est. A la mort de sa mère, on lui a refusé sa permission et il n'a pas pu se rendre aux obsèques.
Il a été vu pour la dernière fois en 1945 au camp des prisonniers de Tambov. Il n'est pas rentré de la guerre. Les nazis l'ont embrigadé et dans leur uniforme, ils l'ont mené au sacrifice pour un Reich qu'il détestait, lui, jeune homme qui avait incarné la joie de vivre.