Bruno Roy-Henry a écrit:L'ironie ne me paraît pas avoir sa place dans cette discussion. Il faut essayer de demeurer impartial, équitable et non-partisan. C'est, du moins, ma règle de conduite. Le dernier post de Francis ne me paraît pas correspondre à cette déontologie. Je n'y répondrai donc pas.
Le message de Francis Deleu auquel vous faites référence me paraît à l'inverse très pertinent - à l'instar de ses interventions dans ce fil - et, compte tenu de la position que vous adoptez dans cette discussion (prétendre que Vichy ne savait rien, avant décembre 1942, du sort des Juifs déportés, et attendre tranquillement que vos contradicteurs vous apportent la preuve du contraire, sans travailler par vous-même), il m'intéresserait que vous y répondiez.
Cela dit, et pour votre parfaite information, je verse au dossier deux pièces de nature à éclaircir un peu la problématique, laquelle mériterait certes d'être clarifiée - mais n'anticipons pas :
1)
Le 20 juillet 1942, Louis Sadosky, flic des R.G. revenu de Berlin, communique à ses supérieurs que ses amis du
S.D. de la capitale du
Reich lui ont communiqué, le plus tranquillement du monde, que Hitler recherche
"la destruction complète et à jamais de la race [juive]
. Dans le Gouvernement général, les juifs ne vivent pas longtemps." Ce rapport émane d'un agent qui ne fait pas partie de n'importe quelle branche de la police. Ses supérieurs l'ont reçu alors que les rafles étaient massivement effectuées. Est-il concevable qu'une telle information ne soit pas remontée en haut lieu ? Est-il concevable qu'elle ne se soit pas ajoutée à d'autres informations ?
2) Le 9 octobre 1942, Anne Frank écrit dans son Journal :
"Nous n’ignorons pas que ces pauvres gens [les Juifs raflés] seront massacrés. La radio anglaise parle de gazages [
"De Engelse radio spreekt van vergassing"]
... Peut-être est-ce encore le meilleur moyen de mourir rapidement. J’en suis malade..." Etonnant : une jeune fille hollandaise coincée dans son grenier d'Amsterdam en saurait donc davantage, à cette date, qu'un Pétain ou un Laval ?
[...] Il est d'ailleurs remarquable que ce chef d'accusation n'ait pas été abordé à la Libération contre Pétain ou Laval... On ne peut que le déplorer.
En effet. Car figurez-vous que les dirigeants vichystes qui passaient en jugement avaient tous ou presque préparé leur dossier sur cette question, allant parfois jusqu'à anticiper les questions posées au stade de l'instruction ou en audience. Ni les autorités de poursuites, ni les Tribunaux n'y ont cependant accordé le même intérêt. Il en résulte que, le plus souvent, ce sont les accusés vichystes qui ont été le plus diserts sur la "question juive". Ce souci me paraît révélateur d'un état d'esprit peu susceptible de laisser place, de leur part, à la bonne conscience.
D'ailleurs, une question n'a
jamais été posée dans un tel débat : pourquoi, à ce jour, si peu de preuves écrites - à l'exception du rapport Sadosky - relatives aux interrogations que pouvait nourrir Vichy ou à sa connaissance du sort des déportés, ont-elles été publiées ? La faute aux historiens, qui n'ont pas encore entamé les démarches nécessaires et conclu un peu vite que Vichy ne voulait pas savoir, ce dont je doute absolument ? Ou le résultat d'une politique d'épuration documentaire conduite avant la Libération par les autorités de Vichy pour effacer les traces de leur compromission ? Après tout, si Vichy ignorait véritablement ce qu'il en était, une telle ignorance devrait se voir, se lire, se déduire, se comprendre, dans les documents de l'Etat français. Or, dans ce cas précis, il n'en est rien. Comme si les documents que Vichy avait nécessairement établi sur le sujet avaient mystérieusement disparu, à l'exception de quelques pépites telles que le rapport du flic des R.G.