Je ne suis pas, loin de là, un "défenseur de Pétain", mais en tant qu'historien travaillant sur cette période, je ne peux être que frappé par les inexactitudes, pour le moins, qui ont entouré la découverte du document, tant dans la présentation des faits que dans leur analyse.
Ce document n'apporte rien d'essentiel sur le statut des juifs d'octobre 1940. Nous savons depuis longtemps que le maréchal a insisté pour aggraver le projet, et le document vient seulement le confirmer. Il est intéressant sur le plan de la mémoire, bien plus que sur le plan de la connaissance historique, à laquelle il n'apporte rien de neuf.
Surtout, ce document ne dit rien quand à l'argument de certains concernant la protection ou non donnée par Vichy aux juifs français. Nous sommes en octobre 1940, dans le contexte d'un antisémitisme français qui est le prolongement d'une vision propre à la France développée dans les années trente, et qui est un antisémitisme essentiellement différent du racisme nazi. A la date du document, la solution finale n'a pas encore été mise en place et il n'est nulle part question d'un danger physique pour les juifs, en tout cas pour ceux de nationalité française. Nous ne pouvons donc tirer aucune conclusion quant à l'attitude de Vichy presque deux ans plus tard, lorsque les nazis mettront en place en France la solution finale, et que le gouvernement de Vichy devra faire des choix quant à son attitude et à sa collaboration dans le domaine des déportations.
Curieux texte, curieux débat. Michel s'oppose violemment à Klarsfeld tout en partageant son idée principale et, à mon avis, fausse : que l'antisémitisme maréchalien devrait tout à l'affaire Dreyfus et rien au nazisme.
Cependant, Klarsfeld, lui, semble commencer à nuancer ce point de vue, lorsqu'il voit dans le document http://www.lemonde.fr/societe/article/2 ... _3224.html
une confirmation de l'antisémitisme de Pétain, du fait qu'il n'a pas essayé, contrairement à ce que disent certains, d'épargner les juifs, et du fait enfin qu'il n'a pas hésité à s'aligner sur l'idéologie raciale nazie dans le but d'obtenir pour la France une forme de souveraineté.