Post Numéro: 73 de Kristian Hamon 18 Nov 2010, 20:26
Bonsoir,
Pour compléter ce sujet concernant le camp du Struthof, voici un extrait d'un manuscrit que je viens de terminer. Il s'agit du dernier chapitre traitant de la fuite en Allemagne de différents agents de l'Abwehr et de la SD ayant opéré en Bretagne. Parmi eux, le chef de la milice de Rennes, le sinistre Schwaller et sa femme, dite "La Panthère", qui ont suivi Darnand :
"Le 7 septembre, nouveau départ pour Mulhouse où la Milice ne fait qu’une brève étape avant d’arriver au camp de Natzwiller-Struthof les 10 et 11 septembre. Scènes surréalistes que ces miliciens découvrant les détenus, qu’ils ont pourtant contribué à arrêter, de ce camp de concentration en cours d’évacuation par les Allemands : « Les miliciens sont désagréablement surpris par ces miradors, ces fossés, ces triples rangées de barbelés. Il sont encore plus étonnés de voir ces gens vêtus de pyjamas rayés, très sales, avec des figures de cadavre, qui marchent une pelle sur l’épaule, surveillés par des SS. » (Cité par Delperrié de Bayac) Ces miliciens vont quitter le camp vers le 21 septembre, avant l'arrivée des Alliés.
Autre passage, cette fois-ci sur le camp de travail de Schirmeck. Là il s'agit de la fuite du Groupe d'Action du PPF qui a quitté Rennes le 2 août 44, juste avant l'arrivée des Américains. Dans ce véritable panier de crabes, un jeune homme de 19 ans et un couple. Après avoir commis les pires exactions en Bretagne et lors de leur fuite vers l'Est, ils vont se retrouver à leur tour déportés !
"Le Groupe d’Action quitte donc Chaumont en même temps que la Formation Perrot. Ses membres n’ont rien à envier aux nationalistes bretons en matière de crimes contre la Résistance. Roger W. fait partie du groupe : « Départ ensuite pour Vittel puis Epinal où nous restons une journée et Saint-Dié où nous étions stationnés dans une caserne. Le groupe quitte Saint-Dié pour Lunéville où il est cantonné une dizaine de jours dans une caserne. Plusieurs arrestations sont opérées. Plusieurs personnes abattues au bord de la route une heure après le départ de Lunéville par des membres du Groupe d’Action. Pendant le séjour à Cirey, Goavec, Gaston G. et sa femme ont été envoyés au camp de concentration de Schirmeck pour avoir puisé dans la caisse du groupe et s’être rendus coupables de malversations envers les camarades. Nous n’avons plus jamais entendu parler d’eux. » C’est Lucien Imbert, le chef du Groupe d’Action, qui a pris la décision d’envoyer Goavec au camp de Schirmeck-Vorbrück. Ce camp de « rééducation », administré par la SD et non directement par la SS, est situé à quelques kilomètres de Cirey : « Lors d’une perquisition chez des particuliers, il s’empara d’une quarantaine de mille francs, ce qui motiva son envoi dans un camp de concentration à Schirmeck près de Strasbourg. A part cela je sais très peu de choses sur son activité car il était refermé (…) Il expliquait qu’il était entré au service de la SD par idéal. »
Sur ce qui s’est passé à Lunéville le 10 septembre 1944, Armand Lussiez, membre du Groupe d’Action, reconnaît avoir participé au pillage d’une épicerie. Puis, selon lui, quatre ou cinq prisonniers sont emmenés et fusillés sur la route de Blâmont. Lussiez reconnaît avoir tiré mais ne sait pas le nom de celui qu’il a abattu : « En quittant Lunéville, mon groupe a gagné Blâmont, Cirey, l’Allemagne, puis est revenu à Cirey où il est resté environ un mois et demi. Durant le séjour du groupe dans cette localité, l’activité à laquelle il se livra contre la Résistance, en collaboration avec la SD de Rennes fut grande. Des enquêtes eurent lieu tant à Cirey que dans les environs, notamment à Val-ès-Chatillon, à Badonviller, à Petitmont le 8 octobre 1944 en Moselle. J’ai participé à Cirey à l’arrestation de deux gendarmes qui furent remis aux Allemands et d’un épicier nommé Valentin qui fut dévalisé. J’étais présent aussi lors du pillage du « Café Lorrain ». Mes camarades se livrèrent de leur côté à diverses opérations, c’est ainsi que fut arrêté à Val-ès-Chatillon, un nommé Thomas. Il fut exécuté avec trois autres prisonniers dans les bois proches de Cirey. J’avais creusé leurs fosses avec Pottier sur ordre d’Imbert. En définitive, une vingtaine de personnes furent arrêtées à Cirey et dans la région par le Groupe d’Action du PPF et les Allemands. Elles furent déportées en Allemagne et envoyées d’abord à Schirmeck. C’est à Neustadt que les membres du groupe furent mis en demeure de choisir entre différentes solutions : engagement dans la Légion Brandebourg, dans les Waffen SS, dans une école d’espionnage ou enfin travail dans les usines avec mission de mouchardage. »
Gaston G., qui avait été envoyé au camp de Schirmeck avec son épouse et Goavec, sera transféré à Dachau, sa femme l’étant sur un camp de concentration de la Forêt-Noire. Libéré par les Américains, Gaston G. rentrera en France le 29 mai 1945 : « Après être passé dans différentes localités, le groupe est arrivé à Cirey où le séjour fut prolongé. Toujours sous les ordres de la SD des enquêtes furent menées dans cette ville et dans les environs. Notamment à Blâmont et Badonviller, par Tilly, Goavec, etc. Elles eurent pour conséquence l’arrestation d’un grand nombre de personnes par Imbert, Chaperon et Lussiez. Parmi les personnes arrêtées, je peux citer le curé de Petitmont, l’abbé Père, deux gendarmes de Cirey, dont un fut maltraité par Goavec. Toutes ces personnes furent déportées en Allemagne. J’en ai retrouvé plusieurs au camp de Schirmeck et de Dachau. C’est le 13 octobre 1944 que j’ai été arrêté sur ordre d’Imbert et envoyé à Schirmeck avec les autres prisonniers du groupe. Imbert donna comme motif de mon arrestation le fait que je lui ai escroqué une certaine somme d’argent. En réalité c’était là l’aboutissement d’une vieille rancune qu’il gardait contre moi."
Déporté à Dachau, le jeune Goavec ne reviendra pas.