Post Numéro: 7 de hilarion 15 Juin 2010, 17:34
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Brest
Avec le temps passe au tribunal
mardi 15 juin 2010
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L'écrivain Michel Treguer, l'éditeur Charles Kermarec et leur avocat maître José Dano, hier au palais de justice.
Béatrice Le Grand
Décrit dans le livre de Michel Treguer paru aux editions-dialogues.fr, « l'enfant de l'Allemand » dénonce cette « intrusion dans sa vie privée ».
Oui, l'écrivain Michel Treguer avait le droit d'écrire sur Bourg-Blanc. Mais dans Avec le temps, sa chronique du village breton sous l'occupation allemande, avait-il aussi le droit de consacrer un chapitre entier à M. R., « l'enfant de l'Allemand » ? En citant ses nom et prénom, les membres de sa famille et le quartier brestois où il vit aujourd'hui ? Le tout au nom de la vérité historique ? Autant de questions posées, hier, au tribunal par maître Berthelot, l'avocat de M. R.
Depuis la parution du livre en février, aux editions-dialogues.fr, le plaignant vit très mal cette « intrusion dans son intimité » : « Prétextant des recherches sur sa propre famille, Michel Treguer a livré au public les confidences de M. R. à son insu, continue maître Berthelot. Jamais M. R. n'a été avisé que ces révélations seraient utilisées dans Avec le temps. »
Au regard de la loi, deux principes s'entrechoquent : la liberté d'expression, et d'édition, et le droit à la vie privée : « Il y a un décalage considérable entre la vérité historique et la réalité de la situation », souligne maître Berthelot.
« Omerta familiale et sociale »
En face, maître Dano insiste, lui, sur l'intérêt « ethnologique » de l'ouvrage : « Avec le temps décrit quatre années de cette « drôle de paix », la cohabitation entre les habitants de Bourg-Blanc et les occupants allemands. Puis, il évoque la Libération, un village qui se déchire, des dénonciations. Sans jamais médire des personnes citées. Au contraire, Michel Treguer réhabilite des personnes accusées à tort. Aucune d'entre elles ne sera condamnée. »
Michel Treguer l'écrit ainsi : « L'omerta familiale, aussi bien que sociale, a été totale, et plus odieuse que charitable. Tout le monde savait à Bourg-Blanc qu'il était le fils d'un soldat allemand. Mais il sera le seul devant lequel il n'en sera jamais question. »
Maître Dano pose à son tour des questions : « Où est le secret ? Où est l'atteinte à la vie privée ? D'emblée, M. R. s'est présenté à Michel Treguer comme le fils d'un soldat allemand. Et M. R. a raconté qu'il n'avait jamais retrouvé son père, malgré de multiples démarches, comme la publication d'annonces dans des quotidiens allemands, avec la photo de sa mère et l'adresse de la famille », argumente l'avocat.
« Une façon de raconter difficilement acceptable »
M. R. ne reproche pas seulement l'intrusion dans sa sphère privée, mais aussi une « façon de raconter difficilement acceptable ».
Michel Treguer le décrit ainsi : « C'est un homme sympathique au ventre avantageux, qu'on imaginerait bien en effet attablé dans une taverne bavaroise, devant bière et choucroute. » L'auteur va aussi questionner la tante de M. R., à la maison de retraite : « Je reviendrai, écrit Michel Treguer. Quand ma proie sera seule. »
Surtout, M. R. n'a jamais rien demandé à Michel Treguer : « Il ne souhaite pas que ça se sache, insiste maître Berthelot. C'est sa vie, son choix, il est maître de son destin. » En 2009, la République Fédérale décidait d'accorder la nationalité allemande à tous les enfants conçus par un soldat de la Wehrmacht entre 1939 et 1945. À près de 70 ans, M. R. n'a pas donné suite.
L'écrivain Michel Treguer a tenu à faire entendre sa voix : « J'ai eu des rapports très cordiaux avec M. R. J'ai éprouvé de la compassion pour lui. Son histoire est emblématique de l'évolution de la France et de l'Allemagne. On vit dans une Europe pacifiée, les temps ont changé. »
Ce à quoi le président du tribunal Jacques Stoll, qui a mis l'affaire en délibéré jusqu'au 5 juillet, rétorquait : « Je ne suis pas certain que l'affaire soit aussi réglée que vous le pensez... Je parle des relations franco-allemandes ! »
Frédérique GUIZIOU