François Delpla a écrit:Mais enfin, Clayroger, je n'ai jamais été en désaccord avec cet argument des défenseurs de la loi, suivant lequel elle ne gênait pas les historiens dans leur travail.
Ah ! c'est une bonne nouvelle.
Vous vous placez donc sur un plan philisophique.
François Delpla a écrit:Je ne suis précisément pas, figurez-vous, négationniste, des preuves de la Shoah j'en croise tous les jours et j'en élabore à l'occasion (par exemple en relayant et en développant l'intuition d'Edouard Husson sur le projet Madagascar, matrice du génocide en tant qu'il définit un "grand ghetto" dont le SD contrôlera les accès, l'approvisionnement et la police, cf. http://www.wmaker.net/seminaireshoah/Me ... _a179.html) : donc n'ayant pas l'occasion de nier ou de mettre en doute ce meurtre de masse mûrement pensé, il va de soi que je ne suis pas gêné par la loi Gayssot dans l'avancement de mes recherches !
Quelle drôle de pensée vous mettez dans mes propos !
Je mets ce développement sans objet sur le compte de votre propension à la polémique et n'y réponds pas plus que cela.
François Delpla a écrit:La question est ailleurs et votre cécité me surprend. Il s'agit seulement d'une réflexion sur le droit : il n'a pas à privilégier une catégorie, or il le fait en isolant un massacre et en donnant à ses victimes des droits particuliers. Non seulement ce n'est pas un service à leur rendre, mais il y a sur la planète force groupes prêts à foncer dans la brèche en disant "pourquoi pas nous?" et l'expérience a suffisamment montré que les législateurs étaient capables de s'y laisser prendre.
En parlant des victime, vous songez, je pense à tout citoyen de la République française, car c'est bien de nous tous qu'il s'agit.
Bien sûr, la loi est égale pour tous. Mais son champs peut atteindre des particularités. En d'autres termes, le loi pose des principes généraux et parfois légifère sur des exceptions.
La Shoah est une exceptions, par ses moyens, ses techniques, son ampleur.
Tellement exceptionnelle qu'elle a généré une contestation, un mouvement que l'on a surnommé "négationniste".
Armé de redoutables techniques de rhétorique, elle fait appel au passionnel et aboli tous sens cognitif.
Un intellectuel peut rivaliser avec ces sourdes activités et ces arguments fallacieux, mais la grande majorité des français, certes non.
D'autre part, le dispositif législatif de lutte contre l'antisémitisme s'appuie sur des délits d'injures et d'appels à la haine raciale.
Or le discours faurissonesque est un discours d'apparence scientifique, calme, qui paraît posé.
Ici, nulle injure, nul appel aux croisades. Juste un discours qui entend "démontrer" l'erreur, la faute.
Nulle aspérité qui permette donc à un magistrat d'agir à l'encontre du porteur d'une pareille thèse.
Sans la loi Gayssot, le discours négationniste est licite car il s'appuie sur un autre principe fort de notre République qui est la liberté d'expression, qu'elle limite donc.
La loi Gayssot apparaît donc à la fois comme la reconnaissance d'une exception et la précision d'un dispositif législatif.
François Delpla a écrit:Au fait, tout le monde est-il au courant des récents ravages de cette logique sur le plan européen ?
Il y a actuellement dans l'Union une inflation de lois qui entravent sérieusement la recherche et qui n'ont pas pour l'instant de retombées en France mais pourraient en avoir demain matin, en encadrant tout discours sur les guerres coloniales, l'épuration, les fusillés de 1917, voire la Vendée et les Croisades ! Il y a aussi, en Russie, des efforts néo-staliniens de Poutine pour rendre pénalement punissables des études sur les atrocités de l'Armée rouge en Allemagne, etc. Cf. http://www.lph-asso.fr/
Ici vous passez à un autre ordre d'idées, qui serait un principe issu de la loi Gayssot, ce qui reste à démontrer.
On ne peut être que d'accord avec vous car l'entrave à la recherche historique, entrave pénalisée, ne pourrait être que préjudiciable. C'est évident. Il n'y a pas de longs discours à faire là dessus.
En conclusion, je reste persuadé que pénaliser formellement tout discours visant à nier ou réduire outrancièrement la réalité de la Shoah (volonté politique consciente, techniques industrielles, ampleur des massacres, etc.) reste aujourd'hui indispensable.
Sans loi Gayssot, c'est la voie ouverte au discours négationniste.
Qui veut voir ça ?