Post Numéro: 6 de Christian27 27 Jan 2010, 12:21
Voilà qui vous en dira un peu plus:
Opération Lucy par A. Read & D. Fischer 1980
p.194
Qui était Werther ? Cette question devait hanter les organismes allemands de contre-espionnage pendant toute la guerre et, quoique plus de trente ans aient passé, elle peut encore enflammer les passions. Un certain nombre d'auteurs ont monté en épingle le cas Werther, avec cette sorte de folle logique qui hante la controverse sur l'identité de Shakespeare. Werther était-il un nom de code pour un groupe de dix à douze officiers supérieurs de la Wehr¬macht, antifascistes ou procommunistes, travaillant à l'état-major de Hitler ? Ou au contraire pour un seul homme ? Laissons-là ces imprudentes spéculations pour le moment, et dissipons d'abord certaines illusions.
Après la guerre, beaucoup d'Allemands qui tenaient l'invincibilité de la Wehrmacht pour un article de foi se demandèrent comment la plus puissante machine de guerre de l'histoire avait pu être vaincue par ces Untermenschen - les sous-hommes de la mythologie hitlérienne - qu'étaient les Slaves et les Mongols? Il ne pouvait y avoir qu'une seule explication : la trahison. La Wehrmacht avait dû être trahie de l'intérieur même. Nombre de journaux et revues de droite commencèrent une chasse aux sorcières afin de démasquer le ou les traîtres. Mais malgré cette campagne qui a provoqué bien des angoisses et nui à plusieurs carrières innocentes, personne n'a jamais découvert l'identité du ou des mystérieux Werther.
Cet échec n'est guère surprenant car, en réalité, il n'y eut jamais de Werther. Ce n'était pas du tout un nom de code personnel mais simplement un en-tête de fichier d'archives, utilisé par Rado pour indiquer la nature des renseignements fournis par Rössler. Quand Rössler faisait envoyer ses télégrammes par Sissy ou Schneider, il indiquait l'organisme concerné en haut de chaque message, par exemple : « OKW » (Oberkommando der Luftwaffe, le haut commandement des forces aériennes), « Auswärtiges Amt » (le ministère des Affaires étrangères), etc. Lorsque Rado chiffrait les messages il y ajoutait un nouvel en-tête pour guider le directeur, et mieux déguiser la source des messages. Le matériel relatif à la Wehrmacht avait pour en-tête « Werther » ; celui concernant la Lufwaffe « Olga », et celui intéressant les Affaires étrangères « Anna ». Comme la plupart des noms de code inventés par Rado, ils étaient très simples. D'autres noms. relatifs à des questions plutôt qu'à des gens, étaient Teddy, Ferdinand, Stefan, Fanny...
Ces noms s'appliquaient surtout à des informations fournies par Rössler, mais celui-ci n'en savait rien, pas plus qu'il ne connaissait à l'époque son surnom Lucy. Seuls Rado, les membres du réseau qui l'aidaient à chiffrer ses messages et le directeur à Moscou connaissaient la signification de ces noms. Lorsque Rado les choisit pour tromper l'ennemi, il n'imaginait pas le succès qu'il obtiendrait !
Naturellement, il y avait dans les différentes armées un certain nombre d'Allemands anti-hitlériens qui fournissaient des informations aux Alliés. La célèbre Viking Line en est un exemple; elle alimenta abondamment. entre autres, le NS1 suisse, mais elle n'avait pas de rapports avec Lucy.