Signal a écrit:Auschwitz c'est très bien, mais quid des autres camps, répartis en une myriade de petits Kommandos partout en Europe ? Leurs bâtiments disparaissent peu à peu dans l'indifférence générale, ne faudrait-il pas, eux aussi, les sauver ? Ne risque-t-on pas, à force de ne voir qu'auschwitz, d'avoir une idée faussé de l'ensemble, comme c'est le cas pour le monde romain, que le grand public ne voit qu'à travers le site emblématique mais particulier de Pompeï ?
Tout à fait d'accord. J'ajouterais cependant que l'indifférence relative pour les autres camps ne doit pas influencer la manière de concevoir Auschwitz. Auschwitz possède un intérêt intrinsèque, qui ne doit pas être diminué sous prétexte que d'autres lieux méritent aussi d'être mis en valeur. Ce sont deux combats différents. En fait, il y a autant de combats que de camps...
Signal a écrit:Autre problème : préserver pourquoi ? En quoi une visite d'un camp apporte-t-elle plus que la visite d'un musée intelligemment conçu (comme par exemple à l'Imperial War Museum de Londres, je vous le recommande, et la section Shoah est extraordinaire) ?
Cette affirmation me laisse un peu pantois, je dois l'avouer, mais c'est peut-être moi qui la comprend mal.
À mon sens, visiter ces lieux de mémoire permet à l'humain de communier avec l'Histoire, plutôt que de s'en faire servir un pastiche nécessairement à échelle réduite. Être sur les lieux d'un événement offre une charge émotionnelle bien différente que n'importe quel musée. Le lieu de mémoire et le musée (pas mutuellement exclusifs ceci dit) offrent deux perspectives différentes.
Sinon, pourquoi visiter les plages de Normandie alors?
Si la visite d'un lieu de mémoire n'apporte rien de plus qu'un musée, c'est toute la notion de lieu de mémoire (dans l'esprit d'un Pierre Nora) qui saute.
Signal a écrit:Pour que la visite apporte vraiment quelque chose, il faudrait que les visiteurs soient eux-même dans la peau des déportés, ce qui est impossible.
Peut-être pour vous. Ça dépend du niveau d'imagination de chacun.
Blague à part, quelqu'un de mon entourage m'a déjà dit avoir visité un camp de concentration et avoir pu le faire dans la peau des déportés, c'est-à-dire en empruntant le chemin des prisonniers, de l'enregistrement à la douche... Mais je ne me souviens pas si c'était Auschwitz.
Signal a écrit:Que dire des fosses communes des Einsatzgruppen ? Les sites sont existants, mais n'ont pas d'existence "visible". Un musée ne peut-il pas mieux expliquer le processus d'extermination dans toute sa complexité qu'un site, certes emblématique, mais de ce fait-même réducteur ?
Pourquoi cette opposition systématique que vous faites entre le lieu de mémoire et le musée? Ne pensez-vous pas que le mariage des deux est peut-être la meilleure option? Je le répète, les deux offrent, il me semble, un niveau de compréhension différent, mais complémentaire.
Signal a écrit:D'autres problèmes connexes se posent : que faire par exemple des monceaux de cheveux du musée d'Auschwitz ? Peut-on, moralement, les laisser à la vue du public alors qu'ils s'agit de restes humains ? Ne devrait-on pas plutôt les incinérer et garder les cendres dans des urnes, comme cela a été fait au Struthof ?
Question complexe il est vrai. Mais la morale n'est pas une valeur objective. Elle varie en fonction du temps, et de la culture. Comme on travaille ici dans le long terme, fonder une action sur la morale peut rapidement se révéler hasardeux.
Justement, vous ne pensez pas que l'amas de cheveux est bien plus à sa place à l'endroit même où il a été constitué que dans un musée? Ou encore, qu'il est bien plus porteur de signification à la vue du public, que dans des urnes?
Je ne suis généralement pas partisan de l'aseptisation de l'Histoire, personnellement. On ne peut tirer de leçon si on travesti l'horreur.
Très agréable de discuter de tout ça sans emportement. Merci pour l'opportunité.
FredSmith