LRDG a écrit:Bonjour,
J’ai du mal à imaginer le 1er septembre 1939 un Hitler souhaitant la guerre « européenne » immédiate.
Nous sommes tous d’accord je pense pour dire que Hitler est un fin politologue, qui allie parfaitement intelligence, finesse de jugement, roublardise, mensonges et menaces pour arriver à ses fins. On n’acquiert pas en 15 ans un tel pouvoir en étant le dernier des soudards.
(...)
Pourquoi prendre le risque à ce moment là d’une guerre sur deux fronts ? Le souvenir de la situation de 14/18 et de ses conséquences douloureuses est à ce moment là fortement ancré dans les esprits allemands, surtout les militaires. Et à cette date, la Wehrmacht n’a encore rien prouvé. L’armée la plus puissante du monde n’est elle pas sur le papier et dans les imaginations l’armée française ?
Et Hitler souhaite t il réellement la guerre avec l’Angleterre ?
Le cas de la France est limpide et annoncé. Cette dernière devra devenir un « satellite » de la grande Allemagne, et travailler pour elle. Mais son cas n’est pas pressé. Hitler peut très bien régler d’abord ses affaires à l’est, puis se retourner tranquillement vers la France quand son heure sera venue. Je ne pense pas qu’une guerre d’agression supplémentaire lui soit inacceptable.
Son plan n’est il donc pas de miser en septembre 39 sur une inaction supplémentaire de la France et de l’Angleterre, dont il sait les gouvernements faibles et favorables à la paix à tout prix, comme ce fut le cas jusqu’à présent.
Ensuite, fort de l’expérience acquise par la Wehrmacht en Pologne, il règle leur compte militairement à la Hollande, la Belgique et la France, sans laisser le temps à l’Angleterre de réagir, ce qui force cette dernière à entrer dans un subtil jeu de négociation. Car jusqu’à l’entrée en scène de Churchill (là la surprise doit être de taille, et la réaction non simulée), Hitler ne caresse t il pas l’espoir d’une paix séparée avec l’Angleterre, sur un mode à moi l’Europe, à vous les colonies, aux USA l’Amérique ? Une fois cette « pax germania » réalisée, il sera temps à nouveau de se tourner vers l’URSS, et de poursuivre le programme initial.
Une logique du coup par coup, avec une montée en puissance graduelle, qui n’empêche nullement la vision à moyen terme, mais qui permet d’avancer sûrement, tout en préservant ses arrières.
On ne peut pas dire que grand monde se précipite sabre au clair pour exiger que vous sourçassiez tout cela !
Hitler intelligent, fin, politologue ? Mais dites donc on y vient ! Non, il n'est pas vrai que cela aille de soi, de grands savants ont longtemps dit le contraire de même que le grand public, et il en reste d'amples traces. (cela dit, pour répondre à un propos de Clayroger, il est faux que tout le monde à part votre serviteur, et notamment tous les historiens, croient encore aujourd'hui que Hitler ne s'attendait pas à la guerre).
Nous n'en avons pas fini avec la querelle du 3 septembre. Puisque personne ici ne met en doute le témoignage de Schmidt, ce n'est pas la source qui nous divise, mais son interprétation. Nous sommes face à deux hypothèses et pas une de plus : contrariété sincère, contrariété feinte.
Ce que je dis, c'est que vous ne pouvez pas affirmer à la fois que Hitler est malin, politiquement compétent, etc., et qu'il commet cette bourde de débutant, de croire que l'Angleterre va rester passive quand il se met dans le cas où la classe politique anglaise unanime lui serine depuis six mois qu'il ne doit pas se mettre sinon il déclenchera à coup sûr la guerre : résoudre non pacifiquement la question de Dantzig. D'autant que dans les derniers jours Chamberlain a multiplié les rappels, tant par les discours que par les actes (traité anglo-polonais très clair et contraignant
le 25 août : dites donc les agneaux, en voilà une source ! et elle ruine radicalement cette tarte à la crème, qui veut que l'Allemagne se soit imaginée que Londres mettrait les pouces en apprenant qu'un pacte germano-soviétique empêchait tout secours à la Pologne).
Que des naïfs, à Paris, Londres ou Berlin, croient que la guerre est encore évitable fin août, ou même le 2 septembre, soit. Mais pas Hitler, qui ordonne l'attaque et sait qu'il ne va pas l'interrompre. Et s'il ne le fait pas, pardon de me répéter, la guerre risque autant d'être évitée que 2 et 2 de faire 5.
Et puis tout de même cela converge diablement avec
Mein Kampf, à ceci près que dans ce précoce programme il n'annonçait pas qu'il mystifierait tout le monde en faisant semblant d'entrer en guerre pour la Pologne et rien d'autre, et qu'il réussirait l'exploit de se la faire déclarer par l'agressé, cette guerre-éclair contre la France.