Bonjour,
Il y a pas mal de choses intéressantes dans ce listing.
Mettons 75% de vrai avec 25% de bizarreries.
François Delpla a écrit:Je vais tenter un résumé rapide des manipulations les plus décisives de Hitler, celles qui l'amènent tout au bord de la réalisation point par point d'un programme écrit et publié quinze ans plus tôt, puis diffusé à des millions d'exemplaires, sans que PERSONNE, même Churchill ou de Gaulle, ne fasse le rapprochement à l'époque, tandis que beaucoup, aujourd'hui, ne le font toujours pas, ou pas assez.
Pour ma part, j'aurais préféré "tentatives de manipulation" à "manipulations" car ici, vous tendez à à faire croire que Hitler est un manipulateur qui parvient toujours à ses fins. Or il en est loin.
Je pense très sincèrement que vous exagérez les capacités de ruse d'Adolf Hitler et que vous sous-estimez celles de ses adversaires.
A partir de 1933,
tout le monde en Europe est dans une stratégie qui consiste à gagner du temps.
Tout le monde
sait que la guerre est inévitable. Il n'y a pas un politique qui imagine la paix se prolonger au delà des premières années de 1940.
Dire le contraire, c'est mentir.
Mais seulement voilà, personne n'est prêt. Ni les Britanniques, ni les Français, ni les Russes, ni les Italiens, ni les Américains. On estime qu'il faudra encore deux à trois ans afin de moderniser les équipements et revoir les doctrines.
La Wehrmacht n'est pas prête non plus en 1939 à mener une guerre de conquête, donc offensive. Hormis du côté de la Luftwaffe qui est l'arme incontestablement la plus modernisée. Et c'est d'ailleurs elle qui va faire la différence en Pologne.
François Delpla a écrit:1) Il se présente comme un type nerveux, qui réagit au jour le jour, ce qui masque parfaitement la continuité de son action.
Je ne sais où vous allez chercher que Hitler se présente comme un
type nerveux.
Les témoins le présentent au contraire comme une personnalité calme et résolue, d'autant plus calme dans les crises.
Moi je n'ai jamais lu aucun témoignage qui contredisait ce trait de caractère.
Par contre il a pu avoir des marques d'énervement au moment où ses plans se voient contrariés. Cela n'en fait pas pour autant un
type nerveux.
Par conséquent, il ne masque pas la continuité de son action puisque tout le monde est au courant de sa stratégie. Il ne faut quand même pas être grand clerc pour la comprendre en 1938-1939, voire même avant.
François Delpla a écrit:2) Il se donne volontiers l'image d'un rustre mal dégrossi, exagère volontairement la misère et la clochardisation de sa période viennoise, s'attribue mensongèrement une période de travail manuel pour faire plus prolo et ne réagit pas beaucoup quand ses adversaires le traitent de peintre en bâtiment, de raté, de flemmard, de corrompu.
Tout cela est parfaitement exact, si j'en juge par mes lectures.
Mais qui est dupe ?
Vous tendez à nous faire croire qu'il a roulé tout le monde avec ces balivernes. Mais la réalité est toute différente.
N'importe qui sait bien qu'on n'arrive pas au sommet du pouvoir sans compétences.
Cela ne s'est jamais vu, et il n'y a que des gogos pour croire un tel roman.
Or les politiques européens
savent à qui ils ont à faire, l'homme de la Nuit de cristal, celui des Longs couteaux, celui qui a su manœuvrer pour atteindre le sommet du pouvoir. Croyez-vous que ses discours politiques, bellicistes, antisémites n'étaient pas épluchés par la classe politique internationale ?
Qu'il se soit donné une image de médiocre est une chose. Il n'est pas vrai que ses adversaires l'aient cru. Ils voulaient seulement gagner du temps.
François Delpla a écrit:3) Il se campe en homme de paix jusqu'à la période de Munich incluse alors qu'il prépare la guerre pour 1939, jour et nuit, sous tous ses aspects et méthodiquement.
Affirmer cela, c'est faire fi de tout le discours nazi revanchard à l'encontre du Traité de Versailles.
C'est tout de même le leitmotiv hitlérien dès 1924 et sans arrêt repris sur tous les tons.
L'Allemand de la rue ne vivait que sur une certitude : l'humiliation de la fin de la Première guerre mondiale serait un jour lavée dans le sang. Et personne en Europe n'ignorait ces espoirs allemands.
Il est bien naïf de croire que les quelques attitudes pacifiques d'Hitler aient pu donner le change.
Allez voir les caricatures publiées dans la presse anglo-saxone de la période 37-38 pour vous en convaincre.
François Delpla a écrit:3) Il planque au maximum son principal instrument de pouvoir, la SS, en faisant croire à beaucoup que l'Etat prussien et ses fonctionnaires formés sous d'autres régimes continuent de tenir des leviers essentiels.
Cela est bien possible. Je n'ai pas d'éléments sur ce sujet.
Je dirais simplement que la SS était le domaine réservé d'Himmler, sur lequel Hitler s'appuyait les yeux fermé (le fidèle Heinrich).
A dire vrai, je ne comprends pas bien ce que vous voulez dire ici.
François Delpla a écrit:4) Il a un grand talent de chauve-souris ("je suis oiseau, voyez mes ailes, je suis souris, vivent les rats !") pour se présenter aux cathos comme un rempart contre l'athéisme, aux patrons comme le destructeur des syndicats, aux vieux diplomates de toute l'Europe capitaliste comme la meilleure chance de voir disparaître le communisme, aux ouvriers comme un metteur au pas de patrons, etc., etc.
Moi je dirais qu'il a un talent de caméléon.
C'est incontestable. C'est aussi un extraordinaire démagogue qui ressent les attentes de ses concitoyens de manière intuitive.
Mais auprès de qui tout cela a-t-il le mieux fonctionné si ce n'est le peuple allemand lui même. Les nazis n'ont-ils pas été experts en tromperie envers leurs propres compatriotes ?
François Delpla a écrit:5) L'un de ses plus grands exploits, lourd de conséquences notamment pendant la drôle de guerre, est de faire craindre, et croire vraisemblable, à beaucoup de ces gens sa propre chute.
Ah ?
Je n'étais pas au courant. Comment s'y est-il pris ?
François Delpla a écrit:6) Il réussit à créer un terme et le mouvement qui va avec : l'antifascisme, qui fait croire à beaucoup qu'en fonçant sur n'importe quel chiffon, par exemple en Espagne, on lutte contre le danger qu'avec d'autres il incarne.
Je ne suis pas sûr de bien comprendre ce que vous écrivez ici. Vous employez un ton bien affirmatif sur un sujet très largement débattu aujourd'hui. Ce raccourci me dérange et je le trouve même caricatural.
François Delpla a écrit:7) Ceux qui sont au courant, du moins par lui-même, de ses inexorables projets guerriers sont trompés sur la date : il la situe en 1943-45 aussi bien lors de la réunion du 5 novembre 37 (dite "Hossbach") que face à Mussolini lors de la négociation du pacte d'Acier.
On en revient au Hitler omniscient qui savait tout dès le départ et qui passe son temps à raconter des histoires à tout le monde.
C'est votre opinion, ce n'est pas la mienne.
Au contraire, je ne vois pas comment Hitler a pu prévoir la montée en puissance de son industrie de guerre et celle de sa Luftwaffe, événements incertains, totalement imprévisibles.
La Wehrmacht n'a cessé de prévenir Hitler qu'elle n'était pas prête selon ses propres standards.
ET c'est ici que l'on peut penser que Hitler était quasi certainement sincère
au moment où il exprime ces pensées.
Il faut absolument se garder de faire l'histoire à la lumière des événements produits.
Ce n'est pas parce qu'il vainc en Pologne que Hitler était certain de gagner.
Il en avait la volonté c'est sûr, mais pour autant l'incertitude militaire existait bien.
François Delpla a écrit:8 ) Il organise savamment l'image de la division de son entourage sur les questions les plus cruciales.
Pourquoi l'image ? Il a retenu le vieil adage : "diviser pour régner". Et il l'applique.
Il existe une véritable compétition dans l'entourage de Hitler entre Goebels, Goering, Himmler, Borman, etc.
Je ne sais pas à quoi vous faites référence en appui de votre affirmation.
En définitive, on en revient toujours à un Hitler un peu phantasmé, comme si à une grande catastrophe il fallait une grande cause.
Hitler n'est certes pas la caricature que l'on nous présente encore trop souvent, partiellement issue de l'excellent
Dictateur de Chaplin.
Hitler m'apparaît plutôt comme un homme intelligent, rusé, doté d'une mémoire photographique déstabilisante pour ses interlocuteurs, un démagogue redoutable, capable de s'entourer et de déléguer à bon escient.
Toutes ces qualités reposant sur un racialisme, un antisémitisme et un nationalisme extrémistes.
Mais Hitler apparaît aussi comme un homme limité intellectuellement, incompétent dans certains domaines prônant des axes politiques ou militaires erronés. Un entêté, jusqu'au boutiste, sûr de lui à l'extrême.
Il n'avait par ailleurs aucun respect pour la nature humaine, y compris pour les Allemands qu'au fond il vouait au gémonies.
Ces travers l'ont amené à fortement sous-estimer tous ses adversaires avec un mépris qui n'avait d'égal que son inconséquence.
Parfois, comme avec la France et la Pologne, les événements lui ont donné raison.
Pour l'URSS et les Etats-Unis ils lui ont donné totalement tort.
Non, Hitler n'avait pas tout prévu ; il s'est vraiment beaucoup trompé. Heureusement !