Post Numéro: 11 de mescal 24 Aoû 2009, 15:01
@Richelieu :
Les japonais croyaient avoir coulé le Lexington en janvier (en fait le Saratoga, HS jusqu’en juin 42). Ils ne connaissaient pas la localisation des Wasp et Ranger. Ils tablaient donc sur les 3 Yorktown et le Saratoga, avec peut être les deux précédents. Ils pensaient cependant qu’il serait très improbable de les affronter tous simultanément. Après la Mer de Corail, les japonais étaient certains d’avoir coulé le Yorktown, et probablement le Lexington. Ce qui de leur point de vue laissait 4 porte-avions aux USA, dont le Ranger, probablement impropre à une véritable bataille. L’estimation haute des japonais était donc de 3 porte-avions ennemis, et plus probablement de deux.
Suite du résumé :
(petite précision liminaire : une grande partie de l’argumentation sur ce qu’il était possible ou non pour Nagumo se fonde sur des éléments très précis, en particulier des timing retrouvés dans les journaux d’opération des groupes aériens. Il n’est pas possible de résumer proprement et en moins de vingt pages cette argumentation ici – je fais donc une synthèse, avec des heures approchées mais en gardant la logique présentée par les auteurs).
Les Américains, de leur côté, savaient que la Marine Impériale tramait quelque chose, probablement dans le Pacifique central. Mais ce n’est que relativement tardivement que Midway fut identifié comme objectif (mi mai). Suite à la bataille de la mer de Corail, confiant qu’au moins un et probablement deux porte-avions nippons seraient HS, alors qu’il espérait pouvoir récupérer le Yorktown, Nimitz résolu de monter une embuscade, en envoyant en avance ses trois porte-avions 250 milles dans le NE de Midway, et en renforçant considérablement l’atoll. Yamamoto et Nimitz avaient en l’occurrence exactement le même objectif : détruire les porte-avions ennemis. Cependant ceux de Nimitz, s’ils étaient moins nombreux, avaient l’avantage de la surprise, ainsi que d’une mission plus claire, quand ceux de Nagumo allaient devoir d’abord réduire l’ile de Midway, puis livrer bataille aux porte-avions … et encore, le ‘script’ de Yamamoto ne prévoyait pas que les deux combats puissent être simultanés.
Au matin, à 4h30, Nagumo lance la moitié de ses avions vers Midway, ainsi que des reconnaissances, principalement vers son flanc gauche (Est). Cependant seulement 10 avions sont consacrés à cette reconnaissance, alors que la zone à couvrir représente plus de 400 000 km². Cet effort insuffisant vient d’un problème de doctrine japonaise, qui veut qu’un maximum d’avions soit consacrés à l’attaque (alors que l’US Navy dédie beaucoup plus d’avions à la reconnaissance).
Il ordonne ensuite de préparer les avions restant pour une frappe anti-navires, au cas ou une task force US serait découverte (selon un ordre verbal de Yamamoto). Cependant, après la frappe sur Midway (vers 7h), le commandant Tomonaga recommande une seconde frappe pour neutraliser complètement l’ile. A ce moment les avions de reco n’ont rien détecté et sont tous, sauf un, sur le chemin du retour. Que faut-il faire : rearmer la seconde vague en anti-terre, ou attendre le retour de la première vague et réarmer celle-ci ? Nagumo décidera, non sans de bonnes raisons (nécessité de mettre Midway KO, maintien du tempo, contrainte de ‘cycle de pont d’envol’ …) de réarmer les bombardiers se trouvant à ce moment dans les hangars. Petite précision : cette mesure ne concerne que les B5N2 Kate à bord des Kaga et Akagi. Les Val à bord des Hiryu et Soryu sont à ce moment non armés. Decision prise vers 7h15.
Vers 7h45 parvient à Nagumo un message du scout du Tone annonçant 10 navires ennemis à environ 200 milles dans l’Est. A ce moment, les Kate sont en train d’être réarmés avec des bombes HE à la place des torpilles. Nagumo donne alors l’ordre d’interrompre ce réarmement et de remettre des torpilles aux Kate pour frapper la flotte US qui est devenue le principal objectif. Les auteurs discutent longuement cette décision, et pointent en particulier un détail négligé : l’agencement des espaces de commandement de l’Akagi, minuscules, bruyants…. Donc en quelque sorte : il est facile de refaire l’histoire 60 ans après dans son fauteuil, avec 15 bouquins et deux navigateurs Internet ouverts et dire que Nagumo était un âne. Mais lui a du prendre sa décision en moins de 15 minutes, dans des conditions très peu pratiques. Il s’agit moins de dire qu’il a pris la bonne décision que de dire pourquoi cette décision lui semblait alors la moins mauvaise. De plus, les auteurs insistent sur le fait que plusieurs des décisions alternatives proposées depuis n’étaient pas doctrinairement correctes à ce moment-là pour la Marine Impériale.
Bref, vers 8H/8h15 environ, les Kate commencent à être re-réarmés. Ils pourront être montés sur le pont théoriquement vers 9h15. A ce moment les avions de retour de Midway sont censés avoir apponté.
Vers 8h, une formation de B-17 partie de Midway avant le raid japonais (le commandement US avait fait décoller tous les avions dans l’anticipation d’un raid à l’aube du 04 juin). Ils bombardent sans résultat – et au passage prennent des photos montrant les ponts vides, c-a-d prouvant qu’aucune ‘frappe immédiate’ ne pouvait être lancée par Nagumo. Les B-17 restent au-dessus de la formation environ ½ heure. Les avions de Tomonaga commencent à revenir vers 8h20, mais doivent attendre la fin du raid avant de pouvoir apponter. C’est seulement vers 9h20 que tous les avions sont posés. A ce moment, les japonais peuvent commencer à envisager de lancer leur attaque sur la flotte US. Mais il faut encore monter les avions sur le pont et les préchauffer (spotting).
A ce moment les avions torpilleurs du VT-8 (Hornet) apparaissent à l’Est-Nord-Est. Leur attaque va durer jusque vers 9h45. Ils se font tous massacrer par les Zeros de couverture sans toucher de navire, mais forcent la flotte japonaise à manœuvrer, rendant délicat le spotting des avions d’attaque.
A peine cette attaque est-elle finie que les avions torpilleurs du VT-6 apparaissent à leur tour, cette fois plein Sud. Leur attaque dure grosso modo jusqu’à 10h. Ils ne parviennent pas non plus à mettre de coup au but, et perdent 10 avions sur 14. Mais ils forcent les japonais à cycler leur CAP – et donc empêchent toujours le spotting de la vague d’attaque.
Vers 10h10 ensuite, c’est au tour des avions torpilleurs du Yorktown (VT-3) d’être repérés au Sud Est. La chasse japonaise se rue sur eux, mais cette fois-ci, les avions sont escortés par des chasseurs.
Au même moment, 3 groupes de bombardier en piqué Dauntless, non détectés par les japonais, arrivent sur le champ de bataille : deux groupes de l’Enterprise arrivent par le Sud Ouest et un du Yorktown par le Nord Est.
Contrairement à ce qui a été dit partout, les avions torpilleurs n’ont pas attiré la chasse au ras de l’eau (de toute facon, les Zeros peuvent monter à 20 000 pieds en 4 minutes). Ce sont les distorsions latérales (Est Nord Est, puis Sud, puis Sud-Ouest) et non verticales qui ont mis la chasse japonaise hors de position – ainsi que le manque d’un coordinateur unique pour la chasse. Et ils ont rempli un autre rôle essentiel : ils ont empêchés les japonais de lancer leur propre attaque pendant près d’une heure, tout en désorganisant la formation de Nagumo. Au moment ou les Dauntless commencent leurs piqués, les porte-avions se trouvent grosso modo sur une ligne SW-NE, avec des intervalles de près de 10km. Le Soryu est en tête, suivi du Hiryu, puis de l’Akagi et enfin du Kaga.
(à suivre)