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Le Général Touzet du Vigier

Venez nous présenter votre dernière lecture ou des ouvrages qui vous tiennent particulièrement à coeur. Parlons des dernières parutions concernant la seconde guerre mondiale. Une belle photo de la couverture est toujours la bienvenue...
Présentez également vos périodiques préférés. Donnez-nous les sommaires et discutez sur les contenus.
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Le Général Touzet du Vigier

Nouveau message Post Numéro: 1  Nouveau message de fanacyr  Nouveau message 03 Juin 2009, 16:35

bonjour,

je suis l'heureux possesseur depuis quelques heures d'une bio écrite par son fils, Alain du Vigier.
Grand soldat, l'un des pères de l'arme blindée, visionnaire prévoyant dont les thèses seront utilisées par l'ennemi avec le succès que l'on sait, plutôt que par son pays...

Ah...si on les avait écoutés...

Editions Fernand Lanore, paru en juin 1990

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Re: Le Général Touzet du Vigier

Nouveau message Post Numéro: 2  Nouveau message de Walter Nowotny  Nouveau message 03 Juin 2009, 17:23

Bonjour,
Pourriez-vous nous en dire un peu plus sur ces thèses? En quoi consistaient-elles?


 

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Re: Le Général Touzet du Vigier

Nouveau message Post Numéro: 3  Nouveau message de Vincent Dupont  Nouveau message 03 Juin 2009, 18:37

Ah fanacyr tu sais ce qui me fait sortir de ma tannière !! :twisted: :D
Normalement je suis en pleine rédaction et je m'interdis les forums jusque fin juin sinon tout le monde sait ici que j'y passe mes soirées :mrgreen: :mrgreen: (en particulier le quiz et c'est pas comme ça que je vais avancer...)
...et ceci pour cause de rédaction de mon mémoire sur du Touzet du Vigier !!!

Bonne acquisition fanacyr cependant ! quoi que le fils du général ait un parti pris flagrant, cela reste une bonne bio familiale, et dédiée à ses enfants et petits-enfants... avec un bon résumé de sa vie, mais évidemment, comme je bosse sur Jean du Vigier depuis 2 ans, pour moi il manque plein plein plein de choses ! :roll: :D

Si ça intéresse du monde, je ferai un article quand j'aurai terminé mon mémoire :cheers:

Amicalement ;)
Dernière édition par Vincent Dupont le 03 Juin 2009, 19:07, édité 2 fois.
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Re: Le Général Touzet du Vigier

Nouveau message Post Numéro: 4  Nouveau message de omega.067  Nouveau message 03 Juin 2009, 18:41

ben ça intéressera certainement "Histomag'44", et ses "scribes", je pense que ce n'est pas tombé dans l'oreille d'un sourd :roll: :mrgreen:


 

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Re: Le Général Touzet du Vigier

Nouveau message Post Numéro: 5  Nouveau message de Daniel Laurent  Nouveau message 04 Juin 2009, 05:03

Bonjour,
Walter Nowotny a écrit:Bonjour,
Pourriez-vous nous en dire un peu plus sur ces thèses? En quoi consistaient-elles?

Je n'ai rien lu de ce general a ce jour et, donc, attends avec impatience l'article Histomag'44 que son biographe ici present va nous faire.

Par contre je peux te dire, Walter, qu'il existait entre les 2 guerres une tendance au sein de l'Armee Francaise qui souhaitait voir le developement d'une arme blindee autonome. Charles de Gaulle en a fait partie, ainsi que Touzet du Vigier selon ce que je lis ici, plus quelques autres dont leur predecesseur a tous, le general Estienne, surnomme "le pere des chars francais".

L'ennui est que ce developement d'une arme blindee autonome s'est fait, mais pas au bon endroit, on les appelle Panzer Divisions et elles nous en ont mis plein la poire en mai 1940...

Nos galonnes et nos decideurs n'ont pas suivi les recommendations de ces precurseurs, dispersant nos chars dans les unites d'infanterie et se croyant a l'abri derriere la ligne Maginot et les Ardennes "infranchissables".

Une question: S'il avait bien compris combien une arme blindee autonome pouvait etre importante, Charles de Gaulle n'y avait pas encore associe une aviation d'assaut, se contentant de parler d'avions de reconnaissance et de camouflage (nuages de fumees) au-dessus des blindes. Touzet du Vigier va-t-il plus loin dans ce sens ?


 

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Re: Le Général Touzet du Vigier

Nouveau message Post Numéro: 6  Nouveau message de Vincent Dupont  Nouveau message 04 Juin 2009, 11:15

Bonjour à tous !

Daniel Laurent a écrit:l'article Histomag'44 que son biographe ici present va nous faire.

Excuse moi Daniel mais ça me fait tout drôle, j'ai tellement peu l'habitude de me prendre au sérieux :mrgreen: (dit Vincent tout court la prochaine fois :mrgreen: )

Pour ce qui est de la formation de la pensée mécanique française, aux origines il y eu Estienne c'est vrai, mais une fois la guerre passée, De Gaulle n'ayant pas encore percé, Estienne tomba dans l'oubli "grâce" au Conseil Supérieur de la Guerre, qui va diriger la pensée militaire française durant l'entre-deux guerre, en plus ou moins accord avec le pouvoir politique. Chacun sait que les chars, pour beaucoup, n'avait pas d'avenir.

D'ailleurs, le CSG fonctionnant comme tel, la seule manière pour les promoteurs des chars sera de brosser ses membres dans le sens du poil.
--> Ces galonnés dont parle Daniel, croyant tout savoir sur tout et que les Ardennes sont infranchissables et puis après tout si les Allemands passent, on les repincera à la sortie :mrgreen: :mrgreen: enfin du grand show comique. Et encore, faire réfléchir les membres du CSG sur les chars n'est pas ce qu'il y a de plus facile... j'ai trouvé le fascicule d'un étoilé - qu'on distribuait à chaque membre à chaque réunion du CSG, l'ordre du jour est celui des chars et le fascicule de l'étoilé en question comporte de nombreux dessins en marge... dire s'il s'emm... :censored_sm: :mrgreen:

Toujours est-il que la pensée mécanique française s'endors pour ainsi dire. Dans les années vingt, la cavalerie va tout faire pour garder ses automitrailleuses, car c'était la seule manière de survivre... Oui, en effet, il était fortement question de supprimer la cavalerie dans les années vingt !! (sacrilège !!! :evil: ( :mrgreen: )). Dites vous bien qu'au sein de l'assemblée nationale des députés faisaient le raisonnement suivant dans les grandes lignes : nous n'avons pas de pétrole et donc nous ne pouvons pas avoir de chars !!! Nous avons de l'avoine, nous pouvons avoir des chevaux. Mais ceux-ci sont difficiles à entretenir, et sont inefficaces sur le champ de bataille, il faut donc les supprimer.

Bref en mettant en avant contre vents et marées son aspect motorisation (on ne parle que très tard de mécanisation) en réorientant ses missions, en les adaptant aux nouvelles nécessités du combat, en se mettant en valeur quoi, la cavalerie va être sauvée, Weygand y étant pour beaucoup puis le relai sera pris par des directeurs et inspecteurs de la cavalerie choisis tels Flavigny ou Altmayer qui surent s'entourer de théoriciens, tacticiens et surtout bons pédagogues pour cela, tels du Vigier, qui contribue même à la rédaction du règlement de la cavalerie de 1937 qui définit les missions des DLM là ou l'IGU provisoire sur l'utilisation des grandes unités cuirassées (donc DCR issues de l'infanterie ne sera publiée (mais pas totalement diffusée) qu'en 1940.

La pensée mécanique française se développe en fait selon deux axes : l'infanterie et sa pensée des chars de combat, de bataille, en soutien ou "accompagnement" comme on dit, que les fantassins veulent difficilement lâcher au loin dans une offensive. C'est là que va officier De Gaulle et il faut dire ce qui est : la tâche est plus rude pour de Gaulle qui est d'ailleurs obligé de devenir un penseur orthodoxe de son arme, fréquenter les cercles et milieux politiques, publier des théories pour que ses idées percent (et encore on ne lui reconnait ses mérites réellement qu'en 1940, bien trop tard).

Tandis que pour la cavalerie (le deuxième axe de pensée), le développement d'une théorie d'emploi est plus aisé. En effet, depuis le jour où un homme est monté sur un cheval, les missions de la cavalerie sont d'aller vite et loin, de reconnaître, de découvrir, rapporter des renseignements, assurer la sûreté des autres unités par leur rapidité de déplacement, couvrir les arrières et et et... accessoirement rentrer dans le tas. :mrgreen: (mais seulement en cas de nécessité, la cavalerie ne doit jamais qu'accrocher, retenir puis décrocher).

Comme l'a souligné Daniel, en parallèle et en comparaison, il est vrai que l'arme blindée française (créée en fait sous cette désignation qu'en 1943) à eu du mal à se développer en comparaison des nations voisines comme l'Allemagne et ses panzer divisions ou encore l'arme blindée britannique (bien que ceux-ci n'aient qu'une division en 1939, elle est professionnelle et est proportionnelle à leur armée. Dans les années vingt l'arme blindée anglaise est la plus développée grâce aux Fuller, Liddell Hart, Hobart). Mais l'arme blindée française, coté cavalerie ne s'en sort pas si mal que ça du point de vue tactique et matériel. Coté infanterie et chars de combat, la formation tactique est plus longue à venir mais la tenue des B1 et B1 bis au combat montre que coté matériel, le boulot était fait malgré quelques faiblesses.

Enfin pour répondre à la question de Daniel, dès le milieu des années vingt, du Vigier, au sein du Centre d'Etudes Tactiques Interarmes (pour l'anecdote, il n'existe aucun carton sur ce centre à Vincennes, j'avais demandé à l'accueil scientique qui a appellé un officier du centre de recherche et la réponse fut : il n'y pas d'interarmes avant 1945 ?? :mrgreen: :mrgreen: comme quoi tout arrive... :mrgreen: fin de l'anecdote) Bref au sein du CETI de Versailles (dans les Grandes Ecuries), du Vigier, responsable de la section Cavalerie, va faire un chose surprenante pour l'époque, il va emmener à chaque fois ses stagiaires, dès le premier jour de leur formation, à Satory, pour leur montrer les armes, véhicules des autres armes !! incroyable, normalement une arme ne devait jamais au grand jamais savoir les secrets de l'autre :mrgreen: ... bonjour la coopération et le respect entre les armes...

Du Vigier va donc leur montrer l'avantage (dès 1935 !!) d'utiliser la radio avec des chars, comment fonctionnent toutes les armes, les familiariser avec tout le matériel et il fait donc des cours sur le potentiel du combat interarme avec la cavalerie. Plusieurs fois dans l'année, le camp du Valdahon lui est attribué pour faire ses expériences où il emmène toute sa petite troupe faire du combat interarme, avec l'artillerie et durant les grandes manoeuvres à Mailly ou Mourmelon dès 1934-1935, il va montrer aux hauts gradés que la coopération avion-char est possible et même faisable. En 1937, cette coopération sera théorisée dans le règlement de la cavalerie, en plus de l'utilisation de l'aviation pour l'observation bien sûr.

Donc pour répondre à ta question sous un aspect théorique, la cavalerie a mieux "théorisé" le combat, sa tactique étant mise au point là où les chars de combat, face aux difficultés de compréhension au sein de leur arme de tutelle, n'y étaient pas encore arrivé.

Amicalement ;)

(NB pour les admin ou modo : on devrait peut-être déplacer ce post dans "les grandes figures de la SGM" si la discussion continue...)
Vincent
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Re: Le Général Touzet du Vigier

Nouveau message Post Numéro: 7  Nouveau message de Daniel Laurent  Nouveau message 04 Juin 2009, 12:36

Bonjour,
Touzet du Vigier a écrit:
Daniel Laurent a écrit:l'article Histomag'44 que son biographe ici present va nous faire.

Excuse moi Daniel mais ça me fait tout drôle, j'ai tellement peu l'habitude de me prendre au sérieux :mrgreen: (dit Vincent tout court la prochaine fois :mrgreen: )

Bon, on a sur ce forum un mec qui pond un memoire universitaire sur le general Touzet du Vigier en se plongeant profondement dans les archives disponibles, mais qu'il ne faut pas appeler "biographe".
Il va falloir que je m'achete un nouveau dictionnaire, la langue francaise semblant en pleine evolution.
:mrgreen:
Vincent, ton dernier poste ne me fait pas changer d'avis, bien au contraire, et, vu l'energie que tu deploies avec (apparemment :D ) quelques traces d'intelligence et de maitrise du sujet, je ne serais pas surpris si ta biographie, pardon, ta composition du CM2, se retrouve beneficiaire d'une mention.
Mais, pour te faire plaisir, je t'appellerais "mon pote" lors de ma prochaine intervention sur tes fils.
:cheers:


 

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Re: Le Général Touzet du Vigier

Nouveau message Post Numéro: 8  Nouveau message de Vincent Dupont  Nouveau message 04 Juin 2009, 12:53

:mrgreen: :mrgreen: :mrgreen: :mrgreen: :mrgreen: :mrgreen: Merci des compliments mais Vincent suffira !!! Pardonne ma modestie... :oops:
Dernière édition par Vincent Dupont le 04 Juin 2009, 15:43, édité 1 fois.
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Re: Le Général Touzet du Vigier

Nouveau message Post Numéro: 9  Nouveau message de Vincent Dupont  Nouveau message 04 Juin 2009, 15:17

Aller... pour ceux qui aime lire, voilà de quoi occuper leur soirée : (en exclusivité mondiale !! :mrgreen: le chapitre 3 de mon mémoire) :

La naissance d’une pensée mécanique française.

Nous allons dans ce chapitre, reprendre le cours de la carrière du Jean Touzet du Vigier, que nous avions laissé dans les Etats-majors où il n’arrivait guère à percer, tout au long des années vingt. Nous venons de voir que déjà à la fin de cette décennie, des expérimentations avaient été faites. Des modèles d’automitrailleuses, des véhicules tous terrains de dragons portés, qui en étaient à leurs débuts, révélèrent déjà leur importance sur le plan tactique. Alors pourquoi intituler ce chapitre « la naissance d’une pensée mécanique française ». Et bien parce que les cavaliers vont réellement prendre conscience que l’avenir de leur Arme réside dans sa motorisation au cours des années trente. Les expérimentations vont se poursuivre, et Touzet du Vigier va y prendre une part de plus en plus importante. Nous verrons donc dans ce chapitre son rôle et son enseignement, qui s’orientent vers la motorisation de la Cavalerie, alors qu’il est affecté à la « Maison-mère » de Saumur de 1931 à 1934. Puis c’est son influence et le rôle qu’il a joué, toujours, au sein de la garnison de Reims, lors de son affectation au 18ème Dragons, qui retiendra notre attention. Nous le suivrons ainsi dans la formation des brigades légères mécaniques naissantes, les premières unités mécanisées de l’histoire de l’Armée française. Nous verrons enfin dans quel contexte celles-ci se mettent en place, et comment s’intègrent-elles dans la stratégie française des années trente.

1931-1934, l’enseignement à Saumur ou les origines d’une évolution vers la motorisation …

Nous l’avons vu dans le précédent chapitre, Du Vigier est remarqué par Weygand en 1930, lors des manœuvres de Lorraine. Ce dernier, après un entretien, le fait désigner comme Directeur du Cours de Cavalerie de Saumur. C’est ainsi que le capitaine du Vigier rejoint l’Ecole de Cavalerie. Dès lors, son travail, tout comme sa carrière, va prendre de l’importance. L’amorce de la motorisation est allumée et le coup va partir… Les sources dont nous disposons ici sont essentiellement des récits ou des notes, des cours, provenant des archives privées de la famille, ainsi que la notation de Touzet du Vigier, à travers ses états de service. Les cours que celui-ci professe sont tournés vers l’avenir de la Cavalerie durant toute la période où il enseignera à Saumur. C’est là qu’il va influencer plusieurs générations d’officiers sur lesquels nous reviendrons. Ses cours seront parfois contestés, attaqués par sa hiérarchie immédiate, refusant le progrès tant technique que tactique de leur arme. En 1931 commence donc le travail du Vigier à Saumur, c’est là qu’il va acquérir sa réputation de « professeur » pour ne pas dire prophète. Weygand l’a choisi car il possède les épaules pour mener à bien l’enseignement de la Cavalerie. Ainsi, à travers ses cours, on remarque cet aspect novateur, mais non contestataire. Quelques cours nous sont parvenus grâce à la famille du général du Vigier, ils mettent en avant la force tactique de la Cavalerie qui, se motorisant, revoit ses missions sous une attitude offensive, ce qui lui fait du bien. Du Vigier s’applique dans ses cours, à définir le rôle, le comportement que doit avoir chaque officier, à présenter sous divers exemples et cas de manœuvres, les missions qui peuvent se présenter à ses élèves. Ainsi, dans son cours de Cavalerie sur les automitrailleuses de combat (Panhard, Schneider, Kégresse) , il présente le matériel, ses caractéristiques et les missions que celui-ci est apte à remplir, ses avantages et ses inconvénients. Ensuite, il poursuit sur les formations à adopter, insérant la lutte directe contre les engins blindés ennemis dans sa présentation, prônant le contournement de l’objectif, l’encerclement et les contre-attaques locales pour réduire les points forts ennemis, ce qui était jusqu’alors inimaginable dans une guerre conçue par les théoriciens français comme une guerre défensive. Il attache également une grande importance dans le rôle des officiers, qui doivent être présents auprès de leurs hommes pour renforcer leur moral mais également pour discerner au mieux, en première ligne, la situation et adopter en conséquence la tactique à prendre.

Les thèmes qu’il aborde donc sont les principes de base comme l’efficacité des transmissions, du personnel, bref, de chacun. L’organisation de la Cavalerie existant alors lui permet également de dispenser son enseignement sur les Divisions de Cavalerie et leur emploi. Mais les manœuvres auxquelles il participera par la suite et que nous verrons s’attacheront à opposer les formations mécanisées nouvelles à ces divisions hydrides, montrant ainsi la supériorité des premières sur les secondes. Car son enseignement est avant tout tourné vers la préparation des officiers à diriger des formations motorisées, ses cours peuvent également avoir pour thème l’emploi des automitrailleuses dans les contre-attaques, comme en mars 1933 . Ce thème permet d’ailleurs de faire la jonction entre les théories anciennes et les théories nouvelles enseignées, puisque la contre-attaque, reconnue comme une mission de la Cavalerie auparavant, est toujours là, mais suivie d’une exploitation. Par ailleurs, du Vigier utilise toujours des cas concrets dans ses cours afin d’amener ses élèves à réfléchir sur la tactique à employer. Sa première année semble donc s’être bien passée si l’on en croit sa notation, puisqu’il est proposé au grade de chef d’escadrons. En 1932, dans le tableau d’avancement des capitaines pour chefs d’escadrons, on retrouve ainsi les inséparables Touzet du Vigier, De Vernejoul et Le Couteulx de Caumont, camarades de promotion et toujours amis même durant la guerre suivante, la finissant ensemble. Du Vigier, arrivé à l’Ecole de Saumur avec l’appréciation : « officier des plus complets, à pousser rapidement » est donc noté ainsi en août 1932 : « Au tableau pour le grade de Chef d’Escadrons. A enseigné pendant l’année scolaire 1931-1932, le cours de Cavalerie. Très sympathique et de belle tenue morale ; travailleur, a parfaitement réussi. Est tout désigné pour diriger en 1932-1933 la partie du cours des Lieutenants d’Instruction concernant l’emploi de l’Escadron dans le cadre de la D.C. » . En octobre de la même année, le général de la Laurencie, commandant l’Ecole, ajoute aux mérites déjà obtenus : « Excellent officier, affirme tous les jours davantage sa valeur. » Nous pouvons donc voir ici que la valeur de Touzet du Vigier n’a fait que s’accroître : c’est bien à Saumur, au début des années trente, que naît la pensée mécanique française, celle qui sera dans l’esprit des officiers et cavaliers de DLM en 1940, celle qui fera l’Arme blindée Cavalerie.

Le capitaine du Vigier devient Chef d’Escadrons le jour de Noël 1932, et poursuit ses cours à Saumur. Poursuivons sur la particularité de son enseignement. Il est basé sur des exemples concrets et pour cause, il participe aux manœuvres et exercices et peut ainsi passer de la théorie à la pratique, mettant en application ce qu’il enseigne. Ses comptes-rendus de manœuvre nous sont également parvenus . On peut y constater en effet que ses théories tactiques sont expérimentées comme en décembre 1931, où dès son arrivée, sont mis en place des exercices exposant les notions de manœuvre et de sûreté, de progression par bonds, qui seront utilisées en Belgique en 1940. L’utilisation des systèmes de feu, en coordination avec le déploiement de forces sur de grands fronts est également mise en avant. Rien n’est laissé au hasard par celui qui sera maintes fois durant ces années le chef d’Etat-major des divisions test. L’utilisation des transmissions est définie, il sera fidèle à cette définition durant toute sa carrière, ainsi qu’aux autres : action du chef, son rôle, le rôle des autres armes, la progression par axe, le camouflage, etc. En septembre 1932, il est chef d’Etat-major de la brigade motorisée test lors des manœuvres au camp de Sissonne . Il est de nouveau chef d’Etat-major d’une brigade de chars de Cavalerie en 1933, et d’un groupement mécanique en 1934. Durant ces manœuvres, les bases des DLM, sur le plan de l’organisation, se forment, notamment par l’observation de l’évolution des dragons portés, alors considérés comme unités de Division de Cavalerie, et qui formeront un élément important de la DLM par la suite. En général ce sont les unités constitutives des futures DLM qui sont expérimentées, ainsi que les Groupes de Reconnaissance de Division d’Infanterie et de Corps d’Armée (GRDI et GRCA) dont du Vigier est un des principaux penseurs et tacticien.

Ces manœuvres contribuent également à asseoir sa notoriété auprès du haut-commandement, si l’on en croit sa notation comme celle du général Mordacq en 1933 : « Ayant apprécié les belles qualités du Commandant du Vigier aux exercices combinés de 1932, je l’ai demandé de nouveau comme CEM pour les expériences de motorisation, de 1933. L’éloge de cet officier magnifiquement doué n’est plus à faire. Il s’est imposé à tous ses collaborateurs par sa claire intelligence, son activité, son endurance physique et une rayonnante bonne humeur. Cet officier d’élite sera toujours au-dessus de ses fonctions. Je souhaite qu’une carrière brillante et rapide permette à la Cavalerie d’utiliser de bonne heure et longtemps la valeur de M. du Vigier dans l’exercice de Commandements élevés ». Voilà qui est dit, et l’on peut voir que le problème récurrent dans toute la notation de Touzet du Vigier est son âge : jugé trop vieux pour Saint-Cyr, son âge posa problème dans son avancement, malgré sa valeur, toujours reconnue, comme par le général Boucherie, commandant la DLM expérimentale : « Officier de premier ordre aussi remarquable par son intelligence et son sens tactique sur le terrain que par la rapidité et la simplicité de ses décisions et par la sûreté de son jugement. A pousser dans l’intérêt de l’Arme. » Ce dernier terme : « A pousser dans l’intérêt de l’Arme », est une conséquence réelle du problème que nous venons d’évoquer plus haut, car son avancement, malgré ces appréciations, ne se fit jamais qu’au rythme habituel, tout comme son compagnon Henri de Vernejoul.

Mais revenons à l’enseignement, car si les DLM ne sont « pas encore au programme », les témoignages concordent pour affirmer que du Vigier va professer à ces élèves ce vent nouveau, probablement en insérant dans ses propos la validité des Grandes Unités mécanisées qui ne sont pourtant alors qu’au stade de l’expérimentation. Ces témoignages sont ceux de ses élèves, et pas n’importe lesquels car une autre particularité de l’enseignement de du Vigier est qu’il va profondément marquer une certaine génération d’officiers, qui exerceront des commandements entre 1940 et 1945. On retrouve ainsi, à la rentrée de septembre 1933, parmi ses élèves du cours des lieutenants d’instruction , des noms comme de Hauteclocque, de Pouilly, Noiret, de Beaufort – qui sera sous ses ordres en 1940 – qui virent en lui un « cavalier de légende » et le prirent en exemple. Les ouvrages qui ont été consacrés au futur maréchal Leclerc nous éclairent sur la perception du professeur par ses élèves. Le chef d’escadrons du Vigier impressionne beaucoup ses élèves , il leur enseigne les missions de la Cavalerie mécanisée, ainsi que les matériels à utiliser pour chacune de ces missions : « la découverte : rechercher et atteindre à tout prix et par tout itinéraire, un objectif lointain ; matériel approprié : les AMD ; la reconnaissance : rechercher l’ennemi à proximité ; matériel approprié : les AMR ; le combat : engagement avec l’ennemi : matériel approprié : les AMC ; dans l’offensive, lorsqu’une formation blindée rencontre une résistance, plutôt que de la faire tomber en y consacrant du temps, il est préférable de la contourner, ou même de la déborder largement » . Il leur enseigne de plus, d’après les récits, et nous l’avons déjà vu, le combat en groupements tactiques interarmes, avec l’importance que doit y avoir chaque arme, tout comme du Vigier l’appliquera en 1943. Nous en avons déjà parlé dans le précédent chapitre, la reconnaissance que du Vigier fit en 1914 contribue à sa renommée auprès de ses élèves et sa carrière de cavalier précurseur de la motorisation est admirée.

L’ouvrage du général Jean Compagnon nous apporte un éclaircissement sur l’instruction reçue, puisqu’il nous transmet le témoignage du futur général de Pouilly, réalisé en 1992 : « l’enseignement militaire donné à cette époque à Saumur est valable. Le chef d’escadrons du Vigier en assume la direction : il est aussi à la base de la formation de plusieurs générations d’officiers. Si cette formation est incomplète faute de matériels (dans les exercices les chars sont souvent figurés par des fanions), au moins est-elle satisfaisante dans sa conception comme dans son esprit. […] Interrogé sur l’enseignement donné à Saumur en 1933-1934, le général de Pouilly précise : l’enseignement tactique à Saumur en 1934 portait presque uniquement sur l’emploi des unités mécanisées. On ne parlait plus de reconnaissance à cheval ou de mission à cheval. Le cheval n’était plus considéré que comme moyen de transport mettant à pied d’œuvre des combattants à pied. L’organisation des grandes unités blindées était en cours de discussion aux plus hauts échelons. […] Il faut aussi remarquer que le commandant du Vigier avait à former des lieutenants appelés à commander des escadrons ou des petits groupements tactiques. Le combat à l’échelon division n’était pas évoqué. La question des liaisons entre les armes posait évidemment des problèmes. Il était impossible de les résoudre faute d’appareils radio fiables. Ces matériels feront toujours défaut en 1940. L’évolution de la Cavalerie vers la mécanisation occupait tous nos esprits. » Ce passage, bien qu’un peut long, résume bien la perception qu’ont les élèves de du Vigier et de l’enseignement qu’ils en reçoivent. Les cours qu’il leur prodigue suivent l’évolution de l’arme, du Vigier recevant régulièrement des notes d’instruction de l’Inspection et de la Direction de la Cavalerie. Certains des ses cours nous sont parvenus et l’on peut constater qu’ils se penchent réellement sur les difficultés de la Cavalerie ainsi que sur l’évolution tactique de son emploi. Enfin, l’on ne peut que constater la clairvoyance du « professeur » à travers cette note laissée durant son passage à Saumur : « […] la Cavalerie motorisée est composée de formations blindées et ou formations portées. Les unes et les autres ont des propriétés complémentaires. Il montre les défauts et les qualités des deux. Une action offensive de Cavalerie ne peut avoir de puissance que par une concentration brusque de tous les moyens sur le même axe d’effort. L’habileté du chef consiste donc à combiner l’action de ses différentes unités et à utiliser chacune suivant ses aptitudes propres. Dans le cadre d’une DLM, la Brigade de Combat fournira les éléments chargés de la rupture du dispositif ennemi et de l’exploitation immédiate. La Brigade portée recevra des missions de couverture de l’attaque et d’occupation du terrain conquis. L’artillerie, le génie et l’aviation agiront en totalité au profit de l’attaque. Le général de division cherchera, avant tout, par la concentration du maximum de ses moyens dans le minimum de temps, à donner à une attaque la violence et la cohésion qui doivent en assurer la puissance. » Cela ressemble fort aux théories exposées dans l’ouvrage de Charles de Gaulle, Vers l’armée de métier et à celui d’Heinz Guderian, Achtung Panzer …

C’est ainsi que du Vigier reçoit dans sa notation en août 1933 le mérite qui lui revient, le colonel commandant en second De Gaullier mettant l’accent sur son ardeur au travail et ses qualités d’instructeur : « […] d’un sens tactique très sûr, d’une attitude et d’une valeur morale irréprochables. S’est acquis sur ses élèves un ascendant indiscuté. Officier d’avenir. » Ce que le général de la Laurencie commandant l’Ecole de 1932 à 1935 confirme d’ailleurs : « Officier supérieur très complet. Excellent instructeur. » En septembre 1934, Jean Touzet du Vigier rejoint sa nouvelle affectation : un groupe d’escadron du 18ème Régiment de Dragons de Reims, qui allait faire partie de la 1ère Division Légère Mécanique naissante. Comme le rapporte si bien son fils, « Il allait pouvoir, pendant 2 ans mettre en pratique…ce qu’il venait de professer ! ».
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Re: Le Général Touzet du Vigier

Nouveau message Post Numéro: 10  Nouveau message de Vincent Dupont  Nouveau message 04 Juin 2009, 15:20

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La formation des premières Brigades légères mécanisées…

Nous allons maintenant poursuivre le cheminement de la carrière de Touzet du Vigier, en abordant son passage à Reims, où il rejoint le 18ème Régiment de Dragons, commandé par le colonel Evain. Sa tâche va y être multiplée et nous allons donc étudier les principales fonctions qu’il est amené à occuper dans le cadre de cette affectation. Tout d’abord, il convient de préciser l’atmosphère qu’il règne alors dans la Cavalerie. Les brigades légères mécaniques commencent à se former, le concept de la Cavalerie mécanisée ayant pu percer, son utilisation en Grandes Unités devient possible à imposer, encore faut-il le prouver avant de les insérer dans la stratégie française, comme nous le verrons plus loin. Il faut également en faire une arme capable, avec des moyens et une tactique d’emploi qu’elle maîtrise. Du Vigier va s’attacher à répondre à toutes ces questions, à son niveau bien sûr, avec tous les penseurs de son époque. En effet, la mise en place des unités mécanisées au sein de la Cavalerie, nous avons commencé à le voir, est difficile. Les expérimentations auxquelles du Vigier participa en 1932, 1933, ont eu pour but de montrer la supériorité tactique d’une brigade motorisée dans les missions qui sont celles de Cavalerie, face à une brigade montée. Du Vigier fut le chef d’Etat-major de la brigade motorisée « d’essai » pour ainsi dire, durant ces manœuvres. La brigade qui était alors utilisée était celle entrant dans la composition de la division de Cavalerie mixte de type 1932 ; et cette brigade, c’était celle de Reims, que Du Vigier venait de rejoindre. Il ne faut donc pas que le lecteur s’étonne que, d’un parcours difficile où les chevaux sont encore très présents, du Vigier se retrouve à la tête d’une unité composée entièrement de chars. Cet exemple est alors unique en France et c’est ce qui fait sa particularité. Du Vigier prend donc la tête de deux escadrons, un de chars moyens et un autre de chars légers, cette composition ne variera presque pas dans l’organisation des régiments de combat de Cavalerie en 1940, comme celui que du Vigier mènera en Belgique, le 2ème Cuirassiers. La mise en place progressive des brigades légères mécaniques, à l’image de la première que du Vigier rejoint, ne s’est donc pas faite facilement. La division légère motorisée de Reims, « mécanique » comme on l’appelait depuis les expérimentations, ne fut reconnue comme telle qu’en 1935, pour avoir à sa tête le général Flavigny, « l’apôtre de la mécanisation de son arme » comme on a coutume de l’appeler. La reconnaissance des BLM-DLM ne pu se faire également qu’en admettant sa force sur le plan tactique et c’est ainsi qu’en 1935, alors que du Vigier sera toujours au 18e Dragons, une notice provisoire fut rédigée sur « l’emploi des unités motorisées et mécaniques de la Cavalerie » . Cette notice fit avancer les choses, car elle se démarquait pour une fois de la définition commune cheval-moteur qui régnait alors sur le règlement de la Cavalerie. Elle définit l’emploi offensif des blindés de Cavalerie, traçant ainsi la voie à la place que ceux-ci tiendront dans le règlement de la Cavalerie en 1939 comme nous le verrons dans le chapitre suivant.

Les difficultés de mise en place des « Divisions Légères Mécaniques » pour aller vite, – car l’aboutissement de cette évolution de la Cavalerie par la formation des BLM est la création officielle, en 1935 de ce type de GU au sein de l’armée française – ; Ces difficultés, donc, ne sont pas que d’ordre doctrinales, mais elles sont également d’ordre technique. En effet, la Cavalerie, admettant, comme nous l’avons vu, le développement nécessaire de ce qui était alors appelé les automitrailleuses de Cavalerie, eut des difficultés à choisir les modèles d’automitrailleuses ayant les qualités requises pour remplir ses missions. Les crédits manquèrent, ceux destinés aux études et essais ne connurent une hausse qu’en 1934 . Dès 1931, le général Weygand, nous l’avons vu, avait défini les trois types d’engins blindés dont la Cavalerie aurait besoin : l’Automitrailleuse de Reconnaissance (AMR), l’Automitrailleuse de Découverte (AMD) et l’Automitrailleuse de Combat (AMC). Les prototypes de ces types d’engins, autant que les crédits le permettaient, furent assez vite désignés, ce qui permit à la Cavalerie d’avoir ses automitrailleuses et chars, bien que les crédits, les longs essais, ne permettent pas d’en commander plus promptement. L’AMD Panhard 178 se désigna rapidement, dès 1933, alors qu’elle n’était qu’au stade de prototype, pour devenir l’automitrailleuse que les régiments de découverte des DLM et les GRDI et GRCA utiliseraient dans la campagne de France, remplaçant ainsi l’AMD White-Laffly. Le programme des AMR eut plus de soucis, Renault multipliant les modèles. La « perfection », en revanche, fut atteinte avec le Somua S 35, dont les essais se firent à Reims, par le 18e Dragons, du Vigier participant aux côtés du général Flavigny, à la validation de ce qui deviendra alors LE char de Cavalerie français, produit en série et en dotation dans les DLM en 1940, aux côtés du H 35-39, testé lui aussi devant lui. L’arrivée du Somua à Reims est rapportée par le futur lieutenant-colonel Baillou : « Nous vîmes donc un beau jour arriver au quartier une imposante machine peinte en noir […]. La "bête" vira avec une étonnante facilité devant le bureau du colonel Evain avant de s’immobiliser, aussitôt entourée de curieux. […] Nous avions devant nous le char dit "de Cavalerie" que nous attendions et qui devait par la suite se révéler le meilleur engin de combat de sa génération.» C’est le groupe d’escadrons commandé par du Vigier qui se chargea de ces expérimentations, il préconisa que d’emblée le S 35 du être testé à Sissonne, et non des maquettes en bois « qui faussent les données tactiques et qui s’avèrent trop onéreuses » . On lui fut reconnaissant par la suite de cette clarté de vue.

Du Vigier développa, d’abord à Saumur, puis au 18e Dragons et plus tard au Centre d’Etudes Tactiques Interarmes, en étant de toutes les manœuvres et de toutes les expérimentations, des liens avec le général Flavigny, qui conduisirent d’ailleurs à la présence de du Vigier dans la commission de rédaction du règlement de la Cavalerie. Directeur de la Cavalerie de 1931 à 1936, c’est Flavigny qui à pesé de tout son poids en faveur de la motorisation, montrant les avantages des unités motorisées au camp de Mailly en 1932, à Reims en 1933, du Vigier en maître d’œuvre sur le terrain. C’est ainsi qu’il prit tout naturellement le commandement de la 1ère DLM à Reims, anciennement 4ème Division de Cavalerie, après avoir fait signer au ministre de la Guerre la création de cette unité ainsi que le programme prévoyant la création de deux autres unités de ce type. La 1ère DLM à laquelle du Vigier appartenait maintenant poursuivit son entraînement par des manœuvres montrant sans cesse les avantages d’une telle unité, en 1935, de l’Aube aux Ardennes, en 1936, en infiltrant la ligne Maginot, partant de la frontière à Sierck et se frayant un chemin jusque Thionville.

Après avoir vu les difficultés de la mise en place des brigades légères mécaniques, et en premier lieu de celle que du Vigier rejoint, unique en son genre, fruit de la transformation progressive de la 4e Division de Cavalerie en unité mécanique, nous allons nous pencher sur la nécessité d’enseigner le fonctionnement de ces unités nouvelles. En effet, pour comprendre le fonctionnement tactique de ces unités et en faire admettre l’importance, il faut enseigner cette « nouvelle parole », la professer, tant dans la Cavalerie que dans le autres armes, appelées tôt ou tard à participer aux côtés des chars à des opérations interarmes. Voilà pourquoi du Vigier se porte volontaire pour réaliser des conférences, qu’il fera d’ailleurs durant tout son temps à Reims, qui était alors une bouillonnante ville de garnison où toutes les Armes se côtoyaient, ce qui facilitera le rapprochement et la compréhension. « Désigné pour entretenir cet auditoire de la profonde transformation en cours de la Cavalerie et des conséquences qu’elle entraînerait dans la forme même de la guerre » , ses conférences allaient porter sur des sujets précis comme sur des sujets d’information générale. Bref, le « professeur » allait encore démontrer sa valeur en exposant ses idées et ses connaissances. On sait par exemple quelle importance l’aviation allait avoir dans le prochain conflit, que la place de l’avion aux cotés du char était inévitable. Du Vigier fit donc des conférences en ce sens, sur le couple char-avion. Reims étant le siège d’une importante base aérienne, il y retrouva des connaissances, anciens cavaliers qui avaient préféré changer de monture plutôt que d’être fantassin. Toutes les nouveautés en matière militaire circulaient abondamment et du Vigier les adaptaient en cours, chacun sachant que la guerre de mouvement reviendrait et qu’il fallait se tenir prêt, dans chaque Arme. C’est ainsi que dans les archives privées du futur général du Vigier, nous avons pu retrouver un rapport émanent du centre d’expériences aériennes militaires, rapport sur la coopération de l’aviation avec la Division Légère Motorisée . La moindre des choses est de dire qu’il ne perd pas de temps quand on sait que ce rapport a été rendu le 18 septembre 1934, alors que du Vigier n’est à Reims que depuis deux semaines. Il s’intéresse donc au couple chars-avions et à leur emploi sur le terrain.

Les problématiques que du Vigier va soulever, à sa prochaine affectation notamment, à Versailles, sont des questions de transmissions, à la base de la coopération entre les blindés et l’aviation. A la base d’une offensive coordonnée, même uniquement au sol, il faut un lien direct entre la découverte et les gros de l’unité, afin d’orienter au mieux l’engagement à venir. Tout repose sur les transmissions également, dans le cours que du Vigier prépare sur la coopération entre l’aviation et la DLM : « la nécessité pour l’avion de communiquer avec des éléments constamment en mouvement, la nécessité de la rapidité de la transmission des renseignements, étant donné l’urgence de leur exploitation » sont des facteurs primordiaux. Des missions d’accompagnement sont faites, à Mourmelon, en liaison avec l’aviation, pour définir les difficultés que rencontre encore un tel binôme. Bref, c’est la nécessité d’étudier l’aptitude de l’aviation à remplir les missions de la Cavalerie à ses côtés que du Vigier soulève. Voici un cours bien passionnant, quand on sait que c’est ce binôme qui causera la perte de l’Armée française six ans plus tard, mais il réalise d’autres « exposés » comme les qualifie son fils dans son récit, qui « intéressaient beaucoup un auditoire nombreux et valurent à mon père, outre les félicitations de ses supérieurs, un début de renommée en dehors de son Arme. » Ce que confirme de nombreuses fois sa notation comme celle qu’il reçoit du général Mordacq en 1935 : « Officier supérieur remarquable, ayant le don de l’enseignement, un jugement clair, unissant le tact et la modestie aux plus lucides ou solides qualités de chef. »

Nous avons détaillé quelque peu un de ces cours, inutile de donner la contenance des autres, si ce n’est leur titre, qui est évocateur dans la réflexion que les auditeurs doivent faire : Physionomie de l’attaque combinée engins blindés-dragons portés ; la Pologne (aperçu historique, points faibles, points forts, relations avec la France) ; le rôle de la Cavalerie au début d’une guerre de coalition (le corps Sordet en Belgique en août 1914, emploi hypothétique d’une DLM dans des circonstances analogues) ; escadres aériennes, maritimes et terrestres ou encore la notion de « spécialiste » . Pour finir sur cette partie « enseignement » de du Vigier au 18e Dragons, l’on peut citer l’ordre général n°37 du 15 octobre 1935 émanent de la place de Reims qui le remercie de ses services : « […] témoignage de satisfaction à l’ordre de la Division : au chef d’escadron Touzet du Vigier du 18e Dragons pour le motif suivant : « Désigné pour diriger les cours de Garnison de la Place de Reims, s’est donné à sa tâche avec infiniment d’intelligence et de dévouement. Grâce à son ascendant sur ses Officiers professeurs et à ses conseils éclairés, a obtenu d’excellentes résultats ». Voilà qui fait encore un bon bilan de la qualité de son enseignement.

Mais Touzet du Vigier du se consacrer également à l’instruction de ses propres hommes, parallèlement à ses conférences pour la garnison. Car la vérité était que les hommes ne faisaient pas corps avec leurs engins comme ils faisaient corps avec leur cheval. Et ce fut la mission que du Vigier se fixa, pour que les hommes sachent s’attacher à leur matériel comme jadis au cheval, et ainsi posséder un meilleur moral au combat, et un matériel entretenu. Il faisait également attention en tant que chef de corps, à maintenir un contact humain, « contrepartie indispensable à la rigueur de la discipline en service » . Comme nous venons de l’expliquer, le chef d’escadrons du Vigier attache une grande importance à ce que les hommes connaissent leur matériel, qu’ils sachent le préserver, l’entretenir, et non pas le considérer comme un outil sans intérêt. L’entretien et l’instruction furent donc ses principaux chevaux de bataille quant aux chars. La vision qu’il transmit à ses hommes était donc de considérer leur véhicule ou engin blindé comme l’on considérait son cheval auparavant : « Les cavaliers ont toujours eu l’habitude de faire passer en priorité les soins à leurs montures avant leurs propres besoins – le récit de la reconnaissance de septembre 1914 en est un témoignage frappant –, il faut en faire autant pour les véhicules motorisés. » avait indiqué du Vigier. Cela permettait de plus aux hommes de ne pas se contrarier du changement de monture si l’on peut dire ça ainsi, et reporter leur attention sur leurs engins. L’exemple de la reconnaissance que Touzet du Vigier fit en 1914 est en effet un exemple éclatant car les cavaliers pensèrent d’abord à se procurer de l’avoine et de l’eau, de quoi soigner leurs chevaux, avant de penser à eux, et c’est ce que veux du Vigier : penser à la logistique nécessaire à l’entretien des véhicules, aux produits d’entretien, aux outils de maintenance, au carburant . Certes, ces données sont plus contraignantes que pour le cheval dont le nécessaire était plus facile à trouver en campagne, mais la Cavalerie continue d’évoluer vers la modernité, pas à pas. Et l’adage se vérifie également avec les blindés dans une campagne : qui veut aller loin ménage sa monture… Ses principes d’instruction semblent d’ailleurs être approuvés si l’on en croit la notation que lui remet le général Villemont, commandant la place de Reims, en 1935 : « Excellente acquisition à tous égards pour son régiment. Grosse valeur, extrêmement complet.»

Pour ce qui est de l’instruction du personnel , force est de reconnaître, n’en déplaise aux cavaliers, qu’il est plus facile d’instruire le personnel dans la conduite de véhicules que de former à l’art équestre. Ce dernier nécessite beaucoup plus de temps en effet, avant d’atteindre un niveau où les cavaliers peuvent utiliser leur cheval comme ils veulent. Cela dit, la majorité des hommes n’étaient pas coutumiers de l’utilisation des automobiles, et encore moins des chars, l’instruction devait donc être également laborieuse. « La formation comportait aussi le travail en équipage, le tir, le dépannage, etc. » , et la proximité des champs de tir de Mourmelon favorisait l’entraînement de ces hommes.

En septembre 1936, du Vigier quittait le 18e Dragons, y ayant œuvré pour l’instruction de ses hommes, de la garnison, à ouvrir les yeux sur le processus de mécanisation qui se passait alors au sein de la Cavalerie. Il a aidé à déterminer, également, les modèles de chars dont la Cavalerie disposerait pour ses missions. Bref, son travail allait se poursuivre ailleurs, mais sa conviction était qu’il fallait que les unités de Cavalerie soient prêtes, la perspective d’une guerre étant proche.
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