Voici une partie de l'article du site
Le Grand soir, du site "
anti-impérialiste" belge de l'ineffable
Michel Collon, posté le 7 août 2008
Le mensonge le plus tenace est celui qui prétend que la bombe fut larguée pour mettre fin à la guerre dans le Pacifique et sauver des vies. « Même sans les bombardements atomiques, » conclut une étude intitulée United States Strategic Bombing Survey en 1946, « la suprématie aérienne sur le Japon aurait été suffisante pour les amener à une reddition sans conditions et évité le recours à une invasion. Basé sur une enquête minutieuse de tous les éléments, et confirmé par les témoignages des dirigeants japonais impliqués encore en vie, nous pensons que… le Japon aurait capitulé même si les bombes n’avaient pas été larguées, même si les Russes n’étaient pas entrés en guerre (contre le Japon – ndt) et même si aucun plan d’invasion n’avait été prévu ou envisagé. »
Les Archives Nationales à Washington contiennent des documents officiels du gouvernement US qui indiquent que les Japonais ont fait des propositions de paix dés 1943. Aucune ne fut suivie d’effets. Un télégramme envoyé le 5 mai 1945 par l’ambassadeur de l’Allemagne à Tokyo et qui fut intercepté par les Etats-Unis ne laisse planer aucun doute sur fait que les Japonais cherchaient désespérément la paix, y compris par « une capitulation assortie de conditions sévères. » Le secrétaire d’Etat à la Guerre étatsunien, Henry Stimson, a préféré déclarer au Président Truman qu’il « craignait » que l’aviation US ne bombarde tellement le Japon que la nouvelle arme ne pourrait plus « faire une démonstration de sa puissance ». Plus tard, il a admis qu’ « aucun effort ne fut entrepris, ni même envisagé, pour obtenir une capitulation ne serait-ce que pour ne pas avoir recours à la bombe ». Ses collègues du ministère étaient impatients « d’en mettre plein la vue aux Russes avec une bombe portée ostensiblement en bandoulière ». Le général Leslie Groves, directeur du Manhattan Project qui fabriqua la bombe, témoigna : « je n’ai jamais douté que notre ennemi était la Russie, et que le projet était mené dans cette idée ». Le lendemain de la destruction de Hiroshima, le Président Truman exprima sa satisfaction quant au « succès éclatant » de « cette expérimentation ».
1)
Que les américains savaient que le Japon était perdu, en 1945, cela me semble une évidence, puisque l'Allemagne avait capitulé, en mai 1945, que la flotte nippone était quasiment détruite après la bataille du
Golfe de Leyte, en octobre 1944.
http://fr.wikipedia.org/wiki/Bataille_du_golfe_de_Leyte
et que les soviétiques avaient déclaré la guerre au Japon.
Mais ce n'est pas parce qu'on sait l'ennemi perdu que l'on va arrêter les hostilités et, de plus, les acteurs historiques de l'époque ne sont pas dans un espace informatif pur et parfait !
Evidemment, rétrospectivement, la supériorité américaine dans le Pacifique nous paraît une évidence, mais, à l'époque, cette supériorité militaire devait être perçue différemment par les acteurs historiques.
2)
Il n'en reste pas moins que les caciques de l'armée japonaise, malgré une défaite assurée, n'était pas prêt de capituler. D'ailleurs, le recours aux kamikazes, la défense acharnée de l' île d'
Okinawa, de mars à juin 1945, prouvait bien que les nippons allaient se battre jusqu'au bout.
L'Allemagne était, elle-aussi, assurée de la défaite, dès le débarquement réussie en Normandie, ce n'est pas pour ça qu'
Hitler déposa les armes !
3) L'article argue que les japonais, d'après les archives américaines (
Lesquelles ?), auraient fait des propositions de paix aux américains en 1943.
Ici, on a, de manière typique, une opération de manipulation historique visant à rendre responsable les américains de la continuation de la guerre.
a) L'auteur de l'article parle d'une proposition de paix japonaise sans en préciser les références.
b) De plus, le contenu de cette proposition n'est pas explicitée ... Je vois bien les japonais proposer aux américains de faire la paix, en 1943, en prônant le statu quo dans le Pacifique ...style je garde la plupart des territoires conquis mais je rends aux américains leurs colonies ...
Il n'est donc pas étonnant que les américains aient pu refuser ces propositions de paix, en 1943, non par militarisme mais tout simplement par volonté de revenir au statu quo d'avant 1931.
4)
La pratique des petites phrases.
L'article est truffé de petites phrases pour étayer l'argumentation. C'est une pratique assez tendancieuse de relier des bouts de phrases sorties de leur contexte pour étayer une thèse. Surtout lorsque ces phrases ne sont même pas référencées et que l'auteur ne délivre pas ses sources !
De plus, l'avis d'un acteur du conflit, fut-il important, ne présume pas de l'action globale d'un gouvernement. Certains révisionnistes parlent de la naziphilie du gouvernement américain car certains patrons américains, pro-fascistes, comme
Ford, aurait sablé le champagne lors de la défaite de la France. Mais l'opinion d'un individu, fut-il un industriel puissant, ne résume pas la politique d'un pays !
5)
Si la guerre était gagnée, pourquoi alors les américains ont utilisé la bombe atomique ?
Il y a plusieurs raisons à l'emploi de la bombe, et là, l'article en donne une qui est plausible.
a) Il est évident, que
Truman qui était beaucoup moins philosoviétique que
Roosevelt, et moins idéaliste que l'ancien président, voit dans l'URSS un prochain adversaire. L'utilisation de la bombe pourrait servir à impressionner le pays des
Soviets pour mesurer ses appétits en Asie et en Europe. N'oublions pas que la Russie avait déclaré la guerre au Japon, et que devant la décomposition des troupes nippones en Chine, finir la guerre au plus vite était une nécéssité politique, pour ne pas laisser l'armée rouge contrôler des territoires immenses en Chine continentale.
Gouverner, c'est prévoir et la politique internationale ce n'est pas le monde des
Bisounours, donc que
Truman ait anticipé sur un futur potentiel conflit avec l'URSS me semble relever de son boulot de Président ...le contraire aurait été une faute professionnelle !
b)
Le niveau des pertes américaines.
Quoique peuvent dire certains anti-américains primaires, les USA se sont toujours souciés de leur potentiel humain. L'armée américaine est une armée qui privilégie le matériel aux hommes (
Elle est d'ailleurs, à partir de 1943, l'armée la mieux équipée au monde !) et qui pour préserver ses soldats, se livre à une débauche de préparations diverses (
bombardements aériens et navals massifs, opération d'intoxication et de désinformation, etc ...) avant de passer concrètement à une offensive terrestre.
Le niveau des pertes militaires, dans un régime de type démocratique, a des conséquences directes sur la popularité du gouvernement et donc peut signifier la perte ou le gain des prochaines élections.
La problématique des pertes humaines n'est donc pas la même selon que le régime soit de type électif ou dictatorial. Le niveau perte soviétique, sur le front de l'est, aurait été insupportable à une démocratie de type pluraliste, mais possible dans le cadre du régime stalinien.
Aussi, la perspective de pertes américaines importantes en cas d'invasion de l'archipel nippon, confirmée par des pertes substantielles à
Okinawa (
autour de 40 000 morts et blessés malgré une supériorité matérielle écrasante.
http://fr.wikipedia.org/wiki/Bataille_d'Okinawa )
a privilégié l'option de la bombe atomique, qui aura d'ailleurs permis de clore le conflit rapidement.
Le choix des dirigeants américains d'utiliser la bombe pour amener le Japon à la capitulation pour éviter des pertes militaires importantes en cas d'invasion de l'archipel nippon fut donc justifié par la capitulation du pays du
Soleil Levant après le double feu nucléaire.
Entre les civils japonais et les militaires américains, Truman a décidé de sacrifier les premiers et de sauver les seconds, qui pourrait le blâmer pour cette décision ? Pour un dirigeant politique il est plutôt logique de préserver la vie de ses soldats même si c'est au prix de la vie de civils étrangers !
6)
La décontextualisation de l'événement.
C'est une technique souvent utilisée par les historiens révisionnistes. J'avais rappelé, sur un de mes topics, la pratique de
Pauwels qui était de déconnecter un événement de sa cause première. L'historien belgo-canadien avait, dans son livre
Le myhe de la bonne guerre, parlé de plans anglo-français contre l'URSS, en 1940, pour démontrer que les alliés étaient plus anti-soviétiques qu'anti-nazis. En soi, la dernière assertion n'est pas spécialement fausse, en tout cas, avant le début des hostilités, mais elle ne s'applique plus vraiment après septembre 1939.
Et en effet, si il existait des plans français pour le bombardement de Bakou, Pauwels évite de dire, que ce projet fut réactivé après l'invasion de la Finlande par l'URSS, en novembre 1939 ! C'est ce que j'appelle un mensonge par omission ! On critique le fait en soi en le sortant de son contexte.
L'auteur de l'article du Grand Soir utilise la même technique en sortant l'utilisation de la bombe de son contexte historique et en oubliant soigneusement de rappeler la politique belliciste du Japon depuis 1931 et les horreurs de l'occupation japonaise en Asie.