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Claude Lanzmann "scie" Les Bienveillantes

Venez nous présenter votre dernière lecture ou des ouvrages qui vous tiennent particulièrement à coeur. Parlons des dernières parutions concernant la seconde guerre mondiale. Une belle photo de la couverture est toujours la bienvenue...
Présentez également vos périodiques préférés. Donnez-nous les sommaires et discutez sur les contenus.
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Nouveau message Post Numéro: 41  Nouveau message de laverdure  Nouveau message 19 Nov 2006, 01:00

Nicolas Bernard a écrit:
2) OK, ce que j'écris là, sur le roman de Littell, est <b>très</b> intello, mais enfin... .


Non, mais c'est surtout que tu m'enlèves le plaisir de la découverte du livre... :(

Nicolas Bernard a écrit:
Le roman est surtout connu par le prisme d’un tohu-bohu médiatique aux origines variées, aux significations multiples.

Oui, c'est bien là le problème. J'ai signalé ailleurs l'excellent livre de Martin Amis sur un thème assez proche : "La flèche du temps".
Or, en Angleterre, ce livre n'a pas défrayé la chronique, Martin Amis étant déjà reconnu comme un grand écrivain. Il est vrai que si le livre était également écrit à la 1° personne, consistant en un long flashback, il se terminait quasiment à la révélation finale du héros nazi (des indices tout au long du livre mettait peu à peu le doute et la nausée, mais jusqu'à la fin, ce n'était que supputation).

Nicolas Bernard a écrit:
Difficile de rester neutre, dans cette polémique aux cent visages, aux mille questions : la Shoah est-elle traduisible en fiction ? Dans l’affirmative, est-il moral, sinon légitime, sinon opportun, sinon innocent, de confier le rôle de narrateur à un SS ? Dans l’affirmative, le romancier peut-il y ajouter sa vision personnelle, l’assaisonner d’onirisme, de fantastique, d’érotisme, ou, comme le clameront ses adversaires, du produit culturellement fertile de sa masturbation intellectuelle ?


Telle est bien la question. Mais, je n'ai pas souvenir que des films comme Heimat aient déclenché une telle controverse. Bien sûr, on était du côté des victimes. Ce qui change tout ? Le livre de Littel est-il moins "acceptable" car, apparemment, pétri de talent ?

Nicolas Bernard a écrit:
Autant résoudre une question immédiatement. Non, ce roman n’est pas un simple roman. Ce n’est pas une simple œuvre littéraire. Il n’y, chez Littell, aucune gratuité. Il l’avoue lui-même : l’homme a vu les charniers dans le cadre de son action humanitaire, et a depuis cherché à se l’expliquer, à l’expliquer. D’où un travail de recherche considérable, admirable même (on aimerait que certains historiens suivent son exemple). D’où cette somme d’informations, de détails, d’abréviations, de locutions allemandes. Les Bienveillantes, de même que La Guerre et la Paix de Tolstoï et le Vie et Destin de Grossman, fait partie de ces œuvres complexes à prétention historique. Littell ne cherche pas à créer des effets de style. En dépit de plusieurs passages purement oniriques et parfois très beaux, en dépit de clins d’œil ou de pastiches littéraires (voir la confrontation entre le narrateur et un commissaire politique soviétique, évocation de la littérature russe), sa plume est sèche, nerveuse, épuisante à force de nous immerger dans l’horreur. Littell est Baudelaire, Rimbaud et Maupassant lorsqu’il s’agit de parler rêve, fantasmes et hallucinations, mais il est Zola, celui de La Débâcle, pour nous exposer le crime. Chez Kressman Taylor (Inconnu à cette adresse), quelques dizaines de pages suffisent pour décrire la folie d’une idée. Chez Littell, il en faut 890, car il ne s’arrête pas à l’idée, mais prolonge sa réflexion au système que l’idée a créé.


Et n'est-ce pas cela qui gêne tellement ? On ne peut lire un tel livre et le refermer tranquillement. J'imagine que c'était en tous cas le but de Littel.

Nicolas Bernard a écrit:
En ce sens, l'ouvrage recèle une prétention historique, et les historiens ont le droit - le devoir même - d'émettre à son sujet leur avis, voire leurs critiques.


Sauf que pour l'instant, de ce que j'entends, ce ne sont pas tant les historiens qu'une certaine "intelligentsia" parisienne. J'espère que les historiens utiliserons leur arme favorite : le recul.


Nicolas Bernard a écrit:
Mais l’ouvrage n’est pas non plus réductible au manuel d’Histoire. En ce sens, ce livre me fait inévitablement penser à L’Archipel du Goulag : comme Soljenitsyne, Littell dénonce un mal érigé en empire, et décrit totalement une machine totalitaire ; comme Soljenitsyne, il opte pour la solution littéraire parce que pas plus que Soljenitsyne, il n’est historien. Là réside la nuance. Hilberg, Browning, Reitlinger, Kershaw, Mommsen, Aly, Heim, Brayard, Husson, Ingrao nous ont décortiqué le mécanisme du génocide. Ils s’arrêtent à l’événement, dont ils analysent le contenu, la portée. De par leur statut, ils doivent conserver certaine distance. Une distance que Littell réfute, de par son statut de romancier.


Apparemment, cette "légère" nuance a disparu des controverses actuelles. Oui, Littel est romancier et non, il n'est pas historien. Pour autant doit-on lui dénier le droit d'écrire sur le sujet ? Pourquoi demandons-nous à un romancier d'être réaliste ? Autant demander à un historien d'être romanesque.
A-t-on vilipendé Dumas pour avoir récrit l'histoire à sa manière ?
Michelet est toujours lu et commenté.

Nicolas Bernard a écrit: Le roman de Littell nous dépeint ainsi la corruption morale engendrée par le national-socialisme, mais prend soin de nous rappeler quelle part de responsabilité personnelle a abouti à faire des Allemands des bourreaux. La dégénérescence de toute une civilisation fait l’objet de pages brillantes, où les envolées lyriques sur les peuplades caucasiennes, la philosophie grecque ou la nature juridique de l’espoir nazi dissimulent des objectifs purement primaires. La culture, ici, n’est pas étalée pour le plaisir, mais par souci de conférer un sens, un alibi, à des visées beaucoup moins épiques, beaucoup plus pragmatiques.

Tel est l’une des leçons du roman de Littell : le nazisme est un déchet auquel ses zélateurs tiennent à donner une allure d’œuvre d’art.[/b] Il y a là l’un des fondements du négationnisme, qui cherche à laver le IIIe Reich de tous ses crimes.


C'est en cela, à mon avis, que ce livre est utile à une réflexion plutôt qu'à une simple condamnation du négationnisme. Peut-être Little va-t-il trop loin en nous poussant à chercher les profondes racines du mal, nous ne voulons pas voir, nous ne voulons que hocher la tête en proclamant que cela ne doit pas être. Nous somme nous aussi dans la négation lorsque nous refusons de prêter aux nazis une humanité, qui est aussi la nôtre.
(quand je dis "nous", j'entends l'ensemble des personnes rejettant une idée sans vouloir la connaître)

Nicolas Bernard a écrit:Mais mon commentaire est déjà bien long, et il est temps de finir. Je comparais Les Bienveillantes à L’Archipel du Goulag. En y réfléchissant, je songe également au Voyage au bout de la nuit, de Céline, ou encore à Candide, de Voltaire, mais un Candide perverti, devenu totalement meurtrier.


Peut-être les commentateurs n'accordent-ils pas à Littel le même talent que Céline ou Soljénitsyne...

Nicolas Bernard a écrit:Il faut aussi lire ce livre, qui est un grand roman. Mais il faut le lire avec la prudence nécessaire à ce type de lecture.


J'en avais l'intention mais pas tout de suite, (j'ai une pile énorme qui m'attend déjà) et je pense que cet ouvrage mérite un peu de recul.
Je crains que l'emballement médiatique ne contribue à le mettre entre des mains non averties, que tout ce bruit "dirige" la lecture.

En tous cas, merci pour ce commentaire fort intéressant. J'avais envie de le lire mais n'était pas totalement convaincue. Je le suis désormais.


 

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Nouveau message Post Numéro: 42  Nouveau message de Tom  Nouveau message 19 Nov 2006, 20:45

:roll: Que signifie "lire avec prudence" ? N'ayant pas réfléchi à cela au moment de ma lecture des Bienveillantes (où je n'ai pas trop aimé - litote - les délires sexuels de la fin...), peut-être ai-je lu "imprudemment" ?

;)

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Nouveau message Post Numéro: 43  Nouveau message de St Ex  Nouveau message 21 Nov 2006, 15:54

Remarquable ta contribution, Nicolas. Evidement à lire avec prudence (Tom, je crois que Nicolas voulait simplement dire : avoir du recul, bref ne pas faire d'identification et relativement bien connaître la période pour éviter les fautes involontaires d'interprétation) et relativiser ses "délires" assumés ou induits.

Quant à "L'Archipel", le narrateur était qd même ds une situation différente, utilisation du "je" mais victime, ce qui n'est pas le cas d'Aue réellement. Pour le Docteur Destouches, je ne peux rien dire car je dois être le seul Français à ne pas aimer sa prose (et pourtant, je l'ai lu et relu!!!). Et JF Arouet, 18 et 20 ème siècle, tu pousses un peu :D .

Sinon, rien à dire.

Pour ceux que cela intéresse, très bon article en pages dernières de Libé de la semaine dernière (date exacte???) où, en clair, un historien et un romancier explicitaient le "pourquoi" du tohu-bohu médiatique: certains historiens crient à la trahison mais c'est parce que Litell vient "bouffer dans leurs gamelles" et les romanciers hurlent à la censure de leur liberté de création.

Bon, cela dit, la personne (très connue, mais son nom m'échappe :o( )qui a dit "ce n'est pas le livre de l'année, mais le livre du siècle" a sans doute été excessive!

Bon, ben, on a pas fini d'en parler :mrgreen:

St Ex


 

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Nouveau message Post Numéro: 44  Nouveau message de Pacificelectric  Nouveau message 14 Déc 2007, 16:15

Je "ressuscite" un post vieux d'un an puisque les Bienveillantes continuent encore de faire couler de l'encre. Dans le magazine "le Point" de la semaine dernière (avec en couverture 'l'Etat Sarkozy') a paru un long article sur Littell, qui devrait bientôt publier sur Degrelle, mais aussi une intéressante réflexion sur le mal et la littérature, sur Hitler et son impact sur l'humanité et aussi la réception des Bienveillantes en Espagne.


 

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Nouveau message Post Numéro: 45  Nouveau message de St Ex  Nouveau message 14 Déc 2007, 18:28

Merci Pacific, je vais lire car cela m'a échappé.

Sinon, s'il y a un seul reproche que je puisse faire au fiston Littell, c'est sa propension à faire étalage de scatologie à propos du Dr Aue, là il a poussé un peu fort (c'est le cas de le dire :mrgreen: ).

St Ex


 

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Nouveau message Post Numéro: 46  Nouveau message de Est  Nouveau message 02 Jan 2008, 11:52

L' auteur l' a t-il écrit tout seul ?

Je n'en sait rien, l'auteur ne paraissait inconnu jusqu'à ce livre.

Je pense quand même qu'il a été aidé par un historien mais....


Est


 

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Nouveau message Post Numéro: 47  Nouveau message de St Ex  Nouveau message 02 Jan 2008, 18:39

Slt Est,

Jonathan Litell est le fils de son père (romancier mondialement connu et aux innombrables best-sellers).
Fiston a indiqué avoir fait 6 années de recherches avant de pondre les "bienveillantes", enfantement réalisé en 6 mois selon ses dires.
Pour moi, c'est plausible, la maturation étant autrement plus longue que l'accouchement, mais cela dit je ne tenais pas la chandelle.

St Ex

PS: ouvrage remarquablement documenté, et c'est pas bidon, j'ai vérifié pas mal de trucs, notamment sur l'est alors que c'est relativement mal connu pour nous Français. Par ex, il parle de la Shoah par balle avant le book du Père Dubois et autres.


 

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Nouveau message Post Numéro: 48  Nouveau message de Est  Nouveau message 03 Jan 2008, 21:41

Merci pour l 'information

Est


 

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Nouveau message Post Numéro: 49  Nouveau message de loulou  Nouveau message 09 Mar 2008, 20:49

Le livre est sorti chez Folio depuis le 15 février. Littell y a corrigé quelques erreurs, un organigramme de la machine nazie y a été ajouté ce qui rend la lecture plus facile. Ce livre, je le trouve déjà quasi insoutenable à lire (notamment à cause de la précision, de l'exactitude avec laquelle les scènes sont décrites), alors qu'est ce que cela doit être de vivre ce que le narrateur décrit...
Ce qui est novateur au delà de la description ultra gore et réaliste des scènes barbares "en plein air" après tout peu connues du grand public (qui entend bien souvent uniquement "camp de concentration" par "extermination") c'est la banalisation du mal, le portrait de l'infaillible logistique de la bureaucratie nazie. Littell rejette une utopique démence généralisée des officiers nazis, c'est l'appareil nazi qui corrompt ses esclaves et non l'inverse. Il démontre que chacun de nous en une époque donnée aurait pu se faire le bourreau de n'importe quelle population et fait naitre un sentiment de culpabilité inexprimable et vain. Toutefois j'ai ressenti l'impression qu'en achevant ce roman il dégoute et on le déteste même si c'est incontestablement un chef d'œuvre. Achevé Les Bienveillantes ne livrent rien, plus on s'enfonce dans lecture du roman et plus l'énigme semble s'épaissir. Indicible elle disparait et nous laisse pantois.


 

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Nouveau message Post Numéro: 50  Nouveau message de nora  Nouveau message 04 Juin 2008, 15:14

j ai lu ce livre mais je dois avouer qu il n est pas facile a lire tout le texte est a la suite ce n est pas habituel et mes pauvres yeux en ont pris un coup et bien entendu l histoire n avait rien de rejouissant mais je l ai lu jusqu au bout mais en suis ressortie avec un sentiment bizarre presque un malaise :?


 

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