Je ne prétends certes pas que la décision d'anéantir tout un village français a été prise plusieurs mois avant le Débarquement - si tel était le cas, Lammerding aurait proposé un autre plan d'action que celui que nous connaissons, à la date du 5 juin 1944. En fait, j'expliquais dans un autre fil que la répression nazie s'était aggravée dès la fin 1943, sans succès notable puisque les actes de résistance se multipliaient. Ce constat, Hitler était en droit de le dresser à la veille du Débarquement. Celui-ci survenu, il n'y avait pas de risque à prendre.
Il fallait aller encore plus loin, même si les commandants locaux ne le réalisaient guère.
A cet égard, il me paraît intéressant de
comparer la campagne menée par la division Brehmer et celle de la Das Reich, la première en mars-avril 1944, la seconde en juin de la même année. Si l'on excepte Oradour, elles ne présentent presque
aucune différence dans leurs modalités. Or, les Allemands n'ignorent nullement que
la Résistance s'est renforcée malgré l'opération Brehmer.
Et pourtant, le programme de maintien de l'ordre suggéré par Lammerding le 5 juin 1944 n'apporte
aucune nouveauté particulière, si ce n'est qu'un plus grand nombre de Français doivent être pris en otage et qu'un quota devra être pendu pour chaque Allemand tué ou blessé.
Bref, il consacre la bonne vieille politique des otages, stratégie qui a déjà prouvé ses limites depuis plusieurs années. L'homme a beau avoir détruit des villages sur le front de l'Est,
il ne lui vient pas une seconde à l'idée d'agir de même en France. Il se contente d'"améliorer" le dispositif existant. Pas de surprise : son parcours est celui d'un
arriviste, un officier d'état-major qui gravite dans l'orbite de Himmler. Rien dans sa carrière ne révèle un homme prêt à sortir des sentiers battus.
Lammerding. Un ambitieux dépourvu d'imagination.
Surtout,
rien dans les directives allemandes émanant de l'
O.K.W. ou de l'
O.B. West ne précisait explicitement ou implicitement que l'action de lutte contre les Résistants devait inclure la destruction d'un village et de sa population.
Et il est absolument invraisemblable qu'un simple commandant de bataillon ait pris sur lui d'outrepasser ainsi les consignes officielles, ce d'autant que l'opération était évidemment connue de ses supérieurs. Dickmann n'était pas considéré comme une tête brûlée, bien au contraire -
comme le prouve ce document, ses supérieurs avaient pleine
confiance en lui.
Dickmann. Un soldat compétent, discipliné, et dénué d'humanité.
Vous me répliquerez que la justice militaire allemande avait perdu de ses prérogatives, ce qui autorisait les pires débordements. Certes, mais cette évolution datait déjà de quelques mois,
et pas un seul village n'avait jusqu'au 10 juin 1944 subi le sort d'Oradour. Pas un seul. Le village de Rouffiniac avait certes été incendié, mais sa population avait été préalablement évacuée.
Non, Dickmann a agi
sur ordre. Un ordre qui ne pouvait émaner que de Lammerding lui-même. Or, ce dernier n'a pas davantage pu agir de sa propre initiative, car son programme du 5 juin 1944 ne prévoyait nullement une telle
Aktion. C'est donc que l'ordre venait de bien plus haut. La radicale nouveauté de l'opération, le fait que Lammerding lui-même n'y ait pas songé la veille du Débarquement, le sens de la discipline de Dickmann, l'absence totale de directive écrite enfin, autant d'éléments prouvant incontestablement que
c'est bel et bien Adolf Hitler qui a donné l'ordre de ausrotten un village français pour frapper la France de terreur.
Adolf Hitler à Paris en 1940. Il haïssait si férocement les Français
qu'il n'hésitera pas à sacrifier un village à ses intérêts stratégiques.