Nicolas Bernard a écrit:François Delpla a écrit:Effectivement je diverge... mais ne me reconnais pas dans ce qui est dit sur mon point de vue.
Secondaire, l'extermination ? Seconde, plutôt. Ce contre quoi je m'inscris résolument en faux, c'est l'idée d'un Hitler nihiliste, destructeur et ne pouvant qu'échouer. Il meurt malheureux, et la mort des Juifs lui est une faible consolation. Il voulait réussir et il a failli (en mai 40, s'il obtenait sa "paix sur le sable de Dunkerque" au terme d'un parcours sans faute, avec un Staline ne pouvant guère faire autrement que de céder l'Ukraine ou de l'ouvrir à une colonisation germanique rampante; ensuite, et jusqu'à la fin, la mort ou la démission de Churchill auraient rouvert bien des potentialités).
Réussir, c'était réduire le nombre des grandes puissances de 7 à 4 : Allemagne, Grande-Bretagne, Etats-Unis, Japon, avec peut-être un strapontin pour l'Italie. Il visait donc un compromis, qui présupposait la survie de très nombreux Juifs à travers le monde. Et qui ne passait pas par l'occupation prolongée d'une bonne partie de l'Europe dans une situation de guerre sur deux fronts, condition de base de la Solution finale telle qu'elle s'est déroulée.
Merci de confirmer la totalité de ce que j'écris. A présent, je vous laisse une fois de plus la responsabilité de vos propos quant au sort des Juifs en cas de victoire nazie. Si ces derniers avaient pu être épargnés, mieux valait pour eux que la Wehrmacht parade dans Moscou et que l'Angleterre, en dernière analyse, signe la paix.
Si je comprends bien, mais ce n'est pas sûr, tu quittes le terrain de l'histoire pour celui de la morale.
Partons de cette vérité que tu admets, je crois, et non sans mérite : lorsqu'il agresse le (futur) Benelux et la France le 10 mai 40, Chamberlain regnante, Hitler n'a rien de plus pressé que de s'en retirer, fortune faite. Ce qu'il vise c'est la paix générale, vers la fin du mois. Il évacue l'Ouest... en échange de quoi vers l'est ?
D'une part, la confirmation de ses gains en Autriche, Tchécoslovaquie, Pologne (peut-être en reconstituant dans ces deux derniers pays des Etats-croupions... si Paris et Londres se souviennent des buts de leur entrée en guerre et soulèvent la question dans les négociations de paix).
Mais quid de l'URSS ? Est-il possible de déchirer le pacte immédiatement ? Cela ne ferait-il pas trop mauvais effet, par rapport au texte qu'on vient de signer à l'ouest ? En revanche, une large carrière est ouverte à une négociation avec l'ami Staline : je ne vous en veux pas mon cher mais comprenez-moi, votre Ukraine m'intéresse ! Car je m'en suis tiré cette fois mais j'ai tout de même été sournoisement agressé par une conspiration juive anglo-française, je dois à ma race supérieure de prévoir l'avenir et d'éviter tout risque de blocus, et il faut que je puisse diposer du charbon, du fer et du blé ukrainiens. Que diriez-vous d'une petite coopération pour booster la production ? Allez, juste quelques milliers d'ingénieurs, quelques dizaines de milliers d'exploitants agricoles, bref une petite colonisation allemande dans des endroits vaguement stratégiques ?A part ces détails, vous garderez tous les kolkhozes que vous voudrez ! Comment, vous hésitez ?
Donc, si nous supposons à Staline autant de sagesse qu'au Lénine de Brest-Litovsk (et si Hitler a bien celle que je lui prête), on ne se retrouve pas avec un simple Barbarossa avancé d'une année. Que deviennent alors les Juifs d'Europe orientale, à commencer par ceux de Pologne, ghettoïsés depuis 9 mois ? Ceux de Vienne ou de Berlin, même pas encore déportés ? Ici l'exercice d'histoire-fiction (rendu légitime et nécessaire par le fait historique indubitable que Hitler voulait la paix à l'ouest et que seule l'arrivée de Churchill au pouvoir l'en prive d'extrême justesse, et chronologiquement, et politiquement) trouve ses limites.
Mais enfin, si nous considérons la Solution finale réelle, en pleine guerre sur deux fronts ou plus, dans un secret quasi-étanche permis par la censure de guerre (laquelle guerre interdit de surcroît les "solutions" exotiques, naguère agitées pour préparer les esprits, de la Palestine à Madagascar), avec une préparation psychologique d'enfer dans les mois précédant Barbarossa tant auprès des SS que des cadres de la Wehrmacht, il semble qu'il manque beaucoup de conditions. Sans parler de l'impossibilité de déporter les Juifs français, italiens etc.
Donc oui, désolé, ce n'est peut-être pas très moral, mais la prolongation de la guerre par Churchill a produit dans l'immédiat beaucoup plus de victimes juives que ne l'aurait fait son contraire, en toute certitude et bien que nous ne sachions pas tout.
Mais je ne crois pas pour ma part que ce Reich aurait pu durer mille ans, ce sont bien la démocratie et le droit d'épouser qui on veut qui étaient dans le sens de l'histoire (sans parler de la décolonisation) même si celui-ci est moins déterminé que d'aucuns ne le croient. Donc ce racisme, installé au coeur de l'Europe, aurait bien dû céder la place, et l'aurait fait moins pacifiquement que l'URSS qui, elle, avait les principes démocratiques au coeur de sa constitution. La bête nazie n'aurait pas crevé sans de terribles contorsions et il aurait bien fallu que les Etats-Unis, notamment, prennent leurs responsabilités... 15, 20, 50 ans plus tard ?
Il y avait donc de l'espace pour les génocides...
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