Post Numéro: 10 de laverdure 10 Mai 2007, 22:13
Oui, Londres savait.
Je suis tombée, tout à fait incidemment, sur ce long texte lu dans l'émission "Les Français parlent aux Français", émission de Radio Londres sous censure britannique.
Regardez bien la date
Radio Londres BBC, 1942-1944
8 Juillet 1943
21 heures 30 - 22 heures
LES FRANÇAIS PARLENT AUX FRANÇAIS
Paul Bouchon
Un témoignage sur le massacre des juifs.
Pour la presse de collaboration, l'existence des camps de concentration est une
invention de la dissidence. L'opinion sait mal ce qui s'y passe. Mais, dès
décembre 1942, les renseignements ont été suffisamment concordants pour motiver
une déclaration solennelle des Alliés. En Pologne, des fourgons à gaz
fonctionnaient déjà et quatre grands centres d'extermination étaient en cours
d'installation à Belzec, Sobibor, Treblinka et Maidenek. Dans les trois premiers
camps, il n'y avait même pas de commandos de travail, sauf ceux chargés de
dépouiller les cadavres. Un cinquième camp, Auschwitz, va pouvoir anéantir 12
000 victimes par jour quand le gaz " cyclone B " y remplacera les chambres à
oxyde de carbone. Cette liquidation - qui fera 6 millions de victimes - est
secrète, mais ne se fait pas sans révoltes : à Varsovie, le ghetto a résisté de
janvier à mai ; à Sobibor, en octobre, 300 détenus parviendront à fuir après
avoir tué leurs gardes S.S. ; mais, à Lvow, en juillet, il ne reste
officiellement plus un seul juif.
Bouchon : Tout à l'heure, Jacques Duchesne va vous lire un terrible document, un
document qui révèle des faits d'une telle horreur que l'on voudrait pouvoir
douter de leur authenticité. Hélas, c'est impossible. L'homme qui a écrit ce
document est un Polonais, un Polonais qui était en liaison permanente avec tous
les groupes de Résistance de son pays et qui a assisté, dans des circonstances
qui vous seront exposées, au massacre systématique de milliers de juifs
polonais.
Si nous croyons devoir vous faire connaître ces atrocités sans exemple, ce n'est
pas seulement parce qu'elles constituent l'un des plus terribles chefs
d'accusation qui puissent, après la guerre, être portés contre ceux qui les ont
organisées ou accomplies. Mais c'est aussi parce que nous espérons que leur
publicité rendra plus conscients encore de leur responsabilité les
fonctionnaires chargés du recensement des juifs en France et ailleurs. On leur
demande, en somme, de participer à un crime, il faut qu'ils sachent quel est
exactement ce crime.
L'homme qui nous rapporte les fait que vous allez entendre précise d'abord sa
position personnelle en ces termes :
Speaker : Il y a un an, je faisais partie d'un mouvement de résistance
polonaise. J'avais la charge de rester en contact permanent avec tous les
groupes de Résistance, y compris le " Bund ", qui est l'organisation juive
sociale démocrate de Pologne. Envoyé en mission par le " Front de la
résistance " auprès du gouvernement polonais de Londres, j'ai quitté
Varsovie en octobre 1942. J'ai rassemblé, au cours de mes activités en
Pologne, des documents sur les massacres de juifs.
Bouchon : Et, avant d'aborder son sujet proprement dit, l'auteur du document
définit l'attitude des autorités allemandes à l'égard des juifs polonais, dans
le cadre de la politique allemande, à l'égard du peuple polonais, dans son
ensemble. Il écrit :
Speaker : Il me faut, je crois, expliquer pourquoi nous portions un si grand
intérêt aux questions juives. Je ne suis pas juif et, avant la guerre, je ne
connaissais que très peu de juifs. J'étais même très ignorant à leur sujet.
Mais, à l'heure actuelle, les massacres de juifs prennent une signification
spéciale : c'est que si les souffrances de mes compatriotes polonais sont
terribles dans tous les cas, l'ennemi emploie des méthodes différentes avec
les Polonais et avec les juifs. Il essaie de rabaisser les Polonais à une
race de serfs, il essaie d'en faire un peuple sans culture, sans traditions,
un peuple d'automates ; mais il adopte une ligne de conduite différente
envers les juifs. Pour eux, il ne s'agit même pas d'une politique
d'oppression et d'esclavage, mais d'une extermination systématique accomplie
de sang-froid. C'est la première fois, dans l'histoire moderne, qu'un peuple
entier, et non pas seulement 20 ou 30 % de ses membres, a été ainsi condamné
à disparaître complètement de la surface de la terre.
Bouchon : L'auteur du document nous rappelle alors sommairement le processus de
la déportation et de la concentration des victimes. Les juifs venant de toutes
les parties de l'Europe asservie sont peu à peu rassemblés et envoyés dans les
ghettos de Varsovie, de Lvow ; ils y demeurent pendant un certain temps ; de là,
ils partent c vers l'Est ", selon l'expression Officielle, c'est-à-dire, qu'en
fait, ils partent pour des camps d'extermination, à Belzec, Treblinka, Sobibor,
etc. Et, là, ils sont massacrés par groupe de mille à six mille, de différentes
façons : asphyxiés aux gaz, brûlés vifs par de la vapeur ou électrocutés.
L'auteur du document a lui-même assisté à une de ces exécutions massives et
voici ce qu'il a vu. Ecoutez
Speaker : J'ai assisté, un jour, à une exécution en masse au camp de Belzec.
Grâce à notre organisation clandestine de résistance, je m'introduisis dans
le camp sous le déguisement d'un agent de la police spéciale. En fait,
j'étais un des bourreaux. Je crois avoir eu raison d'agir ainsi, car il
m'était de toute façon impossible d'empêcher l'exécution, et cela me
permettait, d'autre part, d'apporter au monde civilisé un témoignage
irréfutable des méthodes nazies.
J'arrivai au camp, un jour de juillet 1942. Il s'y trouvait alors près de
6000 juifs des deux sexes et de tous âges. Ils étaient arrivés quelques
jours auparavant du ghetto de Varsovie. Ils ignoraient le sort qui les
attendait. On leur avait dit, comme à tous ceux qui quittent le ghetto,
qu'ils allaient travailler dans les champs et creuser des tranchées.
Dès leur arrivée au camp, on les encouragea à écrire à leurs amis du ghetto
de Varsovie pour les rassurer - leur dire qu'ils n'étaient pas mai traités,
et que la déportation n'est pas aussi abominable qu'on le croit.
C'est là un des aspects de la technique allemande, rassurer les victimes et
les tenir dans l'ignorance de leur sort jusqu'au dernier moment pour éviter
les troubles.
Si ces gens avaient su ce qui allait se passer, il aurait fallu aux
Allemands, pour arriver à leurs fins, un détachement de soldats beaucoup
plus important. Par exemple, lorsqu'au printemps de 1943 les précautions
allemandes s'étant montrées vaines, les juifs du ghetto de Varsovie
apprirent le destin de ceux qui partaient " vers l'Est ", ils se
révoltèrent. Les Allemands perdirent plus de 1 000 hommes avant de pouvoir
maîtriser la révolte et de procéder au massacre des derniers survivants.
Mais je parle ici d'événements qui eurent lieu près d'un an avant la révolte
de Varsovie. Comme je l'ai déjà dit, les juifs du camp ignoraient ce qui les
attendait. Le massacre eut lieu un jour après mon arrivée.
Bouchon : Et le document continue en ces termes
Speaker : Le camp est situé à 15 kilomètres au sud de la ville de Belzec. Il
est entouré d'une clôture qui longe une voie ferrée à une distance d'environ
10 mètres. Un étroit passage, de moins d'un mètre de large, mène de l'entrée
du camp à la voie ferrée. Ce passage est formé par deux palissades de bois.
Vers 10 heures du matin, un train de marchandises s'arrêta le long du camp.
,Au même moment, les gardiens qui se trouvaient à l'extrémité opposée du
camp se mirent à tirer en l'air et à ordonner aux juifs de monter dans le
train.
Ils créèrent ainsi la panique chez les prisonniers, pour empêcher toute
hésitation ou toute résistance de leur part. Les juifs, poussés vers
l'étroit passage dont j'ai parlé, se précipitèrent en se bousculant dans le
premier wagon de marchandises arrêté au bout du passage. C'était un wagon
ordinaire, de ceux qui portent l'indication " 6 chevaux ou 36 hommes ". Le
plancher était couvert d'une couche de chaux vive de 5 cm d'épaisseur ; mais
les juifs, dans leur hâte et leur effroi, ne la voyaient pas. Il en monta
ainsi une centaine dans le wagon jusqu'à ce qu'il fût matériellement
impossible d'en faire entrer d'autres. Dans le wagon, ils se tenaient tous
debout, serrés les uns contre les autres. Les gardiens, saisissant alors des
juifs à bras le corps, se mirent à les lancer dans le wagon sur la tête des
autres ; leur tâche était rendue facile par la terreur des prisonniers
affolés par les coups qu'on leur tirait dans le dos. Les bourreaux en
jetèrent ainsi une trentaine de plus dans le wagon, hommes et femmes ;
c'était un spectacle horrible ; plusieurs femmes eurent le cou brisé. On
imagine l'horreur de cette scène. 130 personnes furent ainsi poussées ou
jetées dans ce premier wagon, je les ai comptées moi-même. Les portes à
coulisse furent ensuite fermées et verrouillées. Le train avança légèrement.
Le wagon suivant vint se mettre en place et la même scène se répéta. Je
comptais en tout 51 wagons dans lesquels on entassa les 6 000 prisonniers du
camp. Seulement une trentaine d'entre eux étaient tombés sous les balles des
gardiens au cours de la ruée vers le train. Une fois le camp vidé et les
wagons remplis, le train se mit en marche. J' appris la fin de l'histoire de
la bouche de mes soi-disant " camarades ", les bourreaux du camp qui
faisaient ce travail depuis plusieurs mois, expédiant de un à deux trains
par semaine.
Bouchon : Et voici comment se termine ce drame atroce
Speaker : Le train s'arrête dans un champ, en pleine campagne, à environ 40
kilomètres du camp. Les wagons restent là, hermétiquement fermés, pendant
six ou sept jours. Lorsque l'escouade des fossoyeurs ouvre enfin les portes,
les occupants sont tous morts et souvent dans un état avancé de
décomposition. Ils meurent asphyxiés. Une des propriétés de la chaux vive
est, en effet, de dégager des vapeurs de chlore lorsqu'elle se trouve en
contact avec de l'eau. Les gens entassés dans les wagons doivent évidemment
se soulager. Il en résulte immédiatement une réaction chimique. Les juifs
sont donc lentement asphyxiés par les vapeurs de chlore, tandis que la chaux
vive ronge leurs pieds jusqu'aux os. Comme je l'ai déjà dit, près de 6 000
juifs meurent ainsi chaque fois.
Bouchon : L'auteur de ce document ajoute qu'on a évalué dernièrement à deux
millions le nombre des juifs massacrés sur l'ordre de Himmler. Ce chiffre,
évidemment, parle de lui-même, mais ce que l'on doit savoir c'est que ces deux
millions de victimes venaient de tous les coins d'Europe. Certains songent
peut-être que la France jouit d'un régime préférentiel, certains penseront
peut-être que l'on n'a jamais vu chez nous, sur notre sol, l'organisation de
tels massacres.
Pourtant, il suffit de se rappeler le régime qu'ont subi les juifs, entassés au
camp de Drancy, de Compiègne, ou même au Vélodrome d'Hiver. Il suffit de se
rappeler les scènes déchirantes qui se sont produites en particulier à Lyon,
lorsque des femmes juives ont été arrachées à leurs enfants, enfermées dans des
trains sans avoir pu dire adieu à leur famille. Il suffit de se rappeler le
silence soudain qui a suivi l'arrestation d'un si grand nombre de juifs pour
comprendre qu'aucun pays n'est épargné.
Que sont devenus tous ces hommes, toutes ces femmes, tous ces vieillards et
parfois ces enfants ? Ils sont partis, eux aussi, " vers l'Est ", selon
l'euphémisme employé par les Allemands ? Il faut que chaque fonctionnaire
français qui est chargé de s'occuper des questions juives comprenne qu'en
exécutant les ordres qu'il reçoit, il se rend complice d'un crime, et se fait
l'aide des bourreaux allemands de Lvow ou de Varsovie.
Extrait de "Fraternité",
organe ronéotypé du mouvement national contre le racisme, édité en zone Sud par
la Résistance. Juillet 1943.
Depuis les premières mesures prises contre les Juifs, le camp de Drancy est
resté dressé aux portes de Paris comme un épouvantable monument de la barbarie
raciste.
Ce réservoir humain était périodiquement vidé par les déportations en Pologne et
continuellement rempli par les rafles à travers la France.
et des émissions de ce genre, il y en a dès 42;;;