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Deportation des homosexuels

De l'opération T4 à la solution finale, la dictature nazie atteint un degré d'horreur jamais atteint dans l'histoire moderne. Juifs, homosexuels, communistes, dissidents, Tziganes, handicapés sont euthanasiés, déportés, soumis à des expériences médicales.
MODÉRATEUR : Gherla, Frontovik 14

Nouveau message Post Numéro: 11  Nouveau message de Savinien  Nouveau message 23 Avr 2007, 06:02

Merci Coombe pour ces éclaircissements tout simplement édifiants et proprement scandaleux.
Si je ne m'abuse pas, il s'agit là d'actes d'homophobie caractérisés.


 

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Nouveau message Post Numéro: 12  Nouveau message de Colombe  Nouveau message 23 Avr 2007, 19:28

Savinien a écrit:Merci Coombe pour ces éclaircissements tout simplement édifiants et proprement scandaleux.
Si je ne m'abuse pas, il s'agit là d'actes d'homophobie caractérisés.


Bonsoir Savinien, bonsoir les zotres

Je ne dirais pas ça, c'est très compliqué et délicat comme histoire, c'est passionné, c'est "touchy" comme disent les anglo-saxons...

Disons que, si je me fie à ce que j'ai lu dans un sens ou dans l'autre, personne n'a raison et personne n'a tort.

Oui, les homosexuels ont été persécutés par les nazis.
Oui, il y a eu des déportations d'homosexuels en Allemagne et ce dès 1933.
Non, il n'y a pas eu d'extermination des homosexuels ce qui ne veut évidemment pas dire qu'ils étaient bien traités (au contraire !) ou qu'on hésitait à les tuer gratuitement à titre individuel mais le but n'était pas d'éliminer "les" homosexuels mais d'éliminer l'homosexualité (c'est très différent) et donc ça passait par l'emprisonnement et la "rééducation" ou des expériences médicales...

De plus, il semblerait bel et bien qu'il n'y ait pas eu de déportation pour cause d'homosexualité en France (en dehors de l'est qui par définition était sous le joug de la loi allemande), il n'y a pas eu de chasse aux homosexuels systématique et les seuls homosexuels arrêtés et déportés étaient des hommes qui avaient eu des rapports avec des soldats et officiers allemands.

Les associations gay qui militent pour la reconnaissance de cette déportation homosexuelle ont souvent, d'après ce que j'ai pu lire en tout cas, un discours assez flou et ambigu... en utilisant par exemple des mots comme "extermination", en ne donnant pas de chiffre, en omettant de préciser que Pierre Seel (mentionné comme exemple sur tous les sites) ne portait pas l'étoile rose, etc.

Elles se heurtent à des problèmes avec d'autres associations de résistants ou rescapés des camps lors des commémorations dans certaines villes parce que, jusqu'à preuve du contraire, les homos français n'ont effectivement (et heureusement) pas subi de déportations.

Il manque 3 choses sur le sujet à mon avis :
- des infos fiables, des témoignages
- un vrai travail historique rigoureux
- de l'objectivité et un discours dépassionné et non militant.

J'ai écrit à quelques webmaster/administrateurs de sites, blogs ou forum gay mais je n'ai eu aucune réponse à mes questions et remarques pour le moment.

@ +

Cécile


 

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reference bibliographique

Nouveau message Post Numéro: 13  Nouveau message de Colombe  Nouveau message 28 Avr 2007, 13:36

Bonjour

Comme je l'ai indiqué dans mon message précédent, j'ai écrit à quelques webmasters et blogeurs à propos de la déportation des homosexuels. L'un d'eux vient de me répondre.

Voici un extrait ce que je lui avais demandé :

De mon côté, j'ai une question, est-ce que "l'étoile rose" de Dominique Fernandez évoque le problème de la déportation des homosexuels pendant WW2 ? Pour un forum sur WW2 auquel je participe, je cherche des infos sur le net sur ce sujet très compliqué mais j'ai du mal car la plupart du temps il est évoqué de façon très passionnée et ambigue (voire pas très rigoureuse et encore moins exacte sur le plan historique) par des sites gays militants.



Et voici ce qu'il m'avait répondu sur le sujet :

L'étoile rose de Dominique Fernandez (1978) est un roman dont la déportation des homosexuels n'est pas la thématique même si aujourd'hui en le lisant, on y pense.
http://culture-et-debats.over-blog.com/ ... 14265.html

Sur la déportation des homosexuels, un article résume bien la situation dans le Dictionnaire des Cultures Gays et Lesbiennes sous la direction de Didier Eribon, mot Nazisme, article de Michel CELSE pages 334 à 338, Editions Larousse, 2003, ISBN :2035051649

Je pense que cette référence peut être intéressante, si quelqu'un(e) a l'occasion de tomber sur ce livre pas loin d'un scanner, ça m'intéresse.

Merci :)

Cécile :sweet:


 

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Nouveau message Post Numéro: 14  Nouveau message de Audie Murphy  Nouveau message 28 Avr 2007, 16:05

Cécile, tu fais une thèse universitaire sur le sujet ?

Quoiqu'il en soit, c'est tout un travail de recherche !

Très intéressant !


 

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les homosexuels et vichy

Nouveau message Post Numéro: 15  Nouveau message de lebel  Nouveau message 28 Avr 2007, 17:53

Y a t-il eu une attitude vraiment répressive de Vichy contre l'homosexualité ?
Je pense qu'a des degrés divers de tolérance , tous les régimes de cette époque soucieux de" l'ordre moral " cataloguait l'homosexualité , à defaut de la poursuivre en tant que telle , comme circonstance aggravante

Pour en revenir à Vichy deux figures de la Collaboration ne dissimulaient pas leur orientation :

-Abel Bonnard , ministre de l'Education , affublé du surnom de Gestapette
- Marcel Jouhandeau ,homosexuel notoire, ecrivain et antisémite fanatique , qui lors du fameux "Voyage d'automne " poursuivait de ses assiduités un jeune officier allemand de leur suite...........(Rebatet dixit )


 

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Nouveau message Post Numéro: 16  Nouveau message de Colombe  Nouveau message 29 Avr 2007, 13:49

Audie Murphy a écrit:Cécile, tu fais une thèse universitaire sur le sujet ?

Quoiqu'il en soit, c'est tout un travail de recherche !

Très intéressant !


Coucou Mister Audie

:D

Non, je ne compte pas écrire une thèse là dessus mais quand Stéphane a envoyé un mail pour les 5 ans du forum en demandant à chacun(e) de poster sur un sujet si possible inédit, j'ai réfléchi à ce qui n'avait jamais été abordé et j'ai pensé à la déportation des homosexuels.

En cherchant sur le net, je me suis aperçue de 3 choses :
- le sujet a fort peu été étudié finalement et les témoignages sont quasi inexistants (ce qui se comprend, cf le message de Lebel juste après le tien)
- on ne trouve pas tant d'infos que ça
- celles qu'on trouve sont intéressantes mais généralement entachées de visions militantes et patisanes

Toutes les raisons précédentes font que j'ai trouvé ça intéressant de creuser un peu, de confronter les points de vue pour nuancer certaines exagérations voire inexactitudes dans certains.

La personne qui m'a donné les références de l'article figurant dans l'encyclopédie gay a eu la gentillesse de me le scanner. Il est assez long, je vais donc le morceler un peu pour qu'il soit plus digeste. En tout cas je le trouve passionnant.

@ +

Cécile


 

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Re: les homosexuels et vichy

Nouveau message Post Numéro: 17  Nouveau message de Colombe  Nouveau message 29 Avr 2007, 13:54

lebel a écrit:Y a t-il eu une attitude vraiment répressive de Vichy contre l'homosexualité ? Je pense qu'a des degrés divers de tolérance , tous les régimes de cette époque soucieux de" l'ordre moral " cataloguait l'homosexualité , à defaut de la poursuivre en tant que telle , comme circonstance aggravante


Oui, tu as raison et c'est une des raisons pour lesquelles il y a finalement peu d'infos sur le sujet. Parce qu'en revenant des camps, les homosexuels n'avaient de toute façon pas intérêt à dire qu'ils l'étaient...

J'ai la flemme de vérifier et ce n'est pas tout à fait ce qui nous intéresse mais je crois que l'abrogation de certaines lois répressives en matière d'homosexualité date des années 80. Alors évidemment en 40 ou même en 45, ce n'était pas un statut à revendiquer de toute façon !

Cécile


 

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Article encyclopédique

Nouveau message Post Numéro: 18  Nouveau message de Colombe  Nouveau message 29 Avr 2007, 14:05

Première partie de l'article...
J'ai aéré la mise en page et ajouté des couleurs et des caractères gras pour faciliter la lecture...

Cécile




Sur la déportation des homosexuels
l’article « Nazisme » de Michel Celse


in Dictionnaire des Cultures Gays et Lesbiennes sous la direction de Didier Eribon, Editions Larousse , 2003, ISBN :2035051649, pages 334 à 338



Nazisme

Les représentations viscontiennes (Les Damnés, 1969) d'orgies homosexuelles au sein des SA (Sections d'assaut) aux déportés homosexuels marqués du triangle rose, la perception de la condition des homosexuels sous le Troisième Reich oscille entre une imagerie qui dépeint souvent le nazi en homosexuel et une réalité historique qui fait, au contraire, apparaître la dictature national-socialiste comme une période de répression féroce et sanglante de l'homosexualité.



LE STÉRÉOTYPE DU NAZI HOMOSEXUEL

La persistance, dans l'imaginaire commun, de l'idée d'un lien intrinsèque entre adhésion au nazisme et orientation homosexuelle est si paradoxale qu'elle exige qu'on en interroge la genèse. Il est, tout d'abord, évident qu'il y avait des homosexuels parmi les nazis ou, inversement, des nazis parmi les homosexuels, mais cela ne signifie rien en soi.

L'image du nazi homosexuel se nourrit, en revanche, des ambiguïtés homo-érotiques qu'offraient, à l'évidence, certains aspects du modèle social et idéologique proposé par le mouvement national-socialiste, tels que le culte du corps viril, l'exaltation d'une domination masculine de type militaire ou encore le rôle dévolu à des sociétés exclusivement masculines comme les SA, les SS (Sections spéciales) les Jeunesses hitlériennes ou l'armée. Mais ces ambiguïtés ne suffisent pas à fonder un lien de nature entre homosexualité et nazisme.

Tout au plus permettent-elles de comprendre qu'un certain nombre d'homosexuels aient pu s'aveugler, dans un premier temps, quant au sort que leur réservait le projet national-socialiste. Car, à l'inverse, d'autres aspects, tout aussi manifestes, de l'idéologie nazie telle qu'elle se dessine dès Mein Kampf (1925) démentent radicalement le soupçon d'une complaisance quelconque du nazisme à l'égard de l'homosexualité ou des homosexuels.

Dès la prise du pouvoir, la politique de terreur qui s'engage contre les homosexuels révèle sans détour la nature, entre autres, anti-homosexuelle du régime et de sa doctrine. Aussi le paradoxe de l'identification entre nazi et homosexuel doit-il se comprendre non dans l'ordre des faits, mais dans celui de l'image du nazi que l'opposition antifasciste allemande et internationale s'emploie systématiquement à construire, à partir du début des années 1930, selon une logique homophobe primaire.

L'origine se situe dans les virulentes campagnes que la presse sociale-démocrate et communiste engage, à partir de 1931, pour dénoncer l'homosexualité d'Ernst Röhm, chef des SA et à cette époque le plus proche compagnon d'Hitler dans sa conquête du pouvoir. Il faut rappeler ici que la répression de l'homosexualité en Allemagne est inscrite dans le § 175 du Code pénal de 1871, et que cette législation, propice aux chantages en tout genre, est régulièrement à l'origine de scandales politico-sexuels largement étalés dans la presse. Dans les années 1920, le combat des organisations homosexuelles pour l'abrogation du § 175 finit par rallier le soutien du Parti social-démocrate et du Parti communiste, non sans dissensions en leur sein.

Face à la montée en puissance du parti nazi, les deux partis n'hésitent toutefois pas à sacrifier cette position libérale au profit d'une propagande outrancièrement homophobe, jugée plus populaire et censée jeter un discrédit durable sur les SA et, par extension, sur Hitler et les plus hauts dignitaires du parti. Rôhm fournit une cible idéale, que la presse de gauche attaque sans discontinuer de 1931 à 1933 : Hitler ne peut, à l'époque, se permettre de l’écarter, et doit par conséquent le soutenir régulièrement, en dépit des révélations toujours plus détaillées, dans les journaux de gauche, de ses «débauches» réelles ou fantasmées avec les jeunes recrues de la SA.

Le soutien sans faille de Hitler à Röhm offre à la gauche l'occasion rêvée d'accuser le parti nazi de duplicité et d'accréditer l'image d'une «confrérie» homosexuelle à sa direction : reprenant à son compte l'argumentaire nazi d'un péril homosexuel menaçant la nation allemande, la gauche peut aisément reprocher au parti nazi de ne pas combattre l'homosexualité dans ses rangs, et inférer de cette «protection» l'image d'un parti d'homosexuels visant à s'assurer l'impunité de leurs agissements. Après 1933, dans les conditions de l'exil, la gauche antifasciste allemande ne cesse de reprendre cette image, de plus en plus stéréotypée, dans son discours désormais adressé aux opinions publiques étrangères.

Les témoignages en provenance d'Allemagne qui font état de rafles et d'internements d'homosexuels en camps n'y changent rien, pas plus que la Nuit des longs couteaux, en 1934, qui répond à d'autres impératifs politiques que l'homosexualité des dirigeants des SA, mais que Hitler choisit de présenter comme le démantèlement d'un complot d'homosexuels emmené par Röhm.

La répression des homosexuels a commencé sur le terrain dès 1933, mais la liquidation de Röhm donne le signal d'une propagande anti-homosexuelle intense, et offre désormais toute liberté à Heinrich Himmler de mettre en œuvre à grande échelle son programme d'«éradication de l'homosexualité». Pour les antifascistes en exil, il ne s'agit que de règlements de comptes entre nazis homosexuels. Progressivement, durant la guerre et surtout à la fin, avec la prise de conscience de l'ampleur des crimes nazis et de leur barbarie inouïe, le stéréotype du nazi homosexuel acquiert une consistance nouvelle, particulièrement ignoble, en prenant insidieusement valeur d'«explication psychologique» : seuls des pervers, des détraqués sexuels peuvent être capables de tant de monstruosité.


... / ...


 

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Suite de l'article

Nouveau message Post Numéro: 19  Nouveau message de Colombe  Nouveau message 29 Avr 2007, 14:14

Suite de l'article
Références dans le message précédent



LES POSITIONS IDÉOLOGIQUES

L’examen du discours national-socialiste sur l'homosexualité ne laisse pourtant aucun doute quant à la détermination des nazis à la combattre, dès les origines du mouvement. Les fondements théoriques de leur politique anti-homosexuels, même s'ils puisent largement dans les clichés et schémas homophobes traditionnels, ne se réduisent pas à un simple héritage. Les nazis font d'emblée passer la condamnation de l'homosexualité du domaine de la morale publique à celui de l'hygiène raciale.

Dans une lettre adressée à différentes organisations homosexuelles en 1928, le Parti national-socialiste écrit ainsi : « Quiconque songe à des amours entre deux hommes ou deux femmes est notre ennemi. Nous refusons tout ce qui émascule notre peuple et en fait le jouet de ses ennemis. »

La «question homosexuelle» telle que la formulent les nazis n'est donc pas une préoccupation marginale. En regard du double impératif de purification et de reproduction de la communauté raciale, l'homosexualité est pensée comme une «Volksseuche » (Himmler), c'est-à-dire une «épidémie» gangrenant progressivement ce «corps» qu'est le Volk, le peuple entendu comme communauté raciale organique transcendant les individus qui la composent. Pour le juriste Rudolf Klare, idéologue de Himmler en matière d'homosexualité, la race germanique primitive est « naturellement » immunisée contre le péril homosexuel: «Comme tous les peuples du Nord, les Germains percevaient les homosexuels comme des dégénérés qui n'avaient plus leur place dans la communauté et les tuaient.» Klare précise : «La peine de mort publique était donc l'expression de l'instinct de conservation de la pureté de la race. »

L’homosexualité menace la race parce qu'elle détourne le mâle reproducteur de sa fonction naturelle et prive la communauté de descendance. Or, l'homosexuel n'est pas seulement inutile, il est dangereux, car son vice le rend prédateur : il est le vecteur «infectieux» qui propage l'homosexualité en séduisant et corrompant des hommes «sains» pour assouvir son instinct sexuel dégénéré. Himmler, au terme de calculs apocalyptiques, prédit l'imminence d'une multiplication exponentielle du nombre d'homosexuels, conduisant, si rien n'est fait pour y mettre un terme, à une extinction rapide de la race germanique. La régénération de la race passe, dès lors, par une politique active d'«éradication de l'homosexualité», selon trois axes:
- mettre hors d'état de nuire les hommes irrémédiablement homosexuels et prédateurs,
- remettre dans le droit chemin celles de leurs victimes qui n'ont pas encore été entièrement perverties,
- protéger en particulier la jeunesse de tout écart de conduite sexuelle.



LA QUESTION DES LESBIENNES

Voir la section "les femmes dans la guerre" et le fil "déportation des lesbiennes".



L'ORGANISATION DE LA RÉPRESSION

Contre l'homosexualité masculine, la répression est en revanche spécifiquement organisée et prend des formes multiples. Les premières semaines suivant la prise du pouvoir sont d'emblée marquées par la fermeture des bars, l'interdiction de toute organisation, les descentes de police et les exactions physiques dans les lieux de rencontres, la multiplication des arrestations, les violences, voire la torture lors des interrogatoires pour extorquer noms et adresses d'autres homosexuels, l'internement dans les premiers camps provisoires. Sur le plan policier, l'activité traditionnelle de surveillance et de fichage des homosexuels est renforcée, son organisation interne remaniée à plusieurs reprises au fil des années pour en augmenter l'efficacité.

Parallèlement au travail des services de police existants, la Gestapo, branche des SS, placée sous la direction de Himmler à partir de 1934, est également chargée de lutter contre l'homosexualité. Elle se dote pour cela d'une direction centrale et implante un service spécifique dans chacune de ses antennes locales. Son rôle est très étendu : elle gère directement la répression dans les domaines sensibles (répression à l'intérieur des diverses organisations et administrations du Parti et de l'État), impulse et contrôle le travail répressif et/ou propagandiste des autres organes d'État (police régulière, justice, éducation, etc.), intervient directement dans la gestion du système concentrationnaire. Les services de Himmler sont également à l'origine de la création, en 1936, d'une «Direction centrale du Reich pour la lutte contre l'homosexualité et l'avortement», structure à vocation essentiellement administrative de centralisation de l'information et de coordination des multiples acteurs de la surveillance et de la répression. Cette direction entreprend notamment la constitution d'un fichier central des homosexuels.

Le rôle de la justice pénale est également fondamental. La mainmise des nazis sur l'appareil judiciaire permet d'abord, en 1933-1934, une application zélée du § 175 hérité de l'Empire et de la république de Weimar, puis d'une nouvelle version à compter de 1935. Le nouveau § 175 et la jurisprudence qui s'impose immédiatement durcissent radicalement la pratique judiciaire.


... / ...


 

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fin de l'article

Nouveau message Post Numéro: 20  Nouveau message de Colombe  Nouveau message 29 Avr 2007, 14:27

Fin de l'article



LA DÉPORTATION

Au-delà de l'explosion du nombre des condamnations et de l'alourdissement des peines, pratique répressive massive mais qui demeure formellement régulée par le droit, la caractéristique majeure de l'arsenal répressif nazi contre les homosexuels est à l'évidence le recours discrétionnaire à la «détention préventive» en camps de concentration. Il n'est pas systématique: la décision s'apprécie, de façon arbitraire, selon le degré de «dangerosité» supposée de l'individu pour la communauté raciale. Un certain nombre d'homosexuels sont envoyés en camp directement après leur arrestation par la Gestapo, sans passer par une condamnation pénale. Les homosexuels déportés, dans leur majorité, sont toutefois internés après avoir été condamnés pénalement et avoir purgé leur peine en prison : le transfert en camp intervient en lieu et place de la libération prévue.

Les déportés homosexuels, dont le marquage distinctif est généralement un triangle rosé, sont, dans les camps, particulièrement vulnérables et connaissent, de la part des nazis et des kapos, voire de certains autres déportés, des humiliations et des exactions parfois bien supérieures à celles que subissent les autres déportés. Leur homosexualité déchaîne l'imagination sadique de leurs bourreaux en matière de sévices sexuels, viols et tortures. Le prétexte de leur «rééducation» les expose aux travaux et épreuves physiques les plus durs, ou encore aux expérimentations médicales (traitements hormonaux, castration).

La très faible proportion de déportés homosexuels dans la population concentrationnaire (entre 1% et 1‰ selon les périodes) leur absence de cohésion et d'organisation, la défiance généralisée des autres catégories de déportés, l'exclusion de toutes les fonctions avantageuses et des réseaux de solidarité à l'intérieur du camp concourent enfin à les placer tout en bas de l'ignoble hiérarchie des déportés que crée le système concentrationnaire.

L'ensemble de ces facteurs se traduit par une mortalité nettement plus élevée que celle constatée dans d'autres catégories de déportés (hormis ceux, juifs et tziganes, systématiquement exterminés à partir de 1942) : environ 60% des déportés homosexuels n'ont pas survécu, contre environ 41% des politiques ou 35% des Témoins de Jéhovah. Environ 13% ont pu quitter le camp sur décision des nazis (déportés politiques : 18%), en particulier lors du déclenchement de la guerre, pour partir au front. Les 26 à 27 % restants ont survécu à la faveur de la libération des camps.



AMPLEUR ET LIMITES DE LA RÉPRESSION

S'il est impossible d'établir un chiffrage exact du nombre de victimes de la répression, et particulièrement de la déportation, l'état des recherches historiques permet aujourd'hui d'avancer un certain nombre d'approximations hautes et basses qui, à défaut d'être précises sont du moins, fiables quant aux ordres de grandeur qu'elles délimitent.
Ainsi, on peut estimer que les nazis sont parvenus de 1933 à 1945 à identifier et ficher de l'ordre de 100.000 homosexuels au moins. Les tribunaux, pour leur part, condamnèrent au total entre 50.000 et 63.000 personnes à des peines s'échelonnant de la simple amende à plus de dix ans de réclusion.

Alors que le nombre de condamnations au titre du § 175 était de l'ordre de 800 par an à la fin de la république de Weimar, ce chiffre passe rapidement à plusieurs milliers à compter de 1935, pour culminer entre 7.500 et 8.500 condamnations annuelles dans la période 1937-1939. Avec la guerre, le nombre de condamnations retombe en dessous de 4.000 et s'érode progressivement pour atteindre environ 2.000 en 1943-1944.

Enfin, le nombre d'homosexuels internés dans les camps se situe avec certitude dans une fourchette allant de 5.000 à 15.000 déportés, dont 3.000 à 9.000 n'ont pas survécu. On retient généralement comme probables les chiffres médians d'environ 10.000 déportés et 6.000 morts.

Ce bilan chiffré de la politique anti-homosexuelle du Troisième Reich autorise un certain nombre de conclusions. Tout d'abord il marque les limites de l'efficacité de l'action répressive : si l'on évalue raisonnablement le nombre d'homosexuels du Reich entre 500.000 et 1,5 million, il apparaît qu'ils ont majoritairement réussi en dépit des efforts considérables déployés pour les traquer, à échapper aux persécutions directes, serait-ce au prix de conditions de vie affreuses dissimulation, terreur permanente d'être découvert, abstinence.

On constate ensuite que la répression culmine en 1938-1939 et que son efficacité, dans les faits, décroît par la suite. Himmler et ses services ne cessent, pendant la guerre, de multiplier décrets et instructions toujours plus radicales afin de relancer et durcir encore la répression mais, à l'évidence, sans la capacité de les mettre en œuvre.

Menée au nom de la «protection de la race», la lutte des nazis contre l’homosexualité s'est traduite par une persécution des homosexuels dont le caractère barbare, massif et organisé est incontestable ; néanmoins, elle n'a jamais atteint le systématisme dont furent victimes les juifs et les tziganes, ni, par conséquent, pris le caractère d'une extermination.

Les chiffres l'indiquent, mais également le fait que la déportation dirige les homosexuels vers les camps de concentration et non vers les chambres à gaz des camps d'extermination. On ne peut, en ce sens, parler de «solution finale» ou d'un «génocide» des homosexuels.

L'intention existait sans doute chez certains dignitaires nazis comme Himmler, mais n'a jamais été concrétisée. Que l'on ne puisse parler de «solution finale» ou de «génocide» ne minimise cependant en rien l'horreur du crime commis contre les homosexuels par les nazis : il s'agit bien d'un crime contre l'humanité, scandaleusement occulté après la guerre.

Michel CELSE



Infos sur l'auteur de cet article :
Michel Celse, germaniste, ancien élève de l'École normale supérieure, militant d'Act Up-Paris, a écrit plusieurs articles sur l'histoire de l'homosexualité et la condition des homosexuels en Allemagne au XXe siècle.



L'article renvoie aux autres articles suivants :
→ Allemagne, Armée, Bars, Berlin, Bodybuilding, Chantage, Collaboration (Écrivains et), Communisme, Dégénérescence (Théorie de la), Discours scientifiques, Droit, Fascisme, Histoire, Homoérotisme, Homophobie, Kreutzberg, Leander, Masculinité/masculinisme, Opinion publique, Orientation sexuelle. Perversion, Prostitution féminine, Résistance, Sadomasochisme, Skins, Valland, Violence anti-gay, Visconti, Bibliographie.



Rappel des références de l'article :

Sur la déportation des homosexuels
l’article « Nazisme » de Michel Celse


in Dictionnaire des Cultures Gays et Lesbiennes sous la direction de Didier Eribon, Editions Larousse , 2003, ISBN :2035051649, pages 334 à 338


 

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