Le sujet n'est pas de faire un cours de philosophie mais d'évoquer la place centrale qu'occupe la philosophie de Heidegger (considéré comme le philosophe de la modernité et des techniques) dans le discours intellectuel, en particulier français, et ses conséquences dans la façon dont l'Occident analyse le phénomène de totalitarisme et sa perception de la Shoah. Heidegger a reçu la caution de philosophes aussi estimables que Levinas (qui l'a découvert en 1929), Sartre (en 1943) puis, la liste est longue après guerre: Derrida, Finkielkraut, BHL (pour citer les plus médiatiques) Davantage apprécié en France qu'en Allemagne, c'est un ancien Résistant Jean Beauffret qui le fera connaître en France. De leur amitié résultera que François Fédier, élève de Beauffret, deviendra le légataire universel de l'œuvre de Heidegger, c'est à dire sera le traducteur officiel en France et contrôlera ce qui pourra être publié ou non.
On s'accorde à dire que si on trouve "rien à redire" dans les écrits de Heidegger tellement sa langue est codée.
Heidegger, l'homme qui a dit dans les années 30 que "la mécanisation de la Wermacht était un acte métaphysique" et à la fin de sa vie fera le constat que après guerre "quand les Français ont recommencé à penser, ils l'ont fait en allemand." est pour Emmanuel Faye,
Enfin Annah Arendt a littéralement forgé les outils intellectuels qui ont permis de ramener au premier plan mondial sa pensée à partir de son livre sur le procès Eichmann à Tel Aviv, avec le poison d'idées comme quoi les Juifs étaient responsables de leur propre malheur. Faisant du Nazisme un phénomène de non-pensée, elle en dédouanait le "plus grand" des penseurs. Enfin ses théories sur les totalitarismes conduit à un relativisme, tous les totalitarismes se vaudraient, bourreaux et victimes seraient parfaitement interchangeables dans les camps. Heidegger pouvait désormais affirmer an nez et à la barbe de tous, et sans recevoir la moindre contradiction, qu'il n'y avait pas de différence fondamentale entre les camps de la mort et les processus de l'industrie alimentaire productrice de viande qu'il qualifiaient "d'usines à produire des cadavres." Ce qui revenait, selon le philosophe Faye, à "nier que les Juifs soient morts dans les camps" (càd qu'ils seraient passé directement du statut d'être au statut de cadavre )
Bibliographie
Heidegger, l'introduction du nazisme dans la philosophie de Emmanuel Faye
Des documents inédits ou non traduits jusqu'à aujourd'hui nous révèlent à quel point Heidegger s'est consacré à introduire les fondements du nazisme dans la philosophie et son enseignement. Dans son séminaire de l'hiver 1933-1934, il identifie ainsi le peuple à la communauté de race et entend former une noblesse politique pour le IIIe Reich, tout en exaltant l'éros du peuple pour le Führer. Or, contrairement à ce qu'on a pu écrire, loin de s'atténuer après 1935, le nazisme de Heidegger se radicalise.
Sans jamais dissocier réflexion philosophique et recherche historique, Emmanuel Faye montre que les rapports de Heidegger au national-socialisme ne peuvent se résumer au fourvoiement temporaire d'un homme dont l'oeuvre continuerait à mériter admiration et respect. En se posant en «guide spirituel» du nazisme, Heidegger, loin d'enrichir la philosophie, s'est employé à détruire à travers elle toute pensée, toute humanité. Déjouer cette entreprise, telle est donc la tâche urgente du philosophe.
Arendt et Heidegger: Extermination nazie et destruction de la pensée de Emmanuel Faye
N'y a-t-il pas une contradiction dans l'oeuvre d'Arendt ? On y trouve une description critique du totalitarisme national-socialiste, mais aussi l'apologie de Heidegger érigé, malgré son éloge de la « vérité interne et grandeur » du mouvement nazi, en roi secret de la pensée.
L'étude des Origines du totalitarisme montre qu'Arendt développe une vision heideggérienne de la modernité. Dans Condition de l'homme moderne, la conception déshumanisée de l'humanité au travail et le discrédit jeté sur nos sociétés égalitaires procèdent également de Heidegger. En outre, des lettres inédites montrent qu'Arendt a décidé de marcher sur les pas de Heidegger avant leurs retrouvailles de l'année 1950. Il s'agit d'une adhésion intellectuelle, irréductible à la seule passion amoureuse, et qui mérite d'être prise au sérieux. Certes, Arendt ne partage pas l'antisémitisme exterminateur de Heidegger confirmé par ses Cahiers noirs. Que devient cependant la pensée, lorsqu'elle se voit instrumentalisée dans l'opposition nouveau mythe moderne entre Heidegger, le « penseur » retiré sur les hauteurs neigeuses de sa hutte de Todtnauberg, et Eichmann, l'exécutant sans pensée, le « clown » muré dans sa cage de verre ?
Hannah Arendt et la question noire de Kathryn Sophia Belle (auteur) Emmanuel Faye (Préface), Benoît Basse (Traduction)
Dans cet ouvrage, qui a fait l’objet aux États-Unis d’une réception importante à sa parution, Kathryn Belle analyse la position problématique, pour ne pas dire choquante, que Hannah Arendt a défendue sur ce qu’elle appelle elle-même la « question noire », en particulier dans ses « Réflexions sur Little Rock ». Cet article d’Arendt a suscité une vive polémique dès sa parution en 1959, celle-ci s’opposant au fameux arrêt Brown de la Cour suprême qui avait mis fin à la ségrégation dans l’enseignement public. Ce faisant, Arendt manifeste à l’évidence une profonde incompréhension de la lutte des Noirs américains pour leur émancipation. Kathryn Belle montre que le conservatisme d’Arendt s’explique non seulement par ses préjugés à l’endroit des Africains et des Afro-américains, mais aussi par certaines distinctions au cœur de sa théorie politique, notamment celle entre le social, le politique et le privé : tandis que pour Arendt la sphère politique se caractérise en principe par l’égalité entre les citoyens, la sphère sociale, dont relèvent selon elle les établissements scolaires, implique un droit de discriminer, c’est-à-dire de fréquenter et d’exclure les personnes de son choix, qui ne saurait être limité par la loi. Par ailleurs, les thèses d’Arendt sur la violence sont reconsidérées à l’aune de sa tendance à discréditer la violence des opprimés plutôt que celle des oppresseurs, aussi bien dans le contexte de la lutte contre le racisme et la ségrégation que dans celui de la décolonisation.