HERSCHEL GRINSZPAN, le fantôme de la nuit de cristal

Anecdotique ou secondaire? Une fois entre les mains des Nazis, Grynszpan ne maîtrisait plus totalement son destin. Empêcher la tenue du procès, c'était aussi s'exposer à être liquidé. Qu'il ait survécu ou combien de temps il a vécu ne change pas l'Histoire (même si cela serait riche en enseignements sur le fonctionnement bureaucratique d'un régime totalitaire.) Adolph Eichmann lors de son procès laisse entendre avoir rencontré Grynszpan vers la fin de la guerre. Le père de Herschel était témoin au procès.
L'intérêt de "l'anecdote", en l'occurence cette photo et la ressemblance avec Herschel Grynszpan, c'est de faire surgir un personnage. Malgré l'importance historique de la Nuit de cristal, il n'y a quasiment aucun écrit sur cet homme. Tout le monde s'est ingénié à l'effacer de l'Histoire. Trop jeune, trop isolé, ne faisant pas partie d'un mouvement politique personne ne veut l'inclure dans la Résistance juive. Jusqu'à retourner le procédé qu'il emploie, plaider le "crime passionnel", en argument pour le déconsidérer.
Il s'agit d'évaluer justement son acte et ses motivations.
(Les cas ne manquent pas ou des actions parfois purement symboliques sont dressées en symbole d'héroisme alors qu'elles pourraient passer comme inutiles au vue des risques encourus, ou des conséquences qu'elles entrainent: Un lycéen distribuant des tracts d'un parti légalement dissous, d'autres célèbrant un 11 novembre interdit, ou d'autres en pleine guerre assassinant un simple vaguemestre allemand parce qu'ils ne veulent pas attendre comme leur demande les Résistants...)

Il y a un vrai sujet. La phrase dans l'article de Times of Israel m'interpelle: "La puissance de la machine de propagande allemande convainc presque tout le monde – y compris les Juifs allemands – que les actions de Grynszpan ont déclenché le plus grand pogrom en Allemagne depuis le Moyen Âge." Est-ce que nous n'aurions pas en quelque sorte, une victoire du nazisme qui réussi à installer des apriori (Grynszpan et les Juifs d'Europe de l'Est responsables de tous les malheurs) et trouve des relais pour diffuser son idéologie jusqu'à aujourd'hui!

Pour aller plus loin j'ai commandé (aux USA, j'espère que les douanes n'y mettront pas de taxes) un des rares livres qui lui soit consacré:
The Short, Strange Life of Herschel Grynszpan – A Boy Avenger, a Nazi Diplomat, and a Murder in Paris
Les critiques trouvent ce livre plutôt bien documenté notamment pour faire la part dans les on-dit, les préjugés, ce qui relève de la tactique de défense... et connaître l'homme.
https://jewishjournal.com/culture/arts/books/115039/

Pour la photo de Herschel Grynszpan, il y a presque dix ans d'écarts avec les autres photos connus. Personnellement je ne bâtirait pas une théorie sur une photo. Tout ce qu'on peut dire c'est que la personne lui ressemble en plus empâté. Le possible n'est cependant pas une certitude ou une vérité. Le jugement que cite Aldebert "une attitude plus efféminée", n'est il pas un signe des effets du poison de la propagande prête à s'infiltrer en nous pour déconsidérer Grinszpan?

Je viens de recevoir le livre de Jonathan Kirsch "The Short, Strange Life of Herschel Grynszpan – A Boy Avenger, a Nazi Diplomat, and a Murder in Paris"
Le livre me parait vraiment intéressant parce qu'il abode vraiment la personnalité de H Grynszpan, son parcours et le contexte, notamment les particularités qu'il peut y avoir à être un "Ostjuden" en Allemagne et un Juif allemand. Je crois qu'il y a un véritable sujet à expliquer pourquoi son acte a été écarté de l'Histoire, lié à sa personnalité mais aussi la propagande nazie et à des considérations politiques d'après-guerre.

Le livre de Jonathan Kirsch "The short, strange life of Herschel Grynszpan" est vraiment excellent et présente la complexité de l'affaire et du contexte.
La plupart des gens retiennent que la Nuit de cristal est un grand pogrom organisé à l'échelle de l'Allemagne. Or, il s'agit d'une affaire qui a de grandes similitudes avec
l'Incendie du Reichstag en 1933 (y compris l'hypothèse que l'assassinat de vom Rath soit le résultat d'une manipulation des services allemands). La Nuit de Cristal, décidée quelques heures après la mort du diplomate Vom Rath n'a rien de la "colère spontanée du peuple" que veut faire croire les nazis. Le pogrom est parfaitement organisée, y compris pour que les violences soient contrôlées et contenues dans certaines limites. Hitler se tient en retrait. C'est une manipulation nazie
qui a plusieurs objectifs:
Bien sûr passer de l'ostracisation des juifs à des mesures répressives mais également tester l'occident, éprouver jusqu'à quelles limites ils sont près à céder pour "sauver"
la paix. En l'occurence aucun pays ne bougera en faveur des juifs.
Pour les Allemands, le procès de Grynszpan est censé en 1938 démontrer la réalité du complot juif. (Au fur et à mesure que la guerre avancera, les objectifs des allemands évolueront. En 1940, il s'agira de prouver que les Juifs sont responsables du déclenchement de la guerre).
Grynszpan, qui a le soutien d'une minorité d'anti nazis veut faire de son procès, le procès du nazisme. L'embaras diplomatique de la France retarde la tenue d'un procès. La déclaration de guerre l'empêche définitivement. Les nazis en envahissant la France font de la tenue d'un procès en Allemagne un objectif prioritaire. Grynszpan
est envoyé en Allemagne. Les Allemands raflent tous les documents judiciaires qui pourraient servir. Les documents retrouvés dans les archives allemandes montrent que Grynszpan est Traité en VIP auquel il ne faut pas toucher, Hitler veut un grand procès public. Seul, isolé, Grynszpan a deux objectifs: Survivre, durer mais aussi empêcher la tenue d'un procès qui irait dans le sens des nazis. Il adapte ses versions, ses déclarations en fonction de ses interlocuteurs, invoquant qu'il s'agissait d'une affaire à caractère sexuel. Cas de figue impensable pour les Nazis. . Les nazis sont prêts à tout, y compris à fabriquer des faux, d'ailleurs on ne sait pas quelles pièces sont vraies ou fabriquées dans le dossier.
Fin 1942 Grynszpan est transféré à Magdebourg sur ordre de Hitler en attendant qu'il décide de la date du procès. L'évolution de la guerre en 1943 fait que la tenue d'un procès n'est plus une priorité pour Hitler.

Très intéressant !
La question de la confrontation des documents, vrais, faux, douteux, est certainement passionnante.
JD

Dans les archives allemandes il y a une lettre que Grynszpan aurait écrit à un compagnon de détention où il lui dit qu'il a inventé l'histoire d'homosexualité pour empêcher la tenue d'un procès, qu'il a déjà essayé de se suicider et qu'il refusera de répondre aux questions. Le problème, c'est qu'il ne s'agit pas de l'original de la lettre mais la transcription d'une lettre faite par les services allemands car Grynszpan l'aurait codé avec des chiffres hebreux. Et si comme certains auteurs, on ne dit pas ce dernier point, on passe à côté d'une possible manipulation. Une lettre d'aveux qu'il s'agit d'une invention, et si en plus Grynszpan est "suicidé", c'est une porte de sortie peu glorieuse mais qui sauve la face.
De même, une notice anonyme écrite en allemand "trouvée" parmis les documents volés chez l'avocat de Grynszpan en France, dit qu'il aurait été manipulé par les services secrets allemands pour éliminer un opposant anti-nazi, vom Rath. Là aussi une manière peut être de déconsidérer Grynszpan ou même son avocatn Maître Moro Giafferi. Il semble que vom Rath n'était pas un fanatique nazi, comme beaucoup d'aristocrates et De plus appartenant au sérail diplomatique, il méprisait les nazis, mais de là à en faire un opposant...

Et les nazis en veulent. à Maître Moro Giafferi, ténor du Barreau, (affaire Landru, il aurait dû s'occuper de l'affaire Seznec...) Il avait offert en 1933 ses services pour défendre le Bulgare Dimitrov, un des accusés de l'incendie du Reichstag. (Les Nazis avaient refusé qu'il le défende). Enfin Maître Moro Giafferi a préfacé le "Livre brun sur l'incendie du Reichstag et la terreur hitlérienne", qui dénonçait un complot nazi.

Les Nazis étaient aussi "à la recherche" des lettres de vom Rath qui démentiraient son homosexualité, qui n'a en fait rien de prouvée, même si les milieux homosex els de l'Intelligentsia française, en mal de publicité , en faisait écho.
Maître Moro Giafferi avait confirmé après guerre qu'il avait proposé dès le début à Grynszpan d'utiliser cette Défense pour sauver sa tête au vue de l'ambiance en France, la volonté d'apaisement avec les Allemands.... mais à l'époque Grynszpan refusait et voulait un procès pour dénoncer le nazisme.

Intéressant - Merci !!!

Pour la ressemblance il faut tenir compte de la différence d'âge, entre 17 ans en 1938 et 24 ans ()en 1945) c'est quand même une période de la vie où les corps et les visages peuvent beaucoup se transformer. Ceci toutes les rumeurs de survie proviennent d'un Allemand particulièrement fantasque.
Un fonctionnaire allemand par contre croit se souvenir avoir entendu vers la fin de la guerre, que Grynszpan venait de mourir. En précisant que l'on ne lui avait peut être pas dit la cause, assassinat ou simplement maladie.
Il faut se rappeler que Hitler avait donné l'ordre de ne pas le maltraiter pour qu'il puisse être présenté à un procès. Il me semble que l'un des dirigeants du parti communiste allemand, arrêté en 1933/ 1934 n'a été exécuté qu'à la toute fin de la guerre. Entre l'ordre de Hitler et la machine administrative nazie, il est possible que Grynszpan ait été "oublié"et ait survécu plus longtemps que l'on ne le pense. Un procès avait été décidé en 1942 mais annulé à la dernière minute. Le frère de Herschel Grynszpan, Mordechai qui avait survécu et combattu toute la guerre dans L'Armée Rouge, a longtemps cherché son frère sans trouver la moindre preuve de vie.

Le journal de Goebbels atteste que la Nuit de cristal a été ordonnée par Hitler et n'avait rien d'une manifestation spontanée. L'opération a nécessité une telle préparation tant en organisation que en moyens, que beaucoup ont conclu, vu qu'elle avait été réalisée "pour venger la mort de vom Rath", que Grynszpan aurait pu être manipulé par des agents nazis à Paris.

Il faut avoir en tête l'"affaire Frankfurter":
En février 1936 David Frankfurter, un juif d'origine croate qui a fui l'Allemagne pour la Suisse, tue à Davos pour des motivations politiques revendiquées, un Allemand, Wilhelm Gustloff, chef de la branche suisse du parti nazi. L'organisation au même moment des Jeux Olympiques d'hiver en Allemagne gêne considérablement les nazis. Jugé en Suisse, Frankfurter est condamné à 18 ans de prison. Il sera gracié et expulsé en 1945 vers la Palestine. Les nazis avaient dépêché en Suisse un juriste, le Dr Friedrich Grimm pour suivre l'affaire. Ce même juriste sera envoyé à Paris pour suivre l'affaire Grynszpan.

Les Nazis étaient conscients qu'ils ne pourraient pas influencer comme ils le voudraient, le déroulement d'un procès à l'étranger. Ils n'ont d'ailleurs pas obtenu l'extradition de Grynszpan. Pourtant les Nazis en ont eu la possibilité. Grynszpan a été arrêté par la Sécurité dans l'ambassade d'Allemagne et remis aux policiers français. S'ils n'avaient pas fait cela, l'Ambassade d'Allemagne étant juridiquement considéré comme territoire allemand, et considérant le désir des gouvernants français de ne pas provoquer de crise avec l'Allemagne, ils auraient possiblement pu transférer Grynszpan en Allemagne.

Il faut aussi noter la raison qui a poussé Grynszpan à agir. Il venait d'apprendre que les Nazis avaient décidé l'expulsion vers la Pologne des Ostjuden. Toute la famille de Grynszpan, comme 12000 autres juifs ne possédant pas la la nationalité allemande avaient été reconduits à la frontière polonaise, sans affaires personnelles, sans argent. On peut penser qu'il n'était pas dans les intentions des Nazis de soulever simultanément la questions des Juifs allemands et non-allemands, et lier leur sort. Aucun pays européens ou dans le monde (USA, Australie) ne souhaitaient faire le moindre geste en faveur des juifs d'Europe Centrale. L'Australie avait plus ou moins déclaré: "Nous n'avons pas de problème s raciaux en Australie, nous ne comptons pas en avoir".

les Nazis pouvaient se douter qu'n procès en France risquait de se retourner contre l'Allemagne. A l'occasion de l'incendie du Reichstag les organisations antinazie avaient organisé un "contre-procès" et abouti à la publication du "Livre brun sur l'incendie du Reichstag et la terreur hitlérienne". Dorothy Thompson, une journaliste américaine avait immédiatement pris faits et cause pour Grynszpan et réussi à lever 40000 dollars pour la Défense. Cette journaliste, correspondante étrangère à Berlin, avait été la première en 1932 à obtenir une interview de Hitler. Cela avait malgré tout un flop. Hitler lui a paru tellement insignifiant, incapable de devenir un leader, qu'elle en a fait un portrait pas particulièrement avantageux. A peine arrivé au pouvoir, les Nazis l'expulsaient d'Allemagne. La défense envisagée pour Grynszpan devait transformer le procès, en jugement du Nazisme comme pour le procès du meurtrier de Symon Petlioura.
En 1926 Samuel Schwartzbard, un juif originaire de Bessarabie apprend qu'un opposant ukrainien à la Russie est à Paris. Il l'assassine pour "venger les pogroms perpétrés par les Ukrainiens pendant la Révolution. Très bien défendu, il est acquitté. Il mourra plus tard en Afrique du Sud; Considéré comme un héros, Israël rapatriera plus tard son corps.

Enfin, ce n'est pas un argument mais je n'ai encore lu personne qui ait fait ce rapprochement: Vom Rath meurt le 9 novembre 1938. le même jour Maurice Bavaud tente d'assassiner Hitler. Hitler a fait passer son égo de côté et privilégié l'antisémitisme. L'affaire Bavaud arrivait trop tôt dans ses plans pour y trouver prétexte à envahir la Suisse.

Selon l'Institut fur ZeitGeschischte, Walther Hammer, un opposant politique allemand a témoigné en 1957 qu'il avait croisé Herschel Grynszpan en 1940 à Berlin dans les locaux de la Gestapo. Il dit l'avoir revu dans le camp de SachsenHausen, Grynszpan état selon lui dans un quartier sécurisé à part. Il l'a ensuite revu fin janvier 1945 au pénitencier de Brandebourg. Deux jours plus tard il était transféré à Hambourg. Ce témoignage crédible et l'identité de Grynszpan semble confirmée par d'autres témoins, est le dernier témoignage qui ait de la valeur sur la survie de Grynszpan.
Ce n'est pas sans rappeler le cas de Berthold Jakob, journaliste anti-nazi: Enlevé en Suisse par la Gestapo en 1935, il finit par être libéré sur intervention du gouvernement suisse en 1936. Expulsé vers la France il ne parviendra pas à obtenir un visa pour les USA; Réfugié au Portugal il est à nouveau enlevé par les nazis en 1941. Gardé prisonnier en vue d'un procès dans le type que les Nazis réservaient à Grynszpan, Berthold Jakob meurt de maladie à Berlin le 25 février 1944.

Cela semble confirmer que l'ordre de Hitler de garder en vie Grynszpan, à défaut de contre ordre, aurait été respecté jusqu'au bout.
Entre février et mai 1945 il a cependant pu se passer tant de choses.

bonjour.
Ce livre n'a pas été traduit français ?

As tu lu, à titre de comparaison : Je m’appelle Herschel Grynszpan de Morgan Poggioli ?