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1940-1981: un insupportable Général

Cette rubrique est consacrée uniquement aux Personnages les plus importants du conflit, militaires et/ou politiques.
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1940-1981: un insupportable Général

Nouveau message Post Numéro: 1  Nouveau message de fbonnus  Nouveau message 28 Juil 2013, 16:30

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Charles et la Reine Mère ...

L’histoire de la France contemporaine à travers les archives britanniques. Dans ces télégrammes et notes, pour la plupart inédits, domine un personnage que les Anglais ont peine à cerner : Charles de Gaulle.

« Monsieur Baudouin annoncera bientôt la nomination du colonel de Gaulle et de monsieur Baumgartner pour l’assister. Le colonel de Gaulle a récemment commandé un régiment de chars et est un fervent partisan de l’attaque. Au début de la guerre, il fut très désireux de tenter une attaque sur la ligne Siegfried avec ses chars et ses troupes marocaines. Il n’est pas apprécié à l’état-major du général Gamelin. […] À présent, M. Reynaud ne semble avoir aucun lien avec le commandement du général Gamelin et dépend du colonel de Gaulle pour tout conseil sur les affaires militaires. »

Le 5 avril 1940, Richard Coleridge, chef de la mission militaire anglaise en France, introduit ainsi de Gaulle dans l’histoire des relations franco-britanniques et dans les 11 millions de documents des National Archives. Coleridge a pris ses renseignements auprès de Roland de Margerie, chef de cabinet de Paul Reynaud, alors président du Conseil. Son télégramme s’adresse au War Cabinet, présidé par Winston Churchill. Côté français, Paul Baudouin est lui-même le secrétaire du comité de guerre qui se tient à l’Élysée, en présence du président de la République et du chef du gouvernement. Pour bien comprendre les tensions décrites par le télégramme britannique, il faut savoir que Baudouin se révélera un partisan de l’armistice tandis que de Gaulle en sera un adversaire déterminé. Or de Gaulle, qui était alors le mentor militaire de Paul Reynaud, aurait aimé que ce poste lui fût confié. Amer et bloqué par Daladier, alors ministre de la Guerre, le colonel, jugé trop belliciste, rejoignit son régiment de chars en Alsace. Ce télégramme suffit à prouver avec quelle attention le gouvernement anglais suit le moindre changement qui concerne son alliée à la politique incertaine, la France.

Cette note ouvre l’Histoire de France vue par les Anglais (1940-1981), un ouvrage écrit à partir des archives britanniques, accessibles au bout de trente ans. François Malye, grand reporter au Point, et Kathryn Hadley, historienne et journaliste anglaise, les ont explorées. Ils ont retenu une quarantaine de fichiers, tous inédits sauf un. Rédigés par les diplomates, les conseillers, les agents secrets de la Couronne pour leurs su périeurs, ils illustrent des moments importants de notre dernier demi-siècle. Leur perspective est celle de la défense des intérêts britanniques. Elle est passionnante, souvent surprenante.

Les portraits y foisonnent : Pétain, jugé le 16 juin 1940 « préoccupé par une seule et unique pensée, celle de mettre fin au carnage et de demeurer lui-même en France » ; Chaban-Delmas, en 1969, « versatile, ambitieux et vaniteux », « c’est une commère, et de très bonne compagnie, excellent joueur de tennis et de rugby » ; Mitterrand, en 1976, « distant par nature » avec « des airs de Julien Sorel », un « hédoniste » qui « préférerait passer son temps à lire Valéry plutôt que Marx ».

Les appréciations sur la société française ne manquent pas non plus de piment. Voici un tour de France effectué au printemps 1950 par l’ambassadeur britannique, qui découvre abasourdi que, dans le Sud-Ouest, lorsque l’on parle d’“occupation”, il s’agit de celle des Anglais au Moyen Âge !

“La position de la France est celle d’un noyé appelant à l’aide”
Mais un personnage domine les documents sélectionnés : Charles de Gaulle. Pour les Anglais, il représente un mystère constant, la personnification de l’imprévu.

À la mi-juin 1940, l’ambassadeur du Royaume-Uni à Paris, sir Ronald Campbell, raconte son « voyage cauchemardesque » de Paris à Bordeaux par la Touraine. Il souligne la difficulté « de rester en contact constant avec les ministres ou leurs ministères » tant ils sont dispersés, tant « les communications téléphoniques sont rustiques ». Le 13 juin, Reynaud lui avoue : « La position de la France est celle d’un noyé appelant à l’aide. » Le lendemain, Reynaud lui confie qu’il veut envoyer le gouvernement en Afrique du Nord. À cette fin, de Gaulle est envoyé à Londres pour se renseigner sur le transport du matériel de guerre. Impression de Campbell : « Impossible de faire parler Reynaud de manière rationnelle. »

Le 16 juin, à Bordeaux, alors qu’il s’entretient avec Reynaud, de Gaulle appelle de Londres : il est en réunion avec Winston Churchill, premier ministre depuis six jours. Il suggère, avec l’accord de Churchill, que Reynaud « fasse immédiatement une déclaration annonçant la formation d’une union franco-britannique dans tous les domaines afin de poursuivre la guerre ». Un projet conçu par Jean Monnet. Ce serait la fin des deux nations. Existeront « des organes de défense, ainsi que des politiques étrangères, financières, économiques communs, une double nationalité, un seul Cabinet de guerre ». Le soir, Paul Reynaud démissionne alors que de Gaulle est en route et apporte le texte de l’accord. Campbell note au soir du 16 juin : « Il aurait fallu un leader extrêmement fort pour gérer la situation. Il n’y avait personne. […] Impuissant à exercer une quelconque influence, je regardais une grande nation écrire, de sa propre main, la page la plus sombre de son histoire. »

Le 24 décembre 1940, Churchill écrit au général de Gaulle. Il l’informe que, étant reconnu comme le leader des Français libres, le gouvernement de Sa Majesté travaillera avec lui sur toutes les questions concernant les territoires français d’outre-mer se plaçant sous son autorité. L’affaire de Syrie de juin et juillet 1941 met fin à cette entente. De Gaulle pense que les Britanniques veulent y supplanter les Français. Le 7 août, un télégramme du War Office signale des « remarques antibritanniques faites par le général de Gaulle pendant son séjour récent à Brazzaville » à l’occasion d’un entretien au Chicago Daily News. Le premier secrétaire aux Affaires étrangères juge que « la mégalomanie grandissante du général de Gaulle lui donne des ten dances fascistes ». Le 30 août, Churchill précise les procédures à adopter vis-à-vis de De Gaulle : « Personne ne doit voir le général de Gaulle, ni aucun de ses subordonnés. » Il ajoute : « Il doit mijoter dans son propre jus pendant une semaine si nécessaire. »

Le lendemain, Anthony Eden, secrétaire d’État aux Affaires étrangères, écrit à Churchill : « Il est possible que nous découvrions que de Gaulle soit fou ; si c’est le cas, il faudra s’en occuper en conséquence. […] Si nous ne pouvons pas nous entendre avec de Gaulle, notre plus grand regret sera de semer une confusion encore plus importante dans l’esprit des Français. […] Il est d’une grande importance à l’intérieur de la France aujourd’hui, comme point de ralliement contre Vichy. »

Deux jours plus tard, Alexander Cadogan, sous-secrétaire d’État aux Affaires étrangères, rencontre de Gaulle. Dans son compte rendu, il en dresse un portrait saisissant : « Un homme se préparant à être à la tête d’un mouvement important, voire d’un État, ne peut se permettre de montrer sa colère, son impatience et sa mauvaise humeur de la même façon qu’il serait permis à un homme ordinaire. À mon avis, de Gaulle est un homme très intelligent. […] Ce n’est pas un diplomate, mais derrière son étrange comportement, il y a un cerveau calculateur, et bien que sincère et honnête, il est guidé par de profonds préjugés. C’est aussi un sentimental. » Bref, de Gaulle et les Français libres constituent pour les Anglais et pendant longtemps encore « une pénible affaire » qu’ils ont du mal à maîtriser.

“Vive le Québec libre… de prendre ses propres décisions”
Au mois de juin 1944, alors que Churchill a songé peu avant le débarquement à faire intercepter de Gaulle, les services du Foreign Office suivent avec attention les réactions de la population lors de la visite du Général en Normandie. Ils prennent acte d’un souhait constant, celui « d’un gouvernement non pas dictatorial, mais autoritaire pour restaurer l’ordre et ramener la prospérité ». Dans ce rôle, de Gaulle leur convient. Ainsi leur réaction au discours prononcé sur le balcon de l’hôtel de ville de Paris, le 25 août : « Comme d’habitude, les paroles de De Gaulle sont exactement celles que les Français veulent entendre, même s’ils doivent bien se rendre compte qu’il exagère ce qu’ils ont fait eux-mêmes. »

Sous la IVe République qui suit, « l’influence du Général est en déclin ; le RPF [le rassemblement politique qu’il a fondé] se réduit à un petit parti de droite ». L’Indochine, le Cameroun, Suez, la bataille d’Alger : chaque fois, les événements sont perçus selon leur utilité pour le Royaume-Uni. Une fois le Général revenu au pouvoir, les auteurs retiennent son attitude dans l’affaire Ben Barka. Puis le voyage au Québec en juillet 1967 au cours duquel retentit son : « Vive le Québec libre ! Vive le Canada français ! » Un affront pour le gouvernement fédéral canadien. Curieusement, le compte rendu que rédige l’ambassadeur britannique à Paris à l’issue d’une conversation tenue avec son homologue canadien désamorce en partie les propos du Général. Plusieurs versions sont proposées par ces diplomates : à son habitude, de Gaulle aurait improvisé la fin de son discours en fonction des circonstances ; ou bien le Général n’aurait pas pu terminer sa phrase (“ Vive le Québec libre… de prendre ses propres décisions”), sa voix étant noyée par l’enthousiasme de la foule, ainsi que l’enregistrement télévisé le montre.

Le 28 avril 1969, Charles de Gaulle quitte le pouvoir. Christopher Soames, ambassadeur à Paris, envoie un long télégramme au Foreign Office. Extraits : « Le rejet du référendum et le départ du général de Gaulle ont eu un effet stupéfiant. La goupille de la politique française a été retirée soudainement avec des conséquences qu’on ne peut, pour le moment, mesurer. Il y a incroyablement peu de désespoir ou de joie. Sa décision finale de mettre en jeu son propre avenir en fonction des résultats fut typique de son orgueil démesuré, ou, comme beaucoup de personnes le pensent maintenant, d’un désir de mort. »

Le Général meurt le 9 novembre 1970 à Colombey. Le 4 décembre, Soames adresse une dépêche à son ministre des Affaires étrangères dans laquelle il résume la vie et l’oeuvre de ce « Français insupportable » : « Le général de Gaulle avait une special relationship complexe avec la Grande-Bretagne : une admiration pour nos qualités mêlée à une jalousie de notre influence et à une peur profonde que les Anglo-Saxons n’empiètent sur les intérêts français. […] La France ne connaîtra plus jamais d’autres hommes comme lui. Peut-être que la tragédie de De Gaulle, mais aussi sa force, fut que lui aussi mélangea mythe et réalité. Sa “certaine idée de la France” fut un idéal splendide mais inaccessible, et, au fond de lui, il le savait. »

Source : Frédéric Valloire - V.A.
Photo © AFP
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Re: 1940-1981: un insupportable Général

Nouveau message Post Numéro: 2  Nouveau message de jph  Nouveau message 18 Aoû 2013, 16:02

Bonjour, merci pour ces informations, amicalement jph

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